M. Gross, qui était gravement malade à Paris, a fait savoir à sa famille qu’il souhaitait être enterré à Jérusalem. Connaissant sa situation financière, ses enfants n’accordent pas d’importance à son vœu très couteux. Ils préfèrent l’enterrer en France et garder le peu d’argent qu’il laisse en héritage. Son frère s’oppose vivement à ce qu’il soit enterré en France. Les orphelins font savoir à leur oncle que leur situation financière est très difficile et que, s’il le désire, il peut prendre en charge les frais supplémentaires d’un enterrement en Israël. Son frère se tourne vers un possek halakha (décisionnaire) pour savoir si les enfants du défunt ont l’obligation d’accomplir le vœu de leur père.

Réponse : la mitsva d’enterrer le défunt incombe en premier lieu à ses enfants, même s’il n’a pas laissé d’argent. S’il a laissé de l’argent, les héritiers n’hériteront pas de la somme nécessaire à des funérailles respectables telles qu’elles sont pratiquées dans son milieu ou bien telles qu’il en a émis la volonté. Les enfants Gross doivent enterrer leur père à Jérusalem.

Développement : C’est une mitsva d’accomplir le vœu du défunt. Toutefois, le Choul’hane Aroukh (‘Hochène Michpat 252 ; 2) retient l’avis qui limite cette mitsva au cas où le père a déposé à un tiers à cet effet l’argent nécessaire pour réaliser sa volonté. Rabbi Akiva Eiguer (Responsa 150) se demande s’il existe malgré tout ici une mitsva de kiboud av (respect du père). Sachant que cette mitsva de respecter ses parents n’oblige pas à débourser son propre argent, il se demande si les biens laissés par le défunt et dont le fils vient d’hériter, sont considérés comme l’argent du père (concernant le souhait qu’il a exprimé) ou l’argent du fils, puisqu’il en est déjà héritier. Bien que le Maharcham (2 ; 224) tranche que, concernant le vœu du défunt, les biens sont considérés comme l’argent du père, les enfants ne seront pas accusés de vol s’ils n’accomplissent pas la mitsva d’honorer les désirs de leur père. Même selon cet avis, cet argent leur appartient déjà. Il s’agit là d’une mitsva, mais pas d’une obligation monétaire qui incombe aux enfants. D’autre part, si un homme ne laisse pas d’argent à sa mort, les frais de son enterrement seront imputés à la communauté, avec une priorité à la famille proche – enfants, parents, frères ou sœurs (Maharam Mints 53). Mais il faut savoir que, si le défunt a laissé de l’argent, le dine (la loi) sera différent pour les frais d’enterrement. Il semble, et c’est étonnant, que bien que le défunt ne soit plus de ce monde, il reste encore propriétaire de l’argent qui réglera les frais de son enterrement. Le Tsits Eliézer (7 ; 48) le déduit du Rachba (rapporté par le Rama ‘Hochène Michpat 210 ; 3) qui stipule que l’on peut offrir au mort des objets qui serviront à ses funérailles ; le défunt en deviendra propriétaire de droit. Il en est de même pour notre cas : du moment que le malade émet le vœu d’être enterré en Israël, la somme nécessaire à cet effet reste la propriété du mort et ne fera pas partie de l’héritage. Ses enfants n’auront donc aucun droit sur cette somme. Retenir cet argent pour eux-mêmes sera un acte de vol. Ils sont donc dans l’obligation d’enterrer leur père en Israël en utilisant les fonds qu’il a laissés.

Rav Réouven Cohen

Déjà : Il n’y a de propriété que pour une personne vivante. Au décès, les biens passent systématiquement aux héritiers. C’est la raison pour laquelle, contrairement au testament civil, selon la Torah, le vœu du défunt ne donnera pas de droit au bénéficiaire. La passation de propriété doit impérativement se faire du vivant par un acte d’acquisition (tel qu’un testament cachère).

Etonnant : Ce dine est étonnant puisque le mort n’a pas de faculté de possession. Dans ce cas, une propriété lui est accordée pour les besoins de son enterrement.

Etre enterré à Jérusalem