Ariel, un jeune élève, part en voyage pour quelques jours. Son ami fumeur, Rafi, en profite pour lui remettre 300 dollars et lui demander de lui acheter à la boutique hors-taxe 6 cartouches de cigarettes Marlboro light. Ariel accepte, mais en arrivant aux rayons de la boutique, il se rend compte qu’il peut, en vendant lui-même ces cigarettes à l’école, financer entièrement son billet d’avion. Il envoie un message à Rafi lui disant qu’il compte finalement acheter les cigarettes pour lui-même. Rafi lui fait part de son mécontentement et lui demande de ne pas utiliser son argent à des fins personnelles. Ariel n’en tient pas compte et lui envoie la photo des 3 cartouches de Marlboro light et 3 cartouches de Marlboro rouges qu’il a acheté pour lui-même, en le rassurant qu’il le remboursera dès son retour. Mais à l’atterrissage, Ariel se fait confisquer les cigarettes à la douane. Rafi est, en fin de compte, soulagé qu’Ariel ne lui ait pas acheté les cigarettes, mais Ariel lui annonce que, selon la halakha, il ne doit rien lui rembourser.
Réponse : le Choul’hane Aroukh (‘Hochen Michpat 183 ; 3) dit que si un envoyé achète pour lui-même la marchandise avec l’argent de celui qui l’a chargé de l’achat, en le considérant comme un prêt, la marchandise appartiendra automatiquement à celui qui l’a chargé de l’acheter. Le Rama ajoute que si l’envoyé annonce devant témoins qu’il se retire de sa mission, d’après le Rav Hamaguid, la transaction sera à son profit, mais un deuxième avis dit que la marchandise revient au propriétaire de l’argent. Le Chakh (4) affirme que le Choul’hane Aroukh est aussi de cet avis, car il parle aussi du cas où l’envoyé a annoncé devant témoins qu’il agit dorénavant pour lui-même, comme semblent le penser le Rambam et le Rif. Cependant, le Nétivot (4) rejette l’interprétation du Chakh et prouve, d’après le Choul’hane Aroukh (Yoré Déa 177 ; 40), que si l’envoyé se retire devant témoins, la marchandise lui appartient, et tel est aussi l’avis du Gaone sur le Choul’hane Aroukh. Le Nétivot explique les deux avis rapportés par le Rama : d’après le premier avis, en enfreignant la volonté de celui qui l’a chargé de l’achat, l’émissaire devient un voleur et réussit de cette façon à faire l’acquisition de l’argent (il sera évidemment tenu de le rembourser) et à acheter ce qu’il désire avec. Selon le deuxième avis, celui qui l’a chargé de l’achat reste propriétaire de cet argent, et la marchandise lui revient en dépit de la volonté de l’émissaire. Il ressort d’après cela que, selon le Choul’hane Aroukh, Ariel a bien acheté toutes les cigarettes pour son compte (les messages faisant fonction de témoins qu’il s’est retiré de son rôle d’émissaire). C’est donc sa propre marchandise qui a été prise à la douane. Il doit à présent rembourser à Rafi les 300 dollars qu’il lui a pris. Mais il faut savoir que, face à cette controverse des décisionnaires, Ariel pourra s’en tenir à l’avis du Rif et du Rambam (d’autant plus que le Chakh affirme que tel est l’avis du Choul’hane Aroukh). Ariel peut prétendre qu’il n’a pas réussi à s’approprier les cartouches de cigarettes. C’est donc la marchandise de Rafi qui a été prise, et il n’a rien à lui payer. Mais il faut savoir que le Chakh (5) et le Sma’ (6) précisent que le dine sera différent si l’envoyé utilise l’argent qui lui est confié, pour acheter une autre marchandise. Tous les avis accordent à l’envoyé la contrepartie de l’argent détourné. Les Marlboro rouge appartiennent donc à Ariel alors qu’il prétendra que les Marlboro light ont été, contre son gré, automatiquement acquises par Rafi.
Conclusion : Ariel devra rembourser à Rafi 300 dollars moins le prix des 3 cartouches de Marlboro light.
Rav Réouven Cohen

Agent, ou voleur ?