Comme tous les ans, Sammy s’est rendu la veille de Roch Hachana au Mikvé. Au moment de sortir, il s’est rendu compte que sa paire de sandales Crocs avait disparu. Non loin de là se trouvait une autre paire très ressemblante de la même marque, ce qui laissait supposer qu’une personne avait, par erreur, pris la paire de Sammy à la place de la sienne. Après avoir attendu une demi-heure que le propriétaire de ces sandales se rende compte de son erreur et lui rapporte les siennes, Sammy a enfilé cette paire pour rentrer chez lui. Mais c’est pendant la Téphila que des remords lui sont venus, pensant qu’il n’avait peut-être pas agi comme il faut. Il a téléphoné au Beth-Din à la sortie de la fête pour savoir ce qu’il devait faire.

Réponse: Même en admettant que Sammy n’a pas pris cette paire dans le but de se l’approprier mais uniquement de l’emprunter, selon la Hala’ha, on n’a pas le droit d’emprunter un objet sans l’accord explicite de son propriétaire. Aussi le Choul’hane ‘Arouh (359,5) considère celui qui emprunte sans permission comme un voleur.
Malgré cela, dans notre, cas, on pourrait dire que Sammy est dans son droit de prendre la paire laissée sur place, car l’oubli de cette paire juste quand la sienne disparait laisse entendre que sa paire se trouve chez la personne qui les a prises. Il ne fait donc qu’un échange de deux objets à valeur égale.
Toutefois, la Guémara (Baba Batra 46, 1) nous enseigne que même dans ce cas, il est interdit d’utiliser l’objet laissé à sa place. Le Choul’hane ‘Arouh (136,2) mentionne lui aussi cette ‘Hala’ha clairement. Sammy devra donc rentrer chez lui sans sandales.
Le Kessef Hakodchim (136,2), après avoir expliqué cette ‘Hala’ha, écrit qu’il y aura lieu de faire une exception à cette règle dans un cas de souffrance, en comparant plusieurs lois applicables dans des cas de force majeure. Selon cette opinion, Sammy aura le droit d’utiliser la paire de Crocs restante uniquement s’il lui est très difficile de rentrer pieds-nus (en prenant en compte la proximité de sa maison ainsi que d’autres paramètres). Cependant, même dans ce cas, Sammy aura seulement le droit de chausser la paire de Crocs jusqu’à sa maison et pas plus loin, car une fois arrivé chez lui, ce n’est plus considéré comme un cas de souffrance.
Dans le ‘Arou’h Hachoul’hane du Rav Yéhiel Epstein (136, 2), on trouve une autre raison pour tranquilliser Sammy : après avoir rapporté la ‘Hala’ha du Choul’hane ‘Arouh, le ‘Arou’h Hachoul’hane écrit que dans les lieux publics fréquentés par de nombreuses personnes et où on a l’habitude d’enlever ses chaussures à l’entrée, s’il s’avère à la sortie que l’un d’entre eux trouve une paire restante à la place de la sienne, il aura le droit également de la prendre car cela ne dérange pas tellement son propriétaire qu’on les utilise dans de telles circonstances. Mais il précise que s’ils se retrouvent un jour, ils devront se rendre mutuellement leurs chaussures. Le ‘Arou’h Hachoul’hane précise qu’il n’y a aucun problème de Guézel (vol) étant donné que telle est l’habitude dans ces milieux.
Reste à savoir si le Minhag (l’habitude) cité par le ‘Arou’h Hachoul’hane est toujours en vigueur aujourd’hui et s’il est appliqué dans toutes sortes de publics et d’endroits. Si oui, Sammy pourra rentrer chez lui en portant les Crocs de celui qui a pris les siennes, et même continuer à les utiliser jusqu’à qu’il retrouve leur propriétaire.

Rav Itshak Belahsen

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Question: Ilane s’est dernièrement installé dans une tour à Netanya où il n’y pas de possibilité de construire une souca. Son vendeur, qui n’était pas pratiquant, l’avait rassuré en lui montrant le vaste espace commun où les voisins construisaient chaque année leur souca. Mais à l’approche des fêtes, Ilane apprend que cet espace est entièrement occupé par cinq voisins qui ont pris l’habitude depuis quelques années d’y construire leur souca. Ilane demande à chacun de bien vouloir réduire la surface de sa souca afin de lui permettre de construire la sienne, mais les voisins ne sont pas prêts à le faire. Ils prétendent que la jouissance de cet espace pendant plusieurs années leur en octroie une propriété, d’après la halakha, par hazaka.

Réponse : il faut savoir qu’il existe deux genres de hazaka :
A celui qui prétend avoir acheté ou reçu un bien immobilier sans avoir de contrat ou de preuve d’achat, trois ans de jouissance constitueront une hazaka qui le dispensera de procurer toute preuve Choulhan Aroukh Hochen Michpat 140;1.
Pour toute forme d’utilisation qui pourrait déranger ou nuire à un voisin ou à un associé, si ce dernier ne se manifeste pas, on considère qu’il a donné son accord. Citons un exemple : le Choulhan Aroukh Hochen Michpat 153 ;16 écrit : « Si Chimone fixe sa poutre sur le mur de son voisin Réouven et que ce dernier ne se manifeste pas, Chimone a acquis le droit de fixer une poutre sur le mur de Réouven ». C’est ce qu’on appelle hezkat tachmichine. L’absence de réaction de Réouven révèle son accord ; il y a de sa part renonciation à son droit d’empêcher son voisin d’utiliser son mur. Selon le Rambam, cette renonciation prend effet immédiatement et devient irréversible. Le Choulhan Aroukh a retenu l’avis du Rambam dans la pratique ; concernant le Rama (généralement adopté par les achkenazes), les avis sont partagés. Certains considèrent qu’il faudra une prétention d’achat et trois années de jouissance (voir Sma’ 153;32, Nétivot 13 et Gra 99). Ce principe existe aussi pour des utilisations non habituelles de parties communes, sachant que l’absence de réaction d’un associé prendra effet uniquement pour une utilisation apparemment définitive. Ainsi le Rambam (Chekhénim 5 ; 5) écrit que si quelqu’un dépose son moulin ou ses bêtes dans la cour commune, son voisin partageant cette cour pourra à tout moment décider de l’en empêcher ; mais s’il a entouré son moulin ou ses bêtes d’une cloison, son associé devra tout de suite réagir, sinon il y aura hazaka et il ne pourra plus l’en empêcher.
Dans notre cas, les voisins ne prétendent pas avoir partagé la possession des parties communes en occupant l’espace pour sa souca. Ils ne pourront donc pas jouir de la première hazaka. Il reste à savoir si l’accord de tous les voisins de la tour qu’ils occupent l’espace commun durant les années précédentes ne devient pas irréversible en vertu de la deuxième hazaka. Le Choulhane Aroukh cité dessus écrit dans la halakha suivante (17) : « Si la poutre servait à une cabane provisoire, il faudra 30 jours d’existence pour qu’il y ait hazaka ; s’il s’agit d’une souca pour la fête, il y aura hazaka au bout de 7 jours. S’il a cimenté la poutre, il y aura de suite hazaka. Chimone devra prouver que Réouven l’a aidé ou l’a vu et n’a pas réagi ». Le principe qui se dégage est le suivant : dès que le voisin s’aperçoit qu’il s’agit d’une utilisation définitive, il doit tout de suite réagir. Dans notre cas, les cloisons de la souca ne montrent rien de définitif, bien au contraire : tout le monde sait qu’après la fête, les soucot seront démontées. Aussi, les voisins pourront à tout moment s’opposer ou demander un partage équitable en surface ou en temps. Il faudra donc trouver à tout prix une formule de partage qui satisfasse tous les voisins qui désirent construire une souca.
Rappelons que le Choulhane Aroukh (Orah Haim 637 ; 3) interdit a priori de construire sa souca dans le domaine de son prochain sans sa permission et même dans le domaine public. Le Maguène Avraham ajoute qu’il y aurait un problème de prononcer la brakha (« léchev bassouca ») puisque même si l’on suppose que les juifs sont surement d’accord, ce n’est pas le cas des non juifs. Le Biour Halakha est plus permissif du fait que les non juifs ne se sont pas manifestés. Mais dans notre cas où Ilane réclame explicitement une place, ses voisins n’auront pas le droit de prononcer la brakha sur la souca avant de l’avoir satisfait car ils n’ont pas sa permission de construire une soucca dans l’espace commun.
En conclusion : Ilane a le droit de demander à être inclus dans le partage équitable de l’espace commun. S’il n’y a pas de place disponible, il faudra construire une souca à tout de rôle, sans quoi les voisins seront en infraction et ne pourront pas prononcer la brakha sur leur souca.

Rav Reouven Cohen

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Lorsque David a causé un dommage à son voisin, il s’est rendu avec lui au beth dine pour régler leur litige. Selon la décision du beth dine, David a dédommagé son voisin mais malgré cela, celui-ci ne lui adresse toujours pas la parole. A l’approche de Yom Kippour, David se demande s’il doit de plus présenter des excuses à son voisin et faire la paix avec lui.
Réponse : le Choulhan Aroukh Orah Haim (606;1) écrit : « Les fautes vis-à-vis de son prochain ne seront pas pardonnées le jour de Kippour tant qu’il ne lui a pas demandé pardon, même s’il l’a seulement vexé par des paroles ». En effet, le Rambam (Téchouva 2;9) écrit : « La téchouva et le jour de Kippour expient uniquement les fautes vis-à-vis du ciel (par exemple la consommation d’un aliment interdit ou une relation défendue), mais les fautes vis-à-vis de son prochain, tel un dégât ou un vol, seront expiées seulement après que [le fautif] ait payé ce qu’il lui doit et lui ait demandé pardon ». D’autre part, le Rambam (Hovel Oumazik 5;9) écrit que c’est uniquement pour un dommage corporel, et non financier, que le coupable doit demander le pardon de sa victime. Face à cette contradiction, le Léhem Michné (idem) explique que le Rambam (Hilkhot Téchouva) oblige à demander pardon à la victime uniquement pour un vol et non pour un dommage financier pour lequel le Rambam n’exige que le payement. La raison énoncée par le Léhem Michné est la suivante : dans le cas d’un vol, le voleur profite de son acte et la victime en souffre considérablement, mais un dommage financier ne cause pas de profit à celui qui le commet et la souffrance de la victime est en général négligeable une fois qu’elle est dédommagée. Le Pri Adama (idem) résout la contradiction en faisant une différence si le dégât est intentionnel ou pas. Dans le cas de David, comme il s’agissait d’un dégât non intentionnel, il n’a pas d’obligation d’obtenir le pardon de son voisin. Mais le Smag (mitsva 70) écrit que même s’il n’y a pas d’obligation, c’est une mitsva de faire la paix avec lui. Rappelons aussi que le Aroukh Hachoulhan (606;4) conseille de demander pardon, la veille de kippour, même aux personnes envers lesquelles nous n’avons pas fauté, de peur de leur avoir manqué de respect.
En conclusion, bien qu’il n’y ait pas d’obligation, on conseillera à David de demander pardon à son voisin. Mais si celui-ci n’accepte pas ses excuses, il n’aura pas besoin d’insister.
Rav Reouven Cohen

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Chaoul et Daniel sont debout sur le quai de la gare, s’apprêtant à prendre le train pour Lyon, quand Sammy vient leur demander un prêt de 30€, somme qui lui manque pour acheter son billet de train. Tous deux ouvrent de suite leur portefeuille : l’un devance l’autre et donne 30€ à Sammy. Le lendemain matin après Cha’harit, Sammy retrouve ses deux amis et sort 30€ de sa poche afin de rembourser sa dette. Il leur demande : « A qui d’entre vous ai-je emprunté, finalement ? » et est surpris d’entendre Chaoul et Daniel répondre ensemble : «  A moi ! ». Embarrassé, Sammy rétorque : « Essayez de vous souvenir ! Décidez entre vous et je rendrai son dû à qui de droit ». Chaoul dit tout de suite à Sammy : « C’est moi qui t’ai prêté 30€, mais comme je ne veux pas t’embarrasser, je t’en fais cadeau ». Sammy se tourne à présent vers Daniel et lui dit: « Si tu veux que je te rende 30€, tu dois me prouver que tu m’as prêté cette somme ». Daniel lui répond : « Si tu as reçu cette somme, tu dois la rendre ! Il n’y a pas besoin de preuve ! ». Daniel et Sammy font donc appel au Beth Din pour les aider à régler ce dilemme.

Réponse:
Le Choul’han ‘Arouh (76,2) nous enseigne que si quelqu’un a emprunté une somme et qu’il est en doute de savoir à qui, de deux personnes qui la lui réclament, il devra rembourser cette somme aux deux réclamants.
D’autre part, le Choul’han ‘Arouh (65, 1) nous apprend que si un tiers a pris la responsabilité de garder une reconnaissance de dette, et a oublié par la suite si c’est le prêteur ou l’emprunteur qui la lui a confiée, il ne devra la rendre à aucun d’eux. Le Choul’han ‘Arouh ne dit pas que, dans le doute, il devra dédommager le prêteur en lui donnant la somme qui était inscrite sur la reconnaissance de dette, car s’il s’avère que c’est le prêteur qui lui en avait donné la garde, le tiers est responsable du dommage engendré par son oubli.
Le Nétivot Hamichpat (76,1) explique que, dans le premier cas, il doit payer malgré le doute car il est sûr qu’il doit cette somme à l’un d’entre eux. Dans le deuxième cas, par contre, si ce billet appartient encore à l’emprunteur [car la somme du prêt n’a pas encore été donnée,] son oubli n’aurait causé de tort à personne.
On devrait déduire donc, pour notre cas, qu’étant donné que Chaoul a renoncé à sa part, il n’est pas sûr que Sammy ait une dette, et il ne doit donc rien à Daniel.
Mais le Nétivot Hamichpat conclut que même dans un cas comme le nôtre, il faut rembourser intégralement la somme au réclamant. La raison en est que dès que le doute s’est présenté, Sammy avait l’obligation de rembourser chacun d’entre eux. Aussi, même si l’un des deux a renoncé à sa dette, Sammy garde cette obligation.

Conclusion: Sammy devra rembourser la somme de 30 € à Daniel.

Rav Itshak Belahsen

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Vendredi après-midi, Sammy alla faire de la barque à la mer pour se détendre. Alors qu’il ramait, il se rendit compte qu’à cinquante mètres de lui, un homme emporté par le courant se débattait dans l’eau.
Sammy vit que cette personne pourrait être en danger. En une fraction de seconde, il décida qu’il devait plonger pour le secourir, bien qu’il ne fût pas sûr que sa vie fût en danger et bien qu’il risquât peut-être sa vie. En sautant, Sammy avait parfaitement conscience que son téléphone portable se trouvant dans sa poche serait complètement détérioré. Toutefois, il se dit que chaque seconde pouvait être critique. C’est ce qu’il se passa ; après avoir secouru l’inconnu, Sammy sortit son téléphone de sa poche et…écran noir.
Sammy demanda donc à son nouvel ami de faire un geste pour le dédommager. Après tout, il avait plongé et risqué sa vie uniquement pour lui, et lui a sauvé la vie. Le rescapé, Raphaël, ne perdit pas son sang-froid et lui répondit : 1) Je vous remercie pour votre beau geste mais, contrairement à ce que vous dites, je pense que je pouvais facilement m’en sortir tout seul. 2) Même si vous m’avez réellement sauvé la vie, la Torah vous l’ordonne et vous devez le faire gratuitement.
Sammy et Raphael décidèrent donc de régler ce litige devant le Beth Din.

Réponse:
A propos de l’obligation de sauver son prochain, la Guémara (Sanhédrin 73, a) nous enseigne que toute personne qui voit son prochain se noyer ou être attaqué par une bête sauvage se doit de le sauver, même s’il doit dépenser son propre argent pour cela. Cette Hala’ha est rapportée dans le Tour et le Choul’han ‘Arouh (ch. 426).
Le Beth Yosseph rapporte le Yérouchalmi disant qu’il y a même une obligation de prendre un certain risque pour sa vie s’il y a de fortes chances de sauver son prochain, car c’est un risque minime par rapport à un danger certain pour son prochain. Le Sma’a (426, 2) pense que les décisionnaires ne sont pas du même avis que le Yérouchalmi à ce propos. Par contre, le ‘Havot Yair (ch 146) rapporte le Yérouchalmi dans son responsa. Dans notre cas donc, il existe une divergence d’opinion entre les décisionnaires à savoir si Sammy avait vraiment l’obligation de se mettre en danger pour sauver Raphaël.
Le Tour ajoute au nom de son père, le Roch, que malgré l’obligation de sauver son prochain, serait-ce au prix d’une dépense d’argent, si la personne qui a été sauvée possède cette somme-là, elle devra dédommager son sauveteur. Les commentateurs expliquent que le Roch demande ce remboursement étant donné qu’après tout l’homme sauvé a profité de l’argent de son sauveteur. Selon cette raison, même si le sauveteur n’avait pas une réelle obligation de sauver la personne en danger, il faudra lui rembourser sa dépense. Aussi, même dans notre cas, malgré l’avis du Sma’a cité ci-dessus, Raphaël devra rembourser le téléphone de Sammy.
Toutefois, Raphaël prétend qu’il avait de fortes chances d’échapper facilement au danger sans l’aide de Sammy. On ne peut donc pas affirmer que Raphaël a profité du fait que le téléphone de Sammy ait été détérioré. Bien que Sammy conteste cet argument et prétende que c’est lui qui lui a sauvé la vie, dans le doute et à défaut de preuves, le Beth Din doit dispenser Raphaël de payer à Sammy le prix du téléphone esquinté.
Rav Itshak Belahsen

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Question : Joëlle étudie en Israël et elle doit se marier dans trois mois. Elle a acheté des tissus pour confectionner sa robe de mariée mais elle est encore indécise sur le modèle. Elle sait qui sera sa couturière, Esther, et elle va chez elle afin de consulter avec elle, des catalogues et prendre une décision. En feuilletant les pages de mode, Joëlle s’émerveille devant un modèle très difficile à réaliser. Esther lui assure qu’elle est capable de le faire. Joëlle ne prend cependant aucune décision. Elle part à Paris pour faire ses dernières courses et deux semaines après, revient avec une meilleure idée de robe moins excentrique et vraiment à son goût. En attendant, Esther a coupé le tissu pour coudre la robe qu’ils avaient vu ensemble et elle lui déjà propose un premier essayage. Joëlle se refuse, en toute honnêteté, à porter cette robe. Elle exige d’Esther de lui rembourser ses tissus et de garder la robe qu’elle a confectionnée. A-t-elle raison ?

Réponse : Joëlle n’a pas raison selon tous les avis. Car en prenant ces tissus sans intention de les voler, Esther n’est pas considérée comme une gazlane (une voleuse) – Tossafote baba kama 95b et Chakh 306, 6. (voir Chakh qui rapporte l’avis de Maharchal qu’ici aussi c’est un vol mais comme Nétivot id. opte pour l’avis de Chakh, c’est donc ainsi que nous avons retenu). Si cela avait été le cas, elle aurait été propriétaire des tissus et donc de la robe et aurait du les rembourser à Joëlle (c’est en effet ce qui se passe pour un voleur qui effectue un changement dans un objet volé : il en devient propriétaire et doit le rembourser selon son prix initial avant le changement). Mais cela n’est pas le cas. Les tissus et ensuite la robe sont donc restés la propriété de la jeune fiancée. Celle-ci se retrouve donc normalement avec une plus value, si la robe est vendable. Que revient-il à Esther ? Selon ktsot hahochen (306 6) Esther va recevoir toute la plus value et Joëlle va l’obliger à lui rembourser le prix du tissu même si la robe lui appartient encore. Mais selon Nétivot (306, 7), il faudra payer Esther selon le salaire minimum de l’heure de travail dans ce corps de métier et ses frais mais non pas toute la plus value (si toutefois ce salaire ne dépasse pas la plus value).
La halakha aurait été plus simple si Esther avait reçu une commande de la part de Joëlle. Elle serait restée son ouvrière quand même elle aurait changé de modèle. Dans ce cas aussi elle ne serait pas devenue propriétaire du tissu et de la robe. Au niveau du salaire aussi, Esther aurait reçu selon le minimum de l’heure de travail dans ce corps de métier et ses frais à conditions que cela ne dépasse pas la valeur de la plus-value (choul’han ‘Aroukh 306,3).
Rav Reouven Cohen

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Question : Mendel qui organise un pessah cacher en Grèce, achète tous les produits alimentaire et les fait transiter jusqu’à l’hôtel. Il demande à son boucher, Ariel, de lui vendre 40 cartons de volaille et 5 de foie le tout pour un total de 4000 euros. C’est Ariel qui doit s’occuper de faire parvenir la marchandise au port. Mendel a bien mis en garde Ariel de vérifier tout car lui ne pourra le faire et il est d’accord. Une fois arrivée, la marchandise ne correspond pas à ce qu’il a commandé. Il a reçu 5 cartons de volaille et 40 de foie. Il en a avisé immédiatement Ariel qui lui dit qu’apparemment il a du mal faire la commande. Il lui demande donc d’utiliser ce dont il aura besoin de foie, et de lui rendre le reste. Mendel rétorque qu’il ne peut lui rendre le foie car le fret couterait plus cher que sa valeur, et d’autre part il réclame à Ariel 1000 euros qui lui sont nécessaires pour une commande supplémentaire de volaille en urgence, donc par avion.

Réponse : Selon le Choulkhan Aroukh (232, 21) si quelqu’un vend une marchandise et que l’acheteur lui a fait savoir qu’il allait la transporter loin afin de la vendre et qu’elle s’avère être défectueuse, il devra lui rendre son argent et s’occuper lui-même de ramener sa marchandise. Mais s’il savait qu’elle était défectueuse il devra aussi lui rembourser ses frais de transport. On aurait donc du, en principe, exempter Ariel de payer les frais supplémentaires. Mais il faut savoir que dans son cas, puisqu’il y a une négligence de sa part, et qu’il a donné l’ordre au transitaire de prendre la marchandise, il devient ainsi responsable au même titre que s’il avait été au courant de l’erreur (téchouvot Rabbi Akiva Eiguer , A 134 et Roch 104) . Ariel devra donc ramener le foie à ses frais et rembourser à Mendel les frais de transport des cartons de foie qu’il a rajouté.

Quant au 1000 euros de transport qu’il lui a infligé par sa négligence, il faut savoir que le Talmud (Baba Métsia 73b) établit qu’un envoyé qui n’a pas acheté, par négligence, une marchandise censée rapporter des bénéfices sûrs à son envoyeur, (voir à ce sujet une controverse entre Hatam Sofer 178 et Hazon Ich Baba Kama 22 concernant à quel point le profit doit être assuré) doit dédommager l’envoyeur qui comptait sur lui en lui donnant la même marchandise au prix espéré. Cette règle est vraie pour tous les cas où quelqu’un comptait sur une personne pour un profit quelconque et qu’il ne remplit pas sa promesse et non seulement dans un contrat employé/employeur  (Ritba Baba métsia id. ainsi que Malbouché Yom Tov Hochen michpat 67).

Dans notre cas, il est évident que Mendel perd sa bonne renommée et ne pourrait exiger le même prix s’il ne sert pas à ses clients ce qu’il a promis, à savoir un certain standing auquel il les a habitués. Ariel en ne livrant pas la volaille occasionne donc une perte qu’il doit couvrir, à savoir  1000 euros nécessaires pour le transport de la volaille supplémentaire.

                                                                                                                                                                                                                                    Rav Reouven Cohen

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Les trois frères Levy ont refusé le prix élevé que M. Swartz leur proposait pour acheter l’appartement qu’ils ont hérité de leur père. Dov et Eli étaient pourtant intéressés de le vendre, mais ils ne voulaient pas entrer en conflit avec leur frère David. Ce dernier prétendait que les prix étant en hausse, ils avaient tout intérêt à patienter pour le vendre. M. Swartz réussit à convaincre David qu’il est improbable que les prix augmentent de plus de 300,000 shequels. Il lui propose discrètement une enveloppe de 100,000 shequels supplémentaires (qui correspondrait à sa part des 300,000 shequels) pour qu’il accepte de vendre. David se demande s’il a le droit d’encaisser cette somme sans en parler à ses frères.

Réponse : Bien que la somme ait servi à convaincre David de vendre, elle est toujours considérée comme paiement pour sa part de l’appartement. La question est de savoir si David peut recevoir davantage pour sa part dans l’appartement.  Le Choulhan Aroukh (Hochen Michpat 178, 1) stipule que si un associé reçoit à la douane, suite à sa demande, un rabais sur les taxes pour la marchandise de l’association, le rabais doit profiter à tous ses associés. Ce n’est pas le cas quand le douanier a de lui-même offert  ce rabais en disant : « Je le fais pour  toi ! ». Le Nétivot Hamichpat met cette halakha en relation avec une autre (Choulhan Aroukh 176, 28) : si l’un des associés intervient pour récupérer une partie de la dette auprès d’un emprunteur non-juif qui refuse de payer en disant auparavant : « Je le fais dans mon intérêt », toute la somme recouvrée lui revient. Le Nétivot Hamichpat répond  que dans le cas des impôts, l’associé est tenu de faire de son mieux pour tous les membres de l’association. Aussi, tout ce qu’il fera ou dira sera au profit de tous les associés, et ce, tant qu’ils sont tenus par un contrat d’association entre eux. Ce n’est pas le cas dans la deuxième halakha citée, où l’associé quitte l’association en annonçant qu’il va intervenir pour lui-même.

Dans notre cas, bien que les frères Levy soient encore associés et vendent l’appartement ensemble, puisque l’offre de 100,000 shequels ne vient pas suite à la demande de David mais au contraire suite à son refus de vendre, elle sera a priori comparable à celle du douanier qui a de lui-même offert  le rabais en disant : « Je le fais pour toi ! ». La somme devrait donc revenir entièrement à David. Mais après réflexion, il me semble que s’il n’obtient pas l’accord de ses frères pour toucher seul cette somme, il devra la partager avec eux. En effet, l’obstination de David à attendre la hausse des prix équivaut, en fait, à une demande explicite de sa part. Le refus de vendre est la meilleure façon d’obtenir un prix plus élevé. Or le Netivot Hamichpat a établi que dans une association, tout ce que l’un fera ou dira profitera automatiquement à tous les membres. Ces 100,000 shequels devront donc être partagés par les trois frères.

                                                                                                Rav Réouven Cohen

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Chmouel, ayant quelques problèmes financiers, se rendit chez son ami Daniel pour lui demander un prêt de 5000 €. Conformément à la Hala’ha (Choul’han ‘Arouh 70, 1), Daniel accepta de lui donner cette somme à condition que Chmouel lui signe une reconnaissance de dette. Chmouel lui proposa de prendre un chèque de 5000 € en guise de reconnaissance de dette.

Deux ans plus tard, Daniel va réclamer son dû à Chmouel. Chmouel lui explique qu’il se trouve toujours dans une situation difficile et insiste longuement pour que Daniel renonce à sa dette. Daniel, dont la famille s’agrandit, ne peut pas se permettre de céder une telle somme. Cependant, il se rend compte que Chmouel ne veut pas le laisser partir tant qu’il ne lui ‘offre’ pas cette somme. Daniel accepte donc verbalement d’annuler la dette de Chmouel, mais dès qu’il sort de chez lui, il se rend à la banque pour déposer le chèque de Chmouel à son compte. Plus tard, lorsque Chmouel s’est rendu compte qu’il avait un découvert à la banque, il a convoqué Daniel en Din Torah en prétendant qu’il devait lui restituer cette somme. De son côté, Daniel affirme n’avoir jamais annulé cette dette, car cette concession soutirée de force n’a aucune valeur, d’autant plus que ce n’était qu’une promesse verbale sans engagement concret.

Réponse:

  • En ce qui concerne le fait que Daniel n’a signé aucun don ou renoncement à cette dette : bien que la Hala’ha demande que chaque transaction soit accompagnée d’un « acte d’engagement », pour renoncer à une dette, il suffit de le faire oralement, comme le dit le Choul’han ‘Arouh (12, 8 et 241, 2). Par conséquent, Chmouel peut a priori être quitte de sa dette.
  • A propos de l’argument de Daniel disant qu’il n’a jamais annulé la dette car cette concession a été faite de force : il est vrai que si l’emprunteur force le préteur à annuler ses dettes, cela n’a aucune valeur (Choul’han ‘Arouh 205, 2-6). Cependant, il est évident que dans notre cas, on ne pourra pas dire que Chmouel a agi de force. On appellera son insistance un « harcèlement », sans plus, ce qui ne suffit pas pour annuler la promesse de Daniel (Choul’han ‘Arouh 205, 7).
  • Toutefois, bien qu’un renoncement à une dette puisse se faire oralement, il existe une divergence d’opinions entre les décisionnaires à savoir s’il en est de même dans le cas où le préteur possède une reconnaissance de dette écrite. Le Rama (241, 2) pense que dans un cas pareil aussi, la dette sera annulée, tandis que le Sma’a (12, 21) pense le préteur pourra recouvrer sa dette car puisqu’il détient ce document, ses paroles n’ont pas de valeur (Voir aussi Cha’kh 241, 4 et Netivot Hidouchim 12, 14). En raison de cette discussion, on ne pourra pas dans le doute obliger Chmouel à rembourser sa dette. Néanmoins, dans ce cas précis où Daniel a déjà encaissé son chèque, on ne lui demandera pas non plus de rendre la somme à Chmouel.

En conclusion, Le Beth Din n’oblige pas Daniel à restituer cette somme à Chmouel.

Rav Itshak Belahsen

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Vendredi matin, la voiture de David roulant en marche arrière a par erreur brisé la vitrine de l’épicerie de Yéhouda. Bien entendu, vu qu’il était en faute, David a fait vite appel à plusieurs vitriers pour leur demander de venir réparer la vitre. Après avoir appelé une douzaine de vitriers, il s’est rendu compte qu’étant tous très occupés, ils ne pourraient venir remplacer la vitre que lundi matin au plus tôt. Toutefois, l’un d’eux a proposé de venir le jour même réparer la vitrine à condition d’être payé trois fois plus, soit 3000€ au lieu de 1000€. En entendant cela, Yéhouda a proposé à David : « Soit tu me fais réparer la vitrine aujourd’hui même, soit tu la fais réparer lundi mais tu t’engages à me rembourser tous les vols qui pourront être effectués à cause de ma devanture cassée ». David lui a répondu que bien qu’il fût en faute, il n’avait pas le devoir de payer davantage que le dommage qu’il a causé, soit le prix d’une nouvelle vitre : 1000€. Yéhouda et David ont donc appelé d’urgence le Beth Din afin de savoir comment agir.

Réponse:

  • A priori, Yéhouda a raison de dire que David est responsable de tous les vols qui surviendront à cause de son inadvertance, étant donné qu’un homme est responsable de ses actes en toutes circonstances (Choul’han ‘Arouh 378, 1). Toutefois, il faut distinguer entre le devoir de rembourser un objet cassé par sa faute et le devoir de rembourser un objet qui sera volé par la suite, ce qui n’est pas un dommage direct mais indirect. Il existe, à ce sujet précis, une discussion au sein des décisionnaires : le Tour (Hochen Michpat 157) rapporte le Yad Rama (Baba Batra 1,18) disant que chaque fois que quelqu’un a le devoir de construire un mur ou une barrière et ne l’a pas fait, et que des voleurs sont entrés par la suite, il est tenu de rembourser tous les objets volés. Par contre, le Roch pense que malgré son obligation de construire le mur, on ne peut pas l’obliger à rembourser les objets volés étant donné qu’il n’a pas directement causé ce vol. Ces deux avis ont été rapportés dans le Choul’han ‘Arouh (155, 44). Vu cette différence d’opinions, on ne peut pas obliger David à rembourser les vols commis dans l’épicerie pendant le week-end.
  • Quant à David qui veut se décharger de réparer la vitrine le jour même car cela lui coutera le triple de la somme, on pourra a priori lui donner raison pour la raison suivante. La Hala’ha mentionne (Choul’han ‘Arouh 410, 26-27) que celui qui a creusé un puit dans un domaine public et l’a recouvert convenablement, puis voit son puit découvert, a le devoir de le couvrir à nouveau. Cependant, s’il trouve dans l’immédiat uniquement un couvercle à un prix excessif, il pourra attendre pour en acheter à un prix abordable. Il en sera donc ainsi pour David : il pourra attendre lundi pour réparer la vitrine au tiers du prix.

Cependant, le Choul’han ‘Arouh nous précise par la suite (410, 28) que cette Hala’ha n’est applicable que dans un cas de force majeure. Si le risque posé provient d’une négligence, il devra réparer son dommage immédiatement. Ainsi, dans notre cas, David devra faire réparer la vitrine de Yéhouda immédiatement.

En conclusion, David est dans le devoir de faire réparer la vitrine tout de suite, même si ça lui coutera le triple. Cependant, s’il ne le fait pas, on ne pourra pas l’obliger à rembourser les vols commis pendant le week-end.

                                                                                      Rav Itshak Bellahsen

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