Les Lévy n’ont eu que deux filles, Rouhama et Dina. Rouhama a toujours été aux côtés de ses parents, alors que Dina les a complètement abandonnés et se conduit envers eux avec beaucoup de mépris. M. Lévy voudrait la déshériter, mais avant de le faire, il voudrait savoir quel est l’avis de la Torah.
Réponse : le Talmud (Baba Batra 133b) et le Choul’han Aroukh (‘Hochène Michpat 282) écrivent : « Celui qui distribue ses biens à autrui en privant ses héritiers, même si ces derniers se conduisent mal envers lui, éveille contre lui la colère des ‘Hakhamim. Ceci est valable même s’il transfère la part d’un enfant à son frère qui est sage et vertueux ». Le Rama ajoute : « Si un homme a recommandé [avant sa mort] de distribuer ses biens au mieux [sans préciser de quelle façon], on les donnera à ses héritiers car il n’y a rien de mieux à faire que cela ». Le Yérouchalmi (Baba Batra 8;6) ajoute qu’une malédiction repose sur les ossements du défunt qui a déshérité son enfant. La raison citée par le Talmud est que, même si l’héritier se comporte mal, il pourra donner naissance à un tsadik qui profitera, le moment venu, de cet héritage. Mais il faut savoir qu’il existe quelques exceptions à la règle, par exemple si l’héritier a renié sa religion. C’est ainsi que le Ma’hané Yéhouda (282) explique le comportement d’Avraham Avinou qui a accordé tous ses biens à Yits’hak au détriment de Yichmaël. Selon le Rachbam (Baba Batra 133b), il est même interdit d’accroître la part d’un enfant au détriment du second. Par contre, le Ketsot Ha’hochène (282 ; 2) rapporte l’avis du Tachbets disant que le problème ne se pose pas si on laisse à son héritier la somme de quatre zouz. Rav Yossef Karo semble retenir cet avis dans son livre Avkat Rokhel (92). Rav Moché Feinstein (Igrot Moché 2,50) considère que cette somme (de quatre zouz) doit être substantielle ; il l’évalue à son époque (en 1966) à mille dollars. Dans une autre réponse, il recommande de laisser à son héritier un cinquième de ses biens, probablement à titre de simple conseil. Les grands décisionnaires de la dernière génération se sont appuyés sur le Tachbets seulement au cas où s’ajoute à cela une mitsva ou une autre raison valable, tel qu’un enfant talmid ‘hakham dans le besoin (Yabia Omère) ou le bien-être de sa femme (pour finir honorablement ses jours) ou ses filles à marier (Min’hat Yits’hak T3 135,16 ; Iggrot Moché).
Dans le cas de la famille Lévy qui n’a pas de fils, les filles sont héritières d’après la Torah. L’interdiction de déshériter un enfant devrait semble-t-il s’appliquer aussi. Cependant l’auteur du Itour (lettre mem) pense que cette halakha s’applique seulement si le défunt a laissé des fils. Bien que le Choul’han Aroukh n’ait pas retenu cet avis, nous pourrons le rajouter à celui du Tachbets pour permettre à M. Lévy d’avantager Rouhama au détriment de sa sœur (Min’hat Yits’hak T3 135,16 au sujet d’un enfant adopté par des parents qui n’avaient que des filles). Mais rappelons que le Iggrot Moché écrit que cette permission n’est valable que pour avantager une personne et pas pour déshériter une autre.
Conclusion : il est déconseillé à Mr Lévy de punir Dina en la déshéritant. Toutefois, il pourra avantager Rouhama pour son dévouement en lui laissant une part plus importante que celle de Dina.
Rav Réouven Cohen

Déshériter un enfant