David s’intéresse à la location d’un magasin. Après s’être entendu sur toutes les clauses, il propose au propriétaire la somme mensuelle de 14,000 shekels alors que ce dernier en demandait 16,000. David estime qu’en fin de compte, ils se mettront d’accord sur 15,000 shekels. Ce magasin étant très bien placé, il constitue une très bonne affaire qu’il tient à ne pas manquer. Eli, qui a eu vent des tractations, s’empresse de lancer une offre de 15,000 shekels que le propriétaire accepte. David demande à Eli de retirer son offre car la halakha ne permet pas d’arracher au dernier moment une affaire qui allait se conclure. Eli rétorque qu’il ne veut pas se retirer car l’affaire était encore en tractations et qu’à 14,000 shekels, il était peu probable que le propriétaire accepte. Par ailleurs, comme ce prix (même 15,000) est très bas, son prix réel étant autour de 18,000 shekels, il s’agit là d’une véritable affaire et, dans ce cas, cette halakha ne s’applique pas.

Réponse : David aurait sûrement conclu l’affaire en offrant 15,000 shekels. Eli n’avait pas le droit de s’immiscer et devra s’abstenir de signer ce contrat. S’il signe ce contrat, il sera appelé racha. Si Eli est achkenaze, il y a lieu d’être moins strict.

Développement : Le Talmud (Kidouchine 59) énonce : « Si un pauvre tourne autour d’un gâteau et que quelqu’un d’autre vient et le prend, ce dernier est appelé racha (méchant) ». Ce concept est appelé : « ani hamehapekh be’harara ». Rachi explique qu’il s’agit d’un gâteau trouvé (metsia) alors que Rabénou Tam affirme qu’il s’agit d’une vente (mekhira). La raison de cette censure sévère est que le deuxième peut très bien se procurer le même objet ailleurs et n’est pas obligé de s’immiscer dans l’affaire. En l’achetant bien que le premier s’y intéresse, il devient racha. Cette raison ne s’applique pas à un objet abandonné que l’on ne peut espérer trouver facilement ailleurs. Le Choul’han Aroukh (237,1) rapporte les deux avis et le Rama cite celui de Rabénou Tam. Le Nétivot (ibid.) démontre que l’avis principal du Choul’han Aroukh est semblable à celui du Rama disant qu’il s’agit d’une vente. Ce n’est pas l’avis du Aroukh Hachoul’han. Selon lui, l’avis du Choul’han Aroukh est conforme à celui de Rachi qui applique cette halakha non seulement à une vente, mais aussi à une trouvaille.

Dans notre cas, il s’agit d’une transaction payante, donc d’une vente, mais à un prix très intéressant. Le Rama (ibid.) écrit qu’une vente à bas prix est comparable à une trouvaille. Mais le Chakh (3) rapporte au nom du Ramban que toutes les transactions, même les plus intéressantes, ne seront jamais considérées comme des trouvailles mais comme des ventes. Il faut ajouter que, selon le Kessef Hakodachim, pour qu’une vente soit considérée comme une bonne affaire, le prix devra être inférieur à 16 % du prix en cours. Le Knesset Haguedola (3) rapporte le Maharik qui va plus loin en demandant que l’objet soit vendu à 50% de rabais pour avoir ce statut de trouvaille. D’autre part, le Choul’han Aroukh dit qu’il n’est interdit de s’immiscer dans une affaire que si la vente va être conclue et que le vendeur et l’acheteur en ont fixé le prix. Le Pricha (rapporté par Pit’hé Téchouva ; c’est ainsi que tranchent le Igrot Moché 1,60 et le Michpat Chalom) ajoute que si l’affaire va de toute évidence se faire si on laisse les deux parties s’arranger, on n’aura pas le droit d’intervenir. Dans notre cas, David aurait sûrement conclu l’affaire en offrant 15,000 shekels.

Si Eli est séfarade, il devra se retirer, surtout que le prix n’est pas 50% plus bas, comme l’exige le Maharik. Bien que l’on n’oblige pas l’acheteur à rendre l’objet s’il est déjà acquis (voir Pit’hé Téchouva 2), puisque le magasin n’est pas encore loué, il incombe au beth dine de demander à Eli de ne pas signer le contrat afin de ne pas être appelé racha (Maharachdam ‘Hochen Michpat 259).

Rav Réouven Cohen

Séfarade : Le Choul’han Aroukh n’a pas donné de dispense pour une vente à bas prix, si bien qu’il y a lieu de penser qu’il opte pour l’avis du Ramban. De plus, le Chakh aussi remet en question l’avis du Rama en citant ce Ramban. Même si l’on veut être indulgent en s’appuyant sur le Rama, il faudra exiger un rabais de 50% tel que le retient le Knesset Haguedola, qui occupe une place importante chez les décisionnaires séfarades.

S’immiscer dans une affaire