Cela fait quelques mois déjà que l’arbre de Rony dérange son voisin Avy. Son jardin perd une partie de son ensoleillement et l’étroitesse du passage force Avy à baisser la tête à certains endroits. Au bout d’un certain temps, il se décide à exiger de Rony qu’il taille les branches qui dépassent de son jardin. Rony est contrarié car il prétend que cela va gâcher la symétrie de l’arbre. Il invoque la halakha de ‘hazaka disant que celui qui a laissé son voisin utiliser son domaine ne pourra plus lui retirer ce droit. Il prétend en outre que ce n’est pas à lui de payer les frais s’il faut tailler son arbre. Les deux voisins se tournent vers le beth dine pour régler ce différend.

Réponse : Il existe effectivement certains cas où le silence de mon voisin face à ma jouissance de son domaine est interprété comme un assentiment. Ceci m’octroie (immédiatement, d’après le Rambam) un droit d’utilisation de son domaine par force de ‘hazaka. Par exemple : l’évacuation des eaux usées de ma véranda ou le dépassement de ma poutre dans le jardin du voisin (voir Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat 153-155). Cette halakha s’applique uniquement si mon utilisation du domaine de mon voisin lui cause un dérangement immédiat qu’il constate sans réagir. Dans notre cas, au moment de sa plantation, l’arbre de Rony ne causait nul dérangement ni dommage direct ou indirect, et ce n’est qu’au cours des années que ses branches ont poussé. On ne pourra donc pas dire que le silence d’Avy est considéré comme un assentiment (Yad Rama Baba Batra 60a) et de ce fait, Rony ne sera pas tenu de débourser les frais de jardinier. Dans ce cas-là, nous retenons l’avis de Rabbi Yossi (Baba Batra 18b) disant que c’est à la victime du dommage de s’éloigner ou de l’assumer. En effet, il y a des règles de voisinage à respecter, telle qu’éloigner la plantation de son arbre à deux mètres de la propriété du voisin dans certains cas (en l’absence de barrière de séparation et s’il faut labourer autour de l’arbre). Une fois ces précautions respectées, c’est au voisin de prendre ses dispositions pour ne pas être endommagé dans le futur. C’est pour cette raison que  le Choul’han Aroukh (155 ; 26 et 28) écrit que chacun peut couper les branches de l’arbre de son voisin qui dépassent dans son domaine. Le Rama (idem. 35) ajoute : « Si le dommage n’a pas été causé au moment de la plantation, ce sera à la victime de s’éloigner ». Comme le Rambam et le Choul’han Aroukh ont intentionnellement modifié la formulation de la Michna en retenant l’avis de Rabbi Yossi, les décisionnaires (‘Helkat Yaakov ‘Hochen Michpat 10) en déduisent que c’est à la victime du dommage de payer les frais de taillage de l’arbre. Le dine est différent si lors de sa plantation, l’arbre obstrue la fenêtre du voisin ou empiète dans son domaine (Chevout Yaakov 1 ; 159).

En conclusion : Avy a le droit de couper les branches de Rony qui pénètrent dans son jardin si elles le dérangent, mais les frais seront à sa charge.

 

Rav Reouven Cohen

L’arbre du voisin