Avant son voyage en Israël pour étudier dans un séminaire, Ruth s’est rendu compte qu’elle n’avait pas de valise. Elle a donc emprunté celle de sa cousine Sarah. Avi, le mari de Sarah, lui précise que c’est une « Lancel » de prix qui leur a été offerte pour leur mariage. Il lui demande d’en prendre grand soin et désire la récupérer trois mois plus tard.

En Israël, Ruth rencontre son cousin Shimon (qui est aussi le cousin de Sarah). Celui-ci part en France et demande à Ruth si elle peut lui prêter une valise. Ruth, qui cherchait de toute façon à faire parvenir à Sarah sa valise, contacte Avi et lui demande si elle peut prêter la valise Lancel à Shimon afin qu’il la lui remette à temps. Avi accepte.

Au cours du voyage, Shimon perd cette valise dans un taxi et ne se donne même pas la peine d’essayer de la retrouver.

Qui est responsable ? Qui doit rembourser la valise ?

Réponse:

Mots clefs:

Shomer: le gardien.

Shoel: l’emprunteur.

Selon la halakha, toute personne ayant emprunté un objet pour l’utiliser (shoel) [Baba Métsia 29] ou ayant reçu un objet à garder (shomer) n’est absolument pas autorisée à le transmettre à une tierce personne (Baba Métsia 36).

La raison en est que le propriétaire craint un dommage qui les mènera, lui et le shomer, à se présenter devant le Beth din. Au cas où le Beth din lui donne la possibilité de jurer pour s’acquitter, il craint de faire un faux serment. Si  le shomer a enfreint cette loi, la responsabilité de rembourser l’objet reposera sur lui.

Dans le cas où l’objet a été remis à une personne à laquelle le propriétaire donne souvent ses affaires à garder ou les lui prête habituellement, nous considérons cette personne digne de confiance. Aussi, il aura le droit de lui remettre l’objet qu’il a emprunté ou gardé sans demander l’autorisation du propriétaire ; en cas de dommage à l’objet, il devra se défendre au Beth din directement contre cette personne.

Cependant, si le deuxième utilisateur s’est révélé fautif et ne peut pas payer le dégât, les avis sont partagés quant à la responsabilité du premier shomer. Le Choul’han Aroukh (’Hochen Michpat 291, 24) rapporte l’avis du Rambam qui déresponsabilise le premier shomer, tandis que le Rama ajoute l’avis de Rabbénou Tam qui considère que le premier shomer est tenu de rembourser (voir Ketsot Hahoshen et Netivot Hamishpat qui appliquent cet alinéa à notre cas).  

Notre cas est différent : il ne s’agit pas d’un shomer qui remet un objet à un shomer, mais d’un shoel [Ruth] qui remet un objet à un shoel [Shimon, auquel le propriétaire fait confiance]. Le  Netivot Hamichpat (291, 24) tranche que le premier shoel reste responsable, du fait que les obligations du shomer envers le propriétaire sont différentes que celles du shoel. En effet, le shomer doit garder l’objet, mais une fois l’objet en sécurité ou s’il l’a transmis à un autre shomer, il n’est plus responsable . Le shoel par contre ne s’engage pas uniquement à garder l’objet : il s’engage vis-à-vis du propriétaire à rembourser l’objet abîmé ou perdu même si c’est un cas de force majeure. Le fait d’avoir remis l’objet à un tiers n’annule pas cet engagement.

Le Aroukh Hachoulhan (291, 50) ainsi que le Pithei Hochen (shééla 9, 11, 30) partagent l’avis du Netivot Hamichpat.

En conclusion : puisque Ruth a emprunté la valise pour l’utiliser, elle reste responsable en cas de perte. Cependant, elle pourra demander à Shimon de la rembourser, puisque lui s’est engagé envers elle.

(Avec l’aide de D., nous expliquerons dans un prochain article la façon d’évaluer un objet usagé.)  

Rav Yehouda Lévy

La valise égarée