Mr Ullman a mandaté un agent immobilier pour la location de son studio. Cela fait quelques semaines que cet agent était en pourparlers avec un client, Israël, qui s’y intéressait pour y installer son bureau. Puisque le mandat ne donnait pas l’exclusivité à cet agent et qu’Israël prenait trop de temps à se décider, Mr Oulman a cherché de son côté un locataire. Il fait visiter son studio à David qui s’engage immédiatement et prend rendez-vous dès le lendemain pour signer un contrat. En l’apprenant, Israël propose de remettre immédiatement une première mensualité à l’agent et de signer un contrat dès son retour de voyage. Mr Oulman donne à l’agent son accord pour conclure avec Israël et encaisser l’argent. Lorsque l’agent vient remettre la somme du loyer à Mr Oulman, celui-ci lui fait part de ses hésitations : David n’est pas content de sa conduite et lui a exposé l’interdiction selon la Torah de revenir sur sa parole après avoir conclu une affaire même verbalement. L’agent propose à Mr Oulman de demander au Beth din la conduite à adopter dans ce cas.

Réponse : Un bien immobilier  se loue de trois façons : par l’argent, par le contrat et par la jouissance, qui montre sa propriété (Baba Metsia 99b). L’engagement entre David et Mr Oulman n’étant que verbal, chacun d’eux a donc le droit de se rétracter. Cependant, la Guemara Baba Metsia (49a) enseigne : « Celui qui s’engage en commerce par la parole doit respecter ce qu’il a dit, même s’il n’y a eu aucune forme d’acquisition. Et s’il se rétracte, les hakhamim ne seront pas satisfaits de sa conduite ». Mr Oulman devrait donc respecter sa parole vis-à-vis de David pour ne pas être méhoussar amana (déloyal). Le problème, c’est que son engagement vis-à-vis d’Israël semble plus décisif, puisqu’il a reçu de sa part de l’argent par le biais de l’agent immobilier. En effet, avec son accord, l’agent devient chaliah kabala, son émissaire pour recevoir l’argent. Or, comme nous l’avons mentionné plus haut, l’argent constitue une forme d’acquisition pour la location d’un bien immobilier. En recevant cette première mensualité, l’engagement envers Israël devient irréversible même si le contrat n’a pas été signé. Certes, le Choulhan Aroukh Hochen Michpat 190;7 écrit au sujet d’un achat d’immobilier : « Dans un endroit où l’usage est d’écrire un contrat, celui-ci devient indispensable pour montrer sa détermination [à conclure l’achat] et l’argent ne suffit pas ». Cependant, le Rama 195;9 écrit en son nom (Beth Yossef) que pour une location, l’argent suffira même dans ces endroits. La raison en est que puisqu’il s’agit d’une période déterminée, les parties n’accordent pas d’importance au contrat (Sma’ 20). Or, de nos jours, comme l’usage est d’exiger un contrat même pour une location, le contrat reste indispensable (le rav Naftali Nüsbaum chlita affirme que cela dépend si on demande un contrat de location pour sa valeur juridique ou tout simplement pour avoir une liste écrite des nombreuses clauses entendues entre les parties). Mais il faut savoir que même si l’on considère que l’argent versé ne suffit pas, Mr Oulman ne pourra pas se retirer impunément de son engagement envers Israël. En effet, au sujet de biens mobiliers, nos Sages ont annulé l’acquisition par l’argent mais ils ont interdit de se rétracter sous peine de mi chépara’/une forme de malédiction (Choulhan Aroukh Hochen Michpat 204;1). Le Pithé Tchouva (ibid.) rapporte la controverse citée par le Beth Yossef au sujet de l’acquisition de biens immobiliers par l’argent où il est d’usage d’écrire un contrat et conclut au nom de la majorité des poskim qu’il y a aussi mi chépara’ pour l’acquisition de biens immobiliers (voir à ce sujet Divrei Chalom 2;73).

En conclusion,  Mr Oulman devra signer avec Israël pour éviter cette malédiction de mi chépara’ qui est plus grave que le fait d’être méhoussar amana. De plus, les personnes d’origine achkénaze pourront s’appuyer sur le Chakh 204;8 et le Bah 204;11 (en désaccord avec le Choulhan Aroukh) qui considèrent qu’il n’est pas méhoussar amana lorsqu’il a une raison valable de se rétracter (voir à ce sujet Hatam Sofer sur Yoré Déa 246).

Rav Réouven Cohen

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