David s’est installé dans un quartier religieux de Nétivot, dans le sud d’Israël. Il est émerveillé de l’entraide qui règne dans cette communauté. Désirant lui aussi faire partie de ces généreuses personnes, il décide d’ouvrir un gma’h, une association de prêt sans intérêt. Il accomplira ainsi la grande mitsva de prêter de l’argent à qui en a besoin. Il en parle à ses connaissances et, peu à peu, la caisse du gma’h s’emplit par les dépôts de bienfaiteurs qui désirent participer à cette mitsva. Un jour, il est cambriolé : des voleurs dérobent 3000 euros du gma’h. Il se demande s’il est tenu de rembourser cette somme au gma’h.
Réponse : Tout dépend des termes écrits dans le reçu qu’il a donné aux dépositaires. Ont-ils déposé l’argent ou l’ont-ils prêté à David ? Si le terme utilisé est halvaa, un prêt, David est évidemment tenu de rembourser l’argent qu’on lui a prêté dans tous les cas. Mais en général, le terme employé est hafkada, dépôt. Donc, a priori, David n’est que gardien de l’argent. Il faut pourtant savoir que ce terme de « dépôt » est aussi utilisé par les banques, bien qu’il soit évident que l’argent des clients leur est prêté sous la responsabilité totale des banques. C’est probablement parce qu’elles rendent service à leurs clients en acceptant leurs prêts qu’elles utilisent le terme de dépôt. Elles demeurent malgré tout des emprunteurs. Mais dans le doute, le gma’h pourra s’en tenir au sens propre du terme hafkada, dépôt. Il nous reste à déterminer quel type de gardien le receveur d’un dépôt est considéré par la halakha. Est-il chomér hinam, un gardien non rémunéré qui n’est responsable qu’en cas de négligence de sa part, ou bien chomér sakhar, un gardien rémunéré qui est responsable aussi en cas de vol. Dans notre cas, il semble que David tire profit de son rôle de gérant de gma’h en rendant tant de services aux membres de sa communauté, car il lui permet de s’y intégrer plus facilement. C’est d’ailleurs lui qui a demandé à ses connaissances de déposer de l’argent dans le gma’h. Un gardien qui tire un profit quelconque devient automatiquement « gardien rémunéré » et responsable aussi en cas de vol. Le Rav Mendel Chafrane a même émis l’hypothèse de le considérer comme choèl, emprunteur d’objet (même s’il n’emprunte pas d’argent du gma’h) puisqu’il utilise à son profit l’objet déposé en le prêtant aux autres. David serait alors responsable même en cas de force majeure, par exemple un vol à main armée, à la différence du lové, l’emprunteur d’argent. D’après cette opinion, David sera, à mon avis, dispensé de rembourser les impayés, en vertu de la règle de méta mé’hamat mélakha (Choul’hane Aroukh ‘Hochène Michpat 340 ;1) qui dispense le choèl de rembourser le dommage si la bête est morte à cause du travail qu’elle a fait, puisque c’est bien pour qu’elle travaille qu’il l’a empruntée. Il en sera de même pour David si un prêt n’est pas remboursé, car il a utilisé l’argent dans le but pour lequel il a été déposé au gma’h. Mais il me semble que cette hypothèse est à vérifier, puisque les dépositaires tirent eux-mêmes aussi profit de la mitsva. Or le choèl endosse le plus haut niveau de responsabilité parce qu’il a été le seul profiteur.
Conclusion: David doit rembourser à la caisse du gma’h les 3000 euros dérobés si le vol n’a pas été effectué à main armée.

Rav Reouven Cohen

La responsabilité d’un gma’h