Rachel a une femme de ménage, Francine, qui s’occupe très bien de ses enfants. Ils sont très à l’aise avec elle, elle va même quelquefois les chercher à l’école. Lorsque Rachel reçoit une offre de travailler quatre jours par semaine, elle demande à Francine de s’engager à garder ses enfants ces quatre après-midis. Mais celle-ci refuse car elle travaille aussi pour d’autres femmes de la communauté. Quand Rachel lui propose de lui augmenter son salaire horaire, elle accepte son offre. Rachel reçoit tout de suite un appel de Déborah qui l’accuse de lui avoir pris sa femme de ménage. Rachel s’excuse en lui disant qu’elle ne savait pas qu’elle travaillait aussi chez elle. Elle ajoute que Francine n’a jamais fait de contrat avec qui que ce soit, mais fixait à nouveau son programme chaque semaine. Rachel appelle son Rav pour lui demander si elle avait le droit de prendre Francine à ses employeuses en lui proposant un salaire plus élevé.
Réponse : Le Talmud (Kidouchine 59) enseigne : « Si un indigent rôde autour d’un gâteau puis quelqu’un d’autre vient prendre [le gâteau], celui-ci est appelé racha, un méchant ». Rachi explique qu’il s’agit du cas où il trouve ce gâteau. Selon Rabénou Tam, on ne parle que dans le cas d’une vente, et c’est parce que le deuxième peut très bien se procurer la même chose ailleurs et ne devait pas s’immiscer dans cette situation. En l’achetant malgré tout, il devient racha. Cette raison n’est pas applicable dans le cas d’un objet trouvé qu’on ne peut espérer trouver facilement ailleurs. Le Choul’han Aroukh (237, 1) rapporte ces deux avis et le Rama rapporte uniquement celui de Rabénou Tam. Au paragraphe suivant, le Choul’han Aroukh écrit qu’un enseignant n’a pas le droit de postuler pour un poste déjà occupé car il cause le licenciement de l’employé en place. Par contre, un employeur peut proposer à un enseignant employé ailleurs de travailler chez lui. Le Sma’ (8) explique qu’à la différence d’une location ou d’un achat, en ce qui concerne les études, les enseignants ne se ressemblent pas, et l’un peut être plus adéquat que l’autre. Un bon enseignant ressemblerait donc, en ce qui concerne cette loi, à une chose qu’on trouve plutôt qu’à un achat. Le Nétivot (2) démontre à partir de cela que l’avis retenu par le Choul’han Aroukh est, comme d’après le Rama, celui de Rabénou Tam qui permet de s’immiscer pour prendre un objet trouvé. Le Aroukh Hachoul’han (5) explique le Choul’han Aroukh d’une autre façon : étant donné qu’il s’agit d’un enseignant de Torah, et donc d’une mitsva, la restriction de lui proposer un autre poste ne s’applique pas. Dans le cas de Rachel, une femme de ménage à qui on peut confier ses enfants sans inquiétude n’est pas chose courante. Il s’agit là d’une chose trouvée, mais pas d’une mitsva. Rachel pourra malgré tout s’en tenir à l’opinion du Nétivot, surtout qu’il s’agit d’un interdit d’ordre rabbinique seulement et, en cas de doute, on le permettra plus facilement. Mais le Nétivot et le Aroukh Hachoul’han précisent que la permission de prendre un enseignant à son employeur s’applique uniquement s’il n’est pas en cours de contrat. Le dine sera donc différent si Francine s’était engagée, même verbalement, vis-à-vis de Déborah pour une période déterminée.
Conclusion : si Francine n’est pas en cours de contrat avec d’autres employeurs, Rachel a le droit de lui proposer un salaire plus élevé pour l’encourager à travailler chez elle, même au détriment des autres.
Rav Réouven Cohen

Prendre un employé au détriment de son employeur