David, résidant à Paris, vient d’acheter un appartement à Ashdod. Il laisse les clefs de son appartement à un agent immobilier, Nati, en le chargeant de trouver un locataire. Lorsqu’il a amené un client visiter l’appartement, Nati a dû lever l’interrupteur du compteur d’électricité afin de remonter les volets électriques. En sortant, il baisse les volets mais oublie d’éteindre le compteur, sans même s’apercevoir qu’il avait mis en marche la climatisation de tout l’appartement. Quelques semaines plus tard, David reçoit une facture d’électricité  importante alors que personne n’a occupé l’appartement. Nati ne cherche pas à se défaire de ses responsabilités, surtout qu’il est rémunéré pour son travail, mais il se demande malgré tout si d’après la halakha il doit payer la facture. Après tout, ce n’était qu’un oubli et de plus, il n’était pas sensé savoir que la climatisation se déclencherait.

Réponse : L’oubli est l’objet d’une grande controverse parmi les décisionnaires. Est-il considéré comme une faute (pechi’a) ou comme un cas de force majeure (onnès) ? En effet, le Cha’ar Efrayim 58 oblige le chomère (gardien) ou l’associé à payer le ‘hamets qu’il a oublié de vendre au goy avant Pessa’h (c’est aussi l’avis du Panim Méirot 1 ;59.) Le Chevout Yaakov 2 ;148 rejette l’avis du Cha’ar Efrayim car il affirme que l’oubli n’est pas considéré comme une faute (pechi’a), d’autant plus qu’aujourd’hui, les gens ont tendance à oublier. C’est aussi l’avis du Mekor Baroukh 52 au sujet d’un chomère qui a oublié de refermer un coffret de bijoux, ainsi que du Knesset Haguedola 291 ;5.

Mais il me semble que dans ce cas-là, tous les avis s’accordent à obliger l’agent immobilier à payer pour son oubli. Il ne s’agit pas uniquement d’un cas de négligence, pour lequel seul un gardien est tenu de payer : c’est un dommage au bien d’autrui pour lequel toute personne est responsable. En effet, Nati a la permission de consommer de l’électricité pour quelques instants, le temps d’une visite. En allumant l’électricité pour un mois, il s’avère qu’il a causé une perte à autrui sans  permission (voir ce qui a été rapporté au nom du Rav Elyachiv au sujet d’un emprunteur d’appartement, Mévakché Torah 5767 page 52). Son acte devient rétroactivement un dommage causé, peu importe pour quelle raison (oubli ou autre). La controverse au sujet de l’oubli ne concerne donc pas notre cas. D’autre part, c’est uniquement en cas de négligence dans sa garde que le chomère pourra dire : « On ne m’a pas averti que l’objet que je gardais était si cher ». Mais celui qui cause un dommage à son prochain ne peut pas prétendre : « Je ne savais pas que je causais un si grand dégât » (Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat 291 ; 4). Nati ne pourra donc pas dire : « Je ne savais pas que j’allumais aussi le climatiseur de l’appartement. »

Conclusion : L’agent immobilier doit payer la facture d’électricité de David.

Rav Réouven Cohen

Un oubli qui coute cher