Dan cherche pour ses amis des billets d’avion bon march qu’il leur commande moyennant une petite commission. Les clients lui transmettent leur numro de carte bancaire qu’il utilise pour commander le billet et encaisser sa commission. Acher lui demande un billet de Tel Aviv Paris du 8 au 15 mars et Dan lui prend le billet. Mais en apprenant les consignes de confinement de 14 jours son retour de Paris, Acher dcide de renoncer ce voyage, quitte perdre son billet. Il demande Dan de vrifier auprs de la compagnie arienne s’il est possible de se faire rembourser. La compagnie refuse. Mais aprs cette conversation, Dan s’aperoit qu’il a commis une erreur : il a pris le retour pour le 15 Avril au lieu du 15 Mars. Acher en profite pour demander Dan d’assumer les consquences de son erreur et de lui rembourser son billet, car ce n’est pas le billet qu’il a command. Pour sa part, Dan prtend qu’en fin de compte, son erreur n’a caus aucun tort Acher, puisqu’il a l’intention de renoncer son billet quoi qu’il en soit.
Rponse: le Choul’han Aroukh (‘Hochen Michpat 183 ; 5) crit : « Si un homme mandate un envoy pour acheter du bl mais que celui-ci achte de l’orge, au cas o l’affaire est perdante, l’envoy endossera les pertes, mais si l’affaire est gagnante, c’est le mandant qui en profitera ». Le Chakh (9) prcise qu’il s’agit uniquement d’une perte occasionne par l’erreur de l’envoy. Si un accident est arriv, et qu’il serait arriv aussi au bl, l’envoyn’en sera pas tenu pour responsable. Le Ketsot (5) et le Ntivot (7) remettent en question les propos du Chakh : en ayant mal accompli sa mission, l’missaire devient « emprunteur » de l’argent et donc entirement propritaire de la marchandise, ce qui lui fait endosser toutes les responsabilits et l’oblige dans tous les cas rembourser cet argent considr comme un emprunt. Aussi, le mandant n’aura plus rien voir avec cette affaire. D’aprs cette opinion, Dan devient propritaire du billet et devra rembourser intgralement Acher.
Mais le Ntivot propose de nuancer les cas. En effet, le Choul’han Aroukh (182 ; 6) stipule ailleurs que si un missaire fait l’erreur d’acheter sans garantie un terrain, s’il s’avre vol par exemple, la transaction sera maintenue et ce sera l’missaire d’assumer la garantie, c’est- -dire les consquences de son erreur. Le Ntivot considre qu’il faudra vrifier chaque cas o l’missaire a chang la commande, et dterminer si le mandant reste intresspar la transaction si l’envoy couvre toutes les pertes occasionnes par son erreur. Si oui, l’envoy sera tax et devra couvrir les pertes sans profiter des gains, moins que l’objet achet ne soit compltement diffrent et dans ce cas, il en deviendra propritaire. Dans le cas des billets d’avion, il faut dterminer ce qu’Acher prfrait au moment de l’erreur de Dan. Au moment o il avait command son billet, puisqu’il comptait voyager, Acher aurait videmment prfr garder le billet et bnficier de la garantie de Dan pour le retour, c’est-dire assumer les consquences de son erreur et procurer Acher un retour la date demande, mme s’il lui faut payer plus cher. Il doit lui couvrir toutes les pertes qui lui a occasionnes. Mais si son changement n’a en fin de compte occasionn aucune perte, il n’aura rien payer Acher, sauf restituer la commission qu’il a perue sur le billet-retour.
Conclusion : Dan doit payer le retour d’Acher ses frais, mais si Acher ne fait pas ce voyage, Dan n’aura rien payer.
Rav Rouven Cohen

De nombreuses personnes ont avancé des arrhes en vue d’un séjour à l’hôtel pour la période de Pessah. A cause du coronavirus, tous ces séjours ont été annulés. Les clients pourront-ils récupérer leur avance ? Quel est l’avis de la Torah ?
Réponse : La Michna (Baba Metsia 105b), rapportée par le Choul’hane Aroukh (‘Hochen Michpat 321;1), écrit que si un homme a loué un champ et qu’une catastrophe naturelle limite son exploitation, si cette catastrophe est d’ordre national, le montant de la location devra être réduit. Le Rama ajoute au nom du Mordékhay qu’en cas de décret gouvernemental qui interdit l’étude de la Torah, l’enseignant devra être rémunéré entièrement. Il semble que le Rama fait la différence entre la location d’un bien et l’engagement d’un employé. Tous les commentateurs s’étonnent de cet avis du Rama qui, a priori, s’oppose à la Michna. Le Sma (6) conclut que même selon le Mordékhay, il ne faudra régler à l’employé que la moitié de sa paye. De son côté, le Nétivot (334;1) affirme que les propos du Rama ne concernent que l’enseignant de Torah. Le Gaon de Vilna aussi semble dispenser de payer l’employé au même titre qu’un bien immobilier. Face à cette controverse, les décisionnaires ont retenu le compromis proposé par le Hatam Sofer : payer à l’enseignant la moitié de son salaire. Mais il faut savoir que de façon générale, un employé licencié en cours de contrat ne sera pris en charge qu’à hauteur de la moitié de sa paye (Taz 333;1), en vertu du barème de l’employé au chômage, à l’exception des enseignant en Torah qui ne tirent aucun bénéfice de ce « repos » mais, bien au contraire, en souffrent. En fonction de cela, tous les employés autres qu’enseignants de Torah (musicien, ganénet etc) devront se suffire du quart de leur paye en période de crise nationale.
Revenons aux hôtels pour Pessah. Prenons par exemple un budget d’organisateur qui se partage à peu près ainsi : 33% pour la location des chambres, 22% pour le personnel, 22% pour l’achat des aliments, 5% pour la publicité et autres, leur marge de bénéfices se situant aux alentours de 18%. Dans notre cas de crise internationale, comme l’énonce la michna, la location d’immobilier sera réduite à zéro. Pour les employés, ils pourront retenir un quart, soit 5,5% (seulement si les organisateurs ont dû payer le personnel). Quant aux aliments, les frais ne seront pas imputés aux clients en vertu de la règle de dina dégarmi (dégâts indirects causés, par exemple, par une promesse d’achat) en cas de force majeure. Par contre, la marge de bénéfices de ces organisateurs est considérée comme un salaire d’employé et sera assuré au quart en cas de crise nationale, comme nous l’avons mentionné plus haut.
Conclusion : les organisateurs pourront garder, sur les arrhes, environ 4% du prix du séjour ainsi que le quart de la paye prévue des employés qu’ils ont dû rémunérer.
Rav Réouven Cohen

Nous avons énoncé la semaine dernière l’avis de la Torah en cas d’annulation de contrat pour cause d’épidémie : la dispense du Choul’han Aroukh (321;1) pour la location immobilière et l’obligation citée par le Rama de payer l’employé ainsi que le compromis du ‘Hatam Sofer, adopté par tous les décisionnaires, de lui accorder la moitié de sa paye en prenant en compte le fait qu’il soit au chômage. Les employés ne doivent toucher qu’un quart de leur salaire à l’exception des enseignants en Torah qui toucheront la moitié. Cette semaine, je vous fais part de quelques questions adressées au Beth Dine.
La mairie a donné des instructions aux ganim et aux michpa’htonim de rendre aux parents l’argent qu’ils ont versé. Ces instructions sont-elles valables selon la halakha ?
Oui, elles sont valables puisque le contrat initial a été fait selon les clauses de la mairie.
Qu’en est-il pour les ganim privés ? Les gananot ont toujours dit aux parents qu’elles suivent les emplois du temps des ganim municipaux. Ne devraient-elles pas suivre ces instructions aussi ?
Ces gananot sont engagées par les parents et non par la mairie. Ils ont d’un commun accord adopté un emploi du temps identique à ceux des ganim municipaux, mais avec un barème de paiement totalement différent. Il en sera de même pour le paiement en période de crise. Bien que la loi en vigueur soit valable pour cet engagement aussi en tant que minhag, usage courant, celui-ci n’inclut pas les instructions en temps de crise. Il n’y a de minhag que pour les situations courantes. Dans ce cas de crise nationale, les règles de la Torah, à savoir un quart de la paye, s’appliquent. Pour les vacances de Pessah, elles toucheront leur paye entière.
Mon contrat de location s’achève le 28 Avril. De peur de me retrouver tout seul en cas de confinement total, j’ai déjà quitté l’appartement pour rejoindre mes parents. Dois-je payer ce dernier mois ?
La dispense pour un bien immobilier ne s’applique qu’en cas de macat médina, de crise naturelle d’ordre national qui touche l’ensemble du secteur. Par exemple, les locations saisonnières lors de la deuxième guerre du Liban qui a fait fuir tous les vacanciers. Dans la crise actuelle, bien au contraire, les gens ne quittent pas leurs maisons, mais s’y confinent. La raison pour laquelle vous voulez résilier votre contrat est personnelle, et vous ne profiterez pas de cette dispense.
Je suis en cours de mission de conseil dans un domaine qui n’est pas touché par la crise. Sous prétexte de crise, le client voudrait arrêter le contrat. Quels sont mes droits ?
S’il n’y a pas de macat médina, le Choul’han Aroukh’ Hochen Michpat (333) stipule qu’un employeur ne peut résilier le contrat d’un employé en cours de contrat. S’il désire interrompre son travail, il devra lui verser un salaire pour toute la période d’emploi définie d’avance (selon le barème de l’employé au chômage). Mais plus loin (334), il écrit que dans un cas de force majeure imprévisible, l’employeur ne doit rien au salarié en cas de rupture de contrat.
Doit-on continuer à payer les scolarités des enfants ?
Vous n’avez pas à couvrir les enseignants subventionnés par l’état. Pour les privés, il faudra payer le quart, et s’il s’agit de professeurs de kodech, la moitié. Les directeurs devront faire ce calcul de façon honnête et vous le communiquer.
Rav Réouven Cohen

David a acheté dans un vieux bâtiment de Raanana un appartement à plusieurs terrasses. Des travaux de rénovation s’imposent : il remplace le carrelage de tout l’appartement et agrandit la cuisine en fermant le balcon attenant. L’hiver suivant, son voisin du dessous, Yaniv, se plaint d’infiltrations d’eau dans son salon, qu’il n’a jamais eues auparavant. Apparemment, en changeant son carrelage, David a dû déplacer ou endommager les feuilles d’étanchéité. David remarque aussi quelques taches d’humidité sur le plafond de la partie qu’il vient de fermer dans sa cuisine, provenant du balcon de Kobi, son voisin du dessus. Les trois voisins décident de se rendre au beth dine pour connaitre leurs droits et obligations mutuels.
Réponse : le Rama (‘Hochen Michpat 155 ; 4) écrit que c’est à celui qui subit les infiltrations de pluie de se couvrir des dégâts. Bien que le sol du voisin soit défectueux, ces dégâts ne sont pas causés par ses eaux mais par l’eau de pluie. Pourtant le Nétivot (3) écrit au nom du Roch (responsa 108 ; 10) qu’au cas où les frais de restauration du sol du voisin du dessus sont élevés, ce sera à lui de les assumer. Mais de toutes façons, il est d’usage aujourd’hui que le propriétaire mette sa propriété en état même s’il n’est pas lui-même endommagé. Il en est de même pour le toit de l’immeuble : les frais d’étanchéité sont payés par la copropriété et pas uniquement par le propriétaire du dernier étage. En Israël, à force d’être appliqué par force de loi civile, ce minhag a pris une valeur hilkhatique (Rav Eliyachiv et Rav Ben Tsione Aba Chaoul à ce sujet). En outre, dans notre cas, c’est David qui a causé l’infiltration d’eau par la rénovation de son carrelage. Dans ce cas-là, le Rama aussi est d’accord que David doit refaire l’étanchéité du sol de sa terrasse. Quant aux taches d’humidité qui proviennent de la terrasse de Kobi, David ne peut pas avoir de réclamation à cet égard. En effet, le bâtiment étant ancien, il n’y avait pas lors de sa construction de normes exigeant l’étanchéité totale pour un balcon surplombant un autre. Quelques gouttes ne dérangent pas dans un balcon ouvert, à la différence de l’espace intérieur qui demande une étanchéité totale. La décision de David de fermer son balcon, ce qui en fait un espace intérieur, ne peut pas obliger son voisin à entreprendre des travaux d’étanchéité.
Conclusion : David devra réparer son sol de façon à supprimer toute infiltration dans le salon de Yaniv, mais il ne pourra pas demander à Kobi de faire de même.
Rav Réouven Cohen

Suite à un mauvais traitement de son dentiste, Sarah se retrouve avec un défaut dentaire incurable. Désolé, le dentiste lui rembourse le prix des soins et lui propose de lui faire gratuitement les soins restants. Sarah n’est pas satisfaite de cela et lui réclame un dédommagement de 300,000 chéquels. De plus, elle porte plainte contre lui au tribunal d’instance de Jérusalem. Comme tous les deux sont religieux, le dentiste convoque à son tour Sarah au beth dine dans l’espoir d’arrêter sa procédure au tribunal civil. Il sait que, selon la Torah, il n’existe pas d’indemnités excessives pour une prestation ou un objet défectueux.
Réponse : La Torah reconnait la notion de méka’h ta’out, l’annulation d’achat pour tout objet défectueux. Dans ce cas, l’argent doit être remboursé. L’acheteur ne pourra pas soutirer des indemnités supplémentaires en menaçant le vendeur de procédure au tribunal civil. En effet, il est gravement interdit à deux juifs ayant un conflit d’intérêts d’avoir recours à la juridiction civile. Quiconque le fait est considéré comme un mécréant ayant blasphémé et porté atteinte à la Torah de Moïse (Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat 26, 1). Ceci est vrai même si le juge est juif ; c’est, au contraire, bien plus répréhensible car il juge ses coreligionnaires en ignorant les principes de la Torah (‘Hazon Ich 15, Yé’havé Daat 4, 5). L’acheteur trompé ne pourra donc pas avoir recours aux instances civiles et devra se suffire des droits accordés par la Torah à la personne ayant subi le dommage. Dans le cas de Sarah, le dédommagement est, en principe, bien inférieur à ce qu’elle réclame. Pourtant, dans son cas précis, le beth dine va lui donner gain de cause, car il existe des corps de métier pour lesquels une licence est requise. Cette licence est délivrée sous certaines conditions, notamment celle de dédommager le client en cas de faute. Sans cela, la licence lui est retirée. C’est un accord tacite, et c’est avec cette assurance que le patient se fait traiter par son dentiste, en étant tranquille que le travail sera minutieux faute de quoi le dentiste le payera très cher (Rav Mendel Chafrane). Cet accord est également valable selon la Torah, qui accorde au client le dédommagement fixé par la loi civile. Il en est de même pour les avocats, experts-comptables et tout autre métier nécessitant une licence. Ce n’est pas le cas des commerçants envers lesquels la plainte doit se faire au Beth Dine sauf s’il y a un intérêt public à la plainte, comme en cas de vente d’aliment avarié ou de tout autre danger public ; il sera toutefois interdit de demander un dédommagement.
Conclusion : le dentiste devra satisfaire les exigences de Sarah, sinon le Beth Dine permettra à Sarah d’engager une procédure civile contre lui pour qu’il puisse faire intervenir son assurance.
Rav Réouven Cohen

Youval doit rapidement vendre sa maison à Ashdod, qu’il évalue à 5 millions de chequels. Quand Ouri lui propose ses services d’agent immobilier, Youval lui répond : « Je dois obtenir 5 millions de shequels. Tout ce que tu arriveras à toucher de plus sera pour toi ». Au bout d’une semaine, Ouri fait visiter la maison à un client. Celui-ci propose sur place 5 millions à Youval. Ouri demande à Youval d’être ferme sur 5,2 M dans l’espoir de clôturer à 5,1 M, afin de toucher 100,000 shequels de commission. Youval est impatient, appelle le client et conclut directement avec lui à 5 M. Mécontent, Ouri accuse Youval de lui avoir escamoté sa commission et lui demande de payer. Pour sa part, Youval répond : « Je t’avais averti que pour 5 M, je ne te payerai pas et je ne voulais pas manquer ce client ». Ils se rendent au beth dine pour régler ce litige à l’amiable.
Réponse : l’agent immobilier mérite salaire pour deux raisons : s’il a été mandaté, il doit recevoir un salaire au même titre qu’un employé et, s’il n’est pas mandaté, il a droit à un salaire pour le profit généré au vendeur ou à l’acheteur. Il existe une controverse (voir Pit’hei Techouva ‘Hochen Michpat 264 qui rapporte le Peri Tévoua) à savoir s’il doit malgré tout être payé dans le cas où le vendeur dit clairement à l’agent qu’il n’est pas intéressé par ses services. Mais notre cas est différent : Youval a demandé à Ouri de travailler et de prendre son salaire sur l’excédent des 5M. Ouri n’a pas renoncé à son salaire. Il a uniquement accepté de prendre le risque, en évaluant qu’il serait capable de trouver un client qui proposera davantage que 5M et d’obtenir sa commission de cette façon. Mais si Youval ne lui laisse pas la possibilité de toucher son salaire de la façon convenue, Ouri n’est pas d’accord d’y renoncer. On se trouve donc face à un employé auquel on a demandé de travailler sans fixer de salaire (puisque le salaire fixé a été annulé). Dans ce cas, il faudra lui payer le salaire habituel d’un agent immobilier en pourcentage. Mais ceci est juste uniquement si Youval s’est empressé de conclure sans laisser la possibilité à Ouri de monter le prix. Par contre, s’il lui a laissé tout le temps nécessaire et que le client n’a pas accepté de payer davantage, Youval aurait eu raison de clôturer de peur de manquer ce client. En cas de doute, on ne pourra pas obliger Youval à payer en vertu de la règle de « hamotsi méhavéro alav haraya » : celui qui retire de l’argent à l’autre doit fournir la preuve qu’il a raison. Mais si l’agent est persuadé qu’il aurait réussi à faire monter le prix et que le vendeur n’en est pas sûr, ce serait un cas de « eini yodéa im pératikha » (Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat 75 ;9) : l’emprunteur disant ne pas être sûr d’avoir remboursé sera tenu de payer sa dette puisque, jusqu’à preuve du contraire, il était redevable.
En conclusion : si l’agent n’a pas réussi à faire monter le prix malgré tout le temps dont il disposait, Youval ne lui doit rien. Mais si Youval s’est empressé de conclure l’affaire sans laisser à Ouri la possibilité de gérer les pourparlers pour hausser le prix (raison de plus si l’acheteur avait été d’accord d’augmenter son offre), Youval devra payer le pourcentage habituel accordé à un agent immobilier.
Rav Réouven Cohen

Moché a pris une location à Natanya pour Pessah. De Paris, il avait viré une avance à Ilan et il était entendu que l’appartement soit cacher pour Pessah et déjà vérifié, étant donné que Moché devait atterrir en Israël la veille de la fête. Mais quel ne fut pas son étonnement en trouvant à son arrivée à 9h du matin un appartement non nettoyé et présentant même quelques miettes de ‘hamets. Moché appelle de suite Ilan, qui s’excuse d’être très occupé par les préparatifs de Pessah et de n’avoir pas eu le temps de nettoyer l’appartement. Il propose à Moché de déduire 200 chéquels du prix de la location pour le nettoyage et la bedika qu’il doit faire. Moché est déçu et sa femme n’est pas prête à emménager dans un tel appartement la veille de la fête. Après quelques coups de fil, il réussit à trouver un autre appartement encore moins cher qui lui convient. Il avertit Ilan du changement et lui demande de lui rembourser ses arrhes. Pour sa part, Ilan lui demande de payer la totalité de la location puisqu’il ne trouvera plus de locataire à cause de lui et que, de toutes façons, il s’est engagé à louer l’appartement pour toute la durée de la fête.
Réponse : les biens immobiliers s’acquièrent par l’argent (Kidouchine 26). Il en est de même pour la location immobilière : en payant une avance, Moché a acquis la location pour toute la période ce qui l’oblige à payer la totalité de la somme même s’il n’occupe pas les lieux. Telle est la loi sauf s’il y a un défaut ou une condition qui remettrait en question l’accord initial. Le Choul’han Aroukh (Ora’h ‘Haim 437 ; 3) écrit que celui qui loue le 14 Nissan une maison, qui est censée être vérifiée et s’avère non vérifiée, le locataire devra faire la bedika et ce n’est pas considéré comme un vice qui annule la location. La Guemara (Pessa’him 4b) explique que même s’il est coutume de faire payer la bedikat ‘hamets, la location ne sera pas annulée, car chacun est content de faire lui-même la mitsva, même s’il incombe au propriétaire de la faire. Le Maguen Avraham (idem 7) demande pourquoi il faut évoquer cette raison pour la mitsva. Le Choul’hane Aroukh (‘Hochen Michpat 232) n’a-t-il pas établi qu’un vice extérieur oblige réparation mais n’annule pas la transaction ? Le Maguen Avraham répond que même si l’on a fait la condition explicite que la bedika soit effectuée, la location sera maintenue pour la raison de la mitsva. Cet avis a été retenu par Rabbi Akiva Eiguer et le Ma’hané Ephrayim (onaa 6), mais plusieurs poskim l’ont remis en question (Pri ‘Hadach, Mékor ‘Haïm 7). En effet, il est difficile de dire qu’une condition explicite ne suspend pas la location. Mais il semble que dans notre cas, la location est annulée selon tous les avis. En effet, lorsqu’il est entendu que la maison louée soit cacher pour Pessah, il ne s’agit pas uniquement de la mitsva de bedika qui ne dure pas très longtemps, mais du nettoyage à fond de tout l’appartement. De nos jours, ce travail est perçu comme un grand tracas, ce qui fait d’ailleurs le bonheur des organisateurs d’hôtels qui permettent aux ménagères d’éviter cette charge qu’elles considèrent comme lourde. Bien que la halakha déconseille de se dispenser de la bedika, nous savons très bien pourquoi tant de familles quittent leur maison pour la fête de Pessah. De nos jours, il n’y a donc plus pour cette mitsva le principe de la Guemara qu’une personne est contente de faire une mitsva par elle-même. Le Rambam (Mékhira 15 ; 5) écrit que chaque milieu établit ce qui est considéré comme un vice susceptible d’annuler une transaction. C’est ce que déclare l’un des grands décisionnaires contemporains, Rav Naftali Nussbaum chlita. Dans notre cas, puisque personne ne serait d’accord de nettoyer et de faire la bedika d’un appartement loué, Ilan doit effectuer le nettoyage et la bedika à ses frais, sans quoi la location sera annulée.
Conclusion : si Ilan ne propose pas à Moché de nettoyer immédiatement l’appartement, Moché peut quitter cette maison et Ilan devra lui rembourser les arrhes qu’il a avancées.
Rav Réouven Cohen

David cherche un appartement sur Natanya. Il s’adresse à son ami Dédé qui est agent immobilier. Dédé lui fait visiter plusieurs appartements, mais pour l’instant aucun ne lui plait. David rencontre un jour Yossi qui cherche lui aussi un appartement, et lui décrit l’un des appartements qu’il a visité avec Dédé. Yossi se met directement en contact avec le propriétaire et achète l’appartement. Aujourd’hui, il se demande s’il doit payer une commission à Dédé puisque l’information provient de lui.
Réponse : Il faut savoir qu’il est strictement interdit de révéler une information professionnelle, même si l’on n’a pas été averti de ne pas la diffuser (Guémara Yoma 4b, voir à ce sujet ‘Hafets ‘Hayim 2 ;27). David a donc mal agi en informant Yossi de cet appartement à vendre car il aurait dû le diriger vers Dédé. Reste à savoir si Yossi ou David doivent quelque chose à Dédé. Il faut savoir qu’un agent immobilier mérite salaire pour deux raisons : s’il a été contacté et mandaté, il doit recevoir un salaire au même titre qu’un employé et sinon, il a droit à un salaire pour le profit qu’il a causé au vendeur ou à l’acheteur (Gaone de Vilna, ‘Hochen Michpat 185). C’est le principe de yoréd, mais faut-il encore qu’il ait travaillé pour lui. David a demandé à Dédé ses services sans finalement en profiter, tandis que Yossi en a profité sans que Dédé n’ait travaillé pour lui. Dédé ne mérite donc aucun salaire. Mais tout cela est juste seulement si David a visité l’appartement au départ pour lui-même. Par contre, s’il l’a fait depuis le début par malice pour éviter à Yossi les frais d’agence, Yossi devra bien sûr payer Dédé. En effet, sans le savoir, Dédé a travaillé depuis le départ pour Yossi. Il en sera de même si David a transmis l’information concernant cet appartement pour faire profiter Dédé de la commission. En fait, il a effectué en faveur de Dédé un travail d’agent et devient son envoyé sans même l’avoir averti. C’est le principe de zakhine. Dans ce cas-là, Yossi payera les frais d’agence à Dédé.
Conclusion : David n’avait pas le droit de transmettre à Yossi les informations sur cet appartement à vendre. Mais ni lui ni Yossi ne doivent payer à Dédé de frais d’agence.
Rav Réouven Cohen

Pour la hazkara de son père, Daniel a commandé au traiteur Jacquy un buffet salé pour 180 personnes. Il était entendu que le traiteur livre et dresse le buffet dans la salle de la synagogue. Malheureusement ce jour-là, le mardi 3 juillet, la manifestation des Ethiopiens a bloqué les routes pendant plus de trois heures. Daniel a dû se suffire de quelques gâteaux et boissons achetés au supermarché. Jacquy est vraiment désolé de cet incident indépendant de sa volonté, mais il demande malgré tout à Daniel de lui payer quelque chose puisqu’il a travaillé pour préparer son buffet. De son côté, Daniel n’en veut pas à Jacquy, mais il est hors de question pour lui de payer une commande qu’il n’a pas reçue.
Réponse : il existe une controverse au sujet des commande. Est-ce considéré comme uniquement une promesse d’achat ou comme un contrat d’emploi de l’artisan ? D’après le Mahara Sassone (rapporté par le Ktsot Ha’hochen 339 ; 1), puisque l’artisan utilise ses propres denrées, il ne travaille pas pour le client et il n’a eu qu’une promesse d’achat. Il ne doit être dédommagé que si le client lui a causé un tort (Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat 333 ; 8) en refusant de lui acheter l’objet fini. Il est donc évident que s’il ne présente pas l’objet au client, ce dernier ne sera pas coupable de ne pas l’acheter. Mais d’après le Netivot (333 ; 15) et le Hazone Ich, ceci est valable uniquement si la commande a été formulée de cette façon : « Fais-le et je te l’achèterai ». Par contre, si l’on dit à l’artisan : « Fais cet objet pour moi », il devient employé et aura droit de toutes les façons à son salaire, sans qu’on ait à vérifier le tort que le client lui cause en se rétractant. Reste à savoir si le client doit payer son employé lorsqu’une force majeure l’empêche d’en profiter. La Guémara (Baba Metsia 77a) établit qu’en cas de force majeure (onèss) qui rend le travail impossible ou inutile, l’employé sortira perdant. Mais ceci est valable uniquement pour licencier l’employé, mais pas pour le travail déjà effectué qu’il faut de toutes les façons payer, sauf si le onèss est dû à l’employé, comme par exemple si ses outils de travail se sont cassés accidentellement (Nétivot 335 ; 3). Le client devra alors payer seulement s’il tire un profit du travail effectué. Dans notre cas, le traiteur doit préparer les aliments mais aussi les livrer. Une route bloquée, force majeure imprévisible, est-elle considérée comme un onèss de l’employé ? Le Rama (335, selon l’interprétation du Nétivot ) considère la route comme un outil de travail du livreur. L’onnès étant dans son domaine, l’employé ne sera pas payé même pour un travail déjà effectué, si l’employeur n’en tire aucun profit.
Conclusion : d’après tous les avis, Daniel ne sera pas tenu de payer la commande qu’il n’a pas reçue.
Rav Réouven Cohen

Itshak demande à Deborah de taper un texte de quelques pages. Elle est payée au nombre de caractères. Il s’avère qu’elle avait déjà effectué une partie de ce travail pour un autre client. Elle se demande si elle peut être payée pour cette partie du travail qui ne consiste qu’à copier le texte qu’elle a déjà tapé.
Réponse : La Guémara Guitine 74b écrit que si le propriétaire d’un champ propose à son arisse (métayer), d’arroser son champ 4 fois par an au lieu des 3 arrosages habituels, et de recevoir un tiers de la récolte au lieu d’un quart et qu’au jour du dernier arrosage il pleut, l’arisse recevra quand même un tiers bien qu’il ait moins travaillé. Rachi explique qu’il a eu son avantage grâce à son mazal. Le Rif (ramené dans le Beit Yossef Hochen Michpat 334) fait une différence entre l’arisse et le poèl (employé). En effet l’arisse qui est payé au pourcentage ressemble à l’associé alors que l’employé qui est payé à l’heure ou à la journée sera rémunéré uniquement sur son travail. Mais il faut savoir qu’il y a un statu intermédiaire : le kablane qui est payé à la tâche. Peu importe l’effort déployé ou le temps passé il sera payé selon le résultat. Le Raavad pense qu’il a le statut du arisse alors que le Rambane le compare à l’employé puisqu’en fin de compte il est payé pour son travail. Le Beit Yossef semble aussi partager cet avis et dispenser l’employeur de payer le kablane au cas où il n’a pas fourni de travail. Dans notre cas Déborah n’est pas employée (poèl), puisqu’elle n’est pas payée à l’heure mais à la tâche (kablan). Son statut devrait dépendre de cette controverse et l’on devrait dispenser Itshak de la payer en suivant l’opinion du beit Yossef. Mais il semble qu’elle mérite quand même salaire. En effet il faut différencier entre le cas où l’employeur n’a plus besoin du travail puisqu’il a plu et le cas où il détient un travail déjà effectué, dont il peut s’en servir pour un autre client. Le dine sera diffèrent si Deborah avait trouvé ce document Word dans les dossiers de son employeur.
Conclusion: Deborah est en droit de demander son salaire selon le nombre de caractères du fichier qu’elle remet à Itshak.
Rav Réouven Cohen