Alain et Avy sont de bons amis ; ils fréquentent la même communauté et prient ensemble le Chabat. Avy a besoin d’une somme d’argent importante le temps que la banque lui débloque des fonds. Alain accepte de lui prêter cette somme pour deux mois. Le Chabbat, Avy lui achète la montée à la Torah des Dix Commandements à 500 euros. Alain est gêné de monter à la Torah gratuitement. Aussi, lors de sa aliya, il offre la somme de 200 euros à la synagogue. A la fin de la prière, Alain remercie Avy pour son généreux cadeau, mais lui fait remarquer qu’il y a probablement un problème de ribit, de prêt à intérêt. Pour sa part, Avy affirme que ce n’est pas la première fois qu’il lui offre une aliya. Alain demande à son Rav s’il doit malgré tout rembourser quelque chose à Avy.
Réponse : le prêt à intérêt entre deux juifs est gravement interdit par la Torah. A tel point que nos sages ont élargi cette interdiction à toute forme de profit, et ont même interdit à l’emprunteur de saluer le prêteur, s’il ne le faisait pas auparavant (Choul’hane Aroukh Yoré Déa’ 160 ; 11). Mais il lui est permis de profiter de ce que le prêteur lui accordait avant le prêt, sauf en public, par exemple occuper sa maison (idem 7). Même si le prêt se fait discrètement, les gens risquent de l’apprendre et de penser qu’il le fait par reconnaissance pour le prêt accordé. L’interdit vise aussi bien le prêteur que l’emprunteur. Dans notre cas, Avy a eu tort de faire un cadeau en public à Alain. Mais il faut savoir que, puisque l’intérêt, en l’occurrence l’aliya à la Torah, n’a pas été fixé au moment du prêt, l’interdit n’est que d’ordre rabbinique et l’on ne pourra pas obliger le prêteur à rendre cet intérêt. Mais pour être intègre vis-à-vis de D. (latsét yédei chamayim), il devra restituer la somme ou le profit qu’il a perçu (idem 161 ;1-2). Alain a donc raison de se demander s’il a quelque chose à rembourser. Il reste à présent à déterminer la valeur, pour Alain, de cette aliya. Prenons un cas semblable : le Choul’hane Aroukh (166 ; 1) écrit que même un prêteur qui habiterait n’importe où pour ne pas dépenser d’argent n’aura pas le droit d’habiter gratuitement chez l’emprunteur, serait-ce dans un appartement inutilisé, car c’est un profit interdit (ribit). Mais s’il s’y est installé sans permission, il ne sera pas tenu de payer le prix du loyer, car ce profit n’a pas pour lui une valeur d’argent. Généralement, l’obligation de payer a posteriori pour un tel profit, c’est-à-dire pour ce logement, dépend de si l’appartement est voué à la location et si celui qui s’y installe est prêt à payer pour y habiter. Dans notre cas aussi, pour établir le profit interdit (ribit) qu’Alain doit rembourser, il faudra vérifier combien il a l’habitude de débourser pour monter à la Torah. Alain n’offre jamais plus de 200 euros pour acheter une aliya. Aussi, il sera dispensé de tout remboursement : ayant déjà déboursé cette somme en montant à la Torah, il a payé ce que vaut cette aliya pour lui.
Conclusion : Avy a eu tort d’offrir publiquement à Alain un cadeau, même s’il avait l’habitude de le faire avant le prêt. L’intérêt n’ayant pas été fixé, cela n’oblige pas Alain à rembourser. Alain n’a rien à rendre à Avy, même latsét yédei chamayim, puisqu’il a payé la valeur qu’il accorde à cette aliya.
Rav Réouven Cohen

Tirer profit d’un prêt