Yinoun habite à Djerba alors que son neveu Camous s’est récemment installé à Paris. Ce dernier lui propose de s’associer à lui dans une boutique de textile à Paris. Yinoun a investi plus d’argent puisque c’est seul Camous qui doit entièrement gérer ce commerce. Ils avaient convenu de s’associer à 50/50. Bien qu’aujourd’hui l’affaire marche très bien, elle ne rapportait pas beaucoup de bénéfices les premières années. Pourtant, deux ans après l’ouverture du commerce, Camous avait déjà acheté un appartement à Paris.

Face à l’étonnement de Yinoun, Camous lui avoue qu’au fond de la boutique, il vend de façon indépendante des bijoux, sans négliger le commerce de tissus. C’est ce qui lui a permis de financer son appartement. Yinoun se sent lésé car il affirme qu’il a investi à condition de partager tous les bénéfices et que Camous a utilisé le local et les fonds de la société. Camous rétorque que leur accord concerne uniquement le commerce de textiles, qu’il continue à gérer sérieusement. Il avoue aussi s’être permis de prendre trois payes d’avance (à un moment où il y avait un surplus de trésorerie) pour démarrer le commerce de bijoux, mais il assure ne rien devoir aujourd’hui à la société. Ils décident donc de se tourner vers le beth dine pour régler ce litige qui crée une scission dans la famille.

Réponse : il est évident que Camous n’avait pas le droit d’utiliser la boutique pour un commerce personnel sans l’accord de son associé Yinoun. La question est de savoir s’il doit partager avec lui les bénéfices de la vente des bijoux. Le Choulhan Aroukh ‘Hochen Michpat 186;10 écrit : « Celui qui s’associe à son ami… ne s’occupera pas d’une autre marchandise… et s’il l’a fait, il assumera les pertes et partagera les gains ». Le Sma’ 32 démontre que cette halakha est valable même s’il a acheté la marchandise de son propre argent. On considère que la marchandise supplémentaire a forcément affecté son engagement d’associé (sauf dans le cas où le surplus ne dérange pas, par exemple lorsqu’un berger ajoute une ou deux bêtes au troupeau de l’association), aussi il devra partager les gains perçus par son travail supplémentaire. Par contre, le Chakh 22  pense qu’il s’agit uniquement du cas où la marchandise a été achetée par l’argent commun. Le Netivot 20 va aussi dans ce sens et ajoute qu’il en sera de même s’ils s’associent (ou si l’employé s’engage) pour toute affaire qui puisse rapporter des bénéfices (voir Choulhan Aroukh Yoré Déa 187). Dans ce cas, l’engagement est de mettre au service de l’association tout travail effectué. Les gains seront alors partagés même si l’associé a acheté la marchandise de son propre argent.

Dans notre cas, Camous ne s’est pas engagé à mettre au service de l’association tout travail effectué. Il sera difficile de prouver qu’il a négligé le commerce du textile puisque l’affaire s’est développée de façon satisfaisante. S’il avait acheté les bijoux de son propre argent, d’après le Chakh et le Netivot, tous les bénéfices lui reviendraient. Cependant, comme il s’est servi de la caisse commune sans la permission de Yinoun, il n’avait pas le droit de prendre plusieurs payes d’avance. Les bijoux ont donc été achetés par l’argent de l’association, de sorte que le Chakh et le Netivot sont aussi d’accord que les bénéfices devront être partagés, d’autant plus que la boutique commune a aussi servi à la vente des bijoux.

En conclusion : Camous doit partager avec Yinoun tous les gains obtenus de la vente des bijoux.

Rav Réouven Cohen

Une association qui couvre tout ?