David a vendu son appartement de Jérusalem et doit présenter à son acheteur une attestation que les charges de la copropriété ont été payées. Les copropriétaires lui refusent ce document car le locataire de David a quitté l’appartement sans avoir payé les charges pendant deux ans. Aux frais réguliers (nettoyage, électricité) se sont ajoutées la réparation de la toiture et la peinture de la cage d’escalier effectuées durant ces deux années. Pour obtenir ce document, David convoque les représentants de la copropriété  au bet dine, avec pour revendication qu’ils doivent réclamer cette somme à son locataire qui, lui seul, a profité de leurs services. Les représentants de la copropriété rétorquent qu’en tant que propriétaire, il est responsable de ce paiement et que c’est à lui de réclamer cette somme à son locataire.

Réponse:

Le Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat (161;2) écrit : « La personne qui possède dans la copropriété une maison qu’il n’habite pas doit faire avec [les autres propriétaires] la porte et la serrure (de la cour commune) mais pas les autres choses ». Le Bet Yossef (idem 3) écrit que cela exclut le bet chaar (un muret face à la porte d’entrée de la cour pour éviter les regards des passants). Le Netivot 2 explique que les regards des curieux ne dérangent pas le propriétaire, qui n’habite pas sur place, alors que la porte et la serrure lui sont utiles pour protéger sa maison des voleurs. Il en ressort que toutes les installations ou réparations telles que peinture ou toiture, qui préservent ou valorisent le bien, sont à la charge du propriétaire alors que les frais de nettoyage ou d’électricité doivent être payées par le locataire. Mais le Pricha 3 prétend que la distinction faite par le Choul’han Aroukh ne concerne qu’une maison inhabitée ; si elle est occupée par un locataire, le propriétaire est tenu de tout payer. De là, le Chévet Halévi (9; 301) déduit que tous les frais de copropriété sont à la charge du propriétaire, et que c’est à lui de les réclamer à son locataire.

Bien que l’on puisse interpréter le Pricha autrement (voir Emek Michpat, tome Chkhénim), le bet dine n’obligera pas les représentants de la copropriété à fournir le document réclamé par David. Pour l’obtenir, David devra régler les deux ans de charges impayées par son locataire.

                                                                     Rav Reouven Cohen

Cela fait quelques mois déjà que l’arbre de Rony dérange son voisin Avy. Son jardin perd une partie de son ensoleillement et l’étroitesse du passage force Avy à baisser la tête à certains endroits. Au bout d’un certain temps, il se décide à exiger de Rony qu’il taille les branches qui dépassent de son jardin. Rony est contrarié car il prétend que cela va gâcher la symétrie de l’arbre. Il invoque la halakha de ‘hazaka disant que celui qui a laissé son voisin utiliser son domaine ne pourra plus lui retirer ce droit. Il prétend en outre que ce n’est pas à lui de payer les frais s’il faut tailler son arbre. Les deux voisins se tournent vers le beth dine pour régler ce différend.

Réponse : Il existe effectivement certains cas où le silence de mon voisin face à ma jouissance de son domaine est interprété comme un assentiment. Ceci m’octroie (immédiatement, d’après le Rambam) un droit d’utilisation de son domaine par force de ‘hazaka. Par exemple : l’évacuation des eaux usées de ma véranda ou le dépassement de ma poutre dans le jardin du voisin (voir Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat 153-155). Cette halakha s’applique uniquement si mon utilisation du domaine de mon voisin lui cause un dérangement immédiat qu’il constate sans réagir. Dans notre cas, au moment de sa plantation, l’arbre de Rony ne causait nul dérangement ni dommage direct ou indirect, et ce n’est qu’au cours des années que ses branches ont poussé. On ne pourra donc pas dire que le silence d’Avy est considéré comme un assentiment (Yad Rama Baba Batra 60a) et de ce fait, Rony ne sera pas tenu de débourser les frais de jardinier. Dans ce cas-là, nous retenons l’avis de Rabbi Yossi (Baba Batra 18b) disant que c’est à la victime du dommage de s’éloigner ou de l’assumer. En effet, il y a des règles de voisinage à respecter, telle qu’éloigner la plantation de son arbre à deux mètres de la propriété du voisin dans certains cas (en l’absence de barrière de séparation et s’il faut labourer autour de l’arbre). Une fois ces précautions respectées, c’est au voisin de prendre ses dispositions pour ne pas être endommagé dans le futur. C’est pour cette raison que  le Choul’han Aroukh (155 ; 26 et 28) écrit que chacun peut couper les branches de l’arbre de son voisin qui dépassent dans son domaine. Le Rama (idem. 35) ajoute : « Si le dommage n’a pas été causé au moment de la plantation, ce sera à la victime de s’éloigner ». Comme le Rambam et le Choul’han Aroukh ont intentionnellement modifié la formulation de la Michna en retenant l’avis de Rabbi Yossi, les décisionnaires (‘Helkat Yaakov ‘Hochen Michpat 10) en déduisent que c’est à la victime du dommage de payer les frais de taillage de l’arbre. Le dine est différent si lors de sa plantation, l’arbre obstrue la fenêtre du voisin ou empiète dans son domaine (Chevout Yaakov 1 ; 159).

En conclusion : Avy a le droit de couper les branches de Rony qui pénètrent dans son jardin si elles le dérangent, mais les frais seront à sa charge.

 

Rav Reouven Cohen

Comme tout le monde, Dan garde chez lui une boite de tsédaka. L’institution qui la lui a confiée passe tous les six mois recueillir les pièces. Dan se demande s’il a le droit, pendant cette période, d’emprunter l’argent qui s’y est accumulé.

Réponse: le Choul’han Aroukh Yoré Déa 259;20 écrit : « Si quelqu’un promet une pièce à la tsédaka et la met de côté, tant qu’elle n’est parvenue aux mains du gabay (responsable de charité), il pourra l’emprunter ou la prêter à son prochain et la rembourser ensuite par  une autre pièce. Mais si elle est parvenue aux mains du gabay, il ne pourra pas l’emprunter. » La question est de savoir si les institutions de téedaka acquièrent les pièces dès qu’elles sont déposées dans la boite ou s’il faut attendre que les pièces entrent dans le domaine des institutions pour leur être acquises. L’un des moyens pour acquérir un objet est de l’introduire dans son domaine. Mais que se passe-t-il lorsque le domaine de l’acheteur [par exemple son sac] et le domaine du vendeur [par exemple sa boutique] s’entremêlent ? Le Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat 200;3 écrit que les récipients de l’acheteur ne peuvent pas [être considérés comme son domaine pour] acquérir l’objet acheté s’ils se trouvent dans le domaine du vendeur. Le Choul’han Aroukh a opté pour le Rambam et le Rif qui considèrent que telle est la conclusion de la Guémara Baba Batra 85b. Mais le Sma’ cite l’avis du Roch qui pense que la Guémara est restée dans le doute. Le Chakh rappelle que d’après le Ri Migach, lorsque le vendeur a donné à l’acheteur la permission d’introduire son sac dans son domaine, l’acheteur devient propriétaire de l’objet même dans la cour du vendeur. Bien que le Rama (Aboulafia) ne soit pas d’accord avec cet avis, le Chakh opte pour le Ri Migach qui pense qu’il y a acquisition. Dans notre cas où les boites de tsédaka sont déposées chez nous de notre propre gré, bien que l’argent soit encore dans le domaine du donateur d’après le Choul’han Aroukh, il y a lieu a priori de tenir compte des autres opinions et de s’abstenir d’emprunter cet argent. Mais il faut savoir qu’on pourra faire son don en mettant comme condition de pouvoir l’emprunter. Le Rav Eliyachiv considère cette condition comme tacite si l’on a pris l’habitude d’emprunter de l’argent dans la boite de tsédaka.

En conclusion : il est permis d’emprunter de l’argent de la boite de tsédaka. On conseille malgré tout à celui qui n’a pas l’habitude de le faire d’émettre cette condition au moment de son don.

Rav Réouven Cohen

Vineyard in the Adelaide Hills, South Australia

Suite à une annonce publicitaire, M. Israël achète un terrain dans le centre du pays au prix de 3000 shekels le mètre carré.

Deux ans plus tard, il décide de revendre et contacte l’agence qui lui vendu son terrain. Celle-ci lui propose seulement 3000 shekels, peut-être 3200 shekels, le mètre carré. Déçu, il contacte une autre agence en espérant une offre plus généreuse. A sa déconvenue, il apprend que le prix réel est de 2000 shekels seulement, car le prix payé à la vente était excessif. Après vérification, il constate que les prix varient entre 2000 et 3200 shekels le mètre carré.

  1. Israël hésite : que faire dans cette situation ? Vaut-il mieux vendre au prix maximum qu’il peut obtenir, ou bien faire une réclamation à l’agence qui l’a tout simplement trompé ? Or il est formellement interdit par la Tora de tromper son prochain et de lui vendre un bien à un prix supérieur à celui du marché.

Réponse : La Tora nous enseigne (Vayikra 25, 14, Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat 227, 1) qu’il est interdit au vendeur et à l’acheteur de tromper leur prochain dans une vente (onaa en hébreu).

Dans le cas où le vendeur a reçu un excédent par rapport au prix du marché, si celui-ci est égal à un sixième du prix du marché, la vente reste valable, mais il devra rendre le supplément (C.A. ‘H.M. 227, 2). Par contre, si l’excédent dépasse un sixième, l’acheteur est libre d’annuler la vente (C.A. ‘H.M. 227, 4), celle-ci étant considérée comme une vente effectuée par erreur (méka’h ta’out).

Cependant, le Talmud (Baba Metsia 56, voir C.A. ‘H.M. 227, 29) exclut de cette loi les biens immobiliers sans nous en donner la raison ; c’est un décret. Cependant, les commentateurs ont donné une explication à cette loi : il existe diverses circonstances pour lesquelles les hommes vendent leur terrain moins cher ou paient plus cher qu’un sixième. Aussi, la vente est effective tant que le montant de la duperie ne représente pas plus de la moitié du prix réel. Au-delà de la moitié, le Choul’han Aroukh et le Chakh (‘H.M. 227, 17)  optent pour l’avis du Rif qui considère la vente valide, alors que le Rama rapporte l’opinion de Rabbénou Tam disant que la vente est nulle.

Par conséquent, ne pouvant réclamer son argent au vendeur, M. Israël n’a plus qu’à revendre le terrain. La question est à présent de savoir à quel prix. Le Pit’hei Techouva rapporte au nom du Ramban que d’après toutes les opinions, l’interdit de la Tora de tromper concerne même les biens immobiliers ; la seule différence entre les biens mobiliers et immobiliers, c’est le devoir de rendre le supplément lors d’une vente de biens mobiliers. Comme l`interdit de tromper reste en vigueur, M. Israël ne pourra pas revendre le terrain plus cher que son prix réel, afin de ne pas tromper l’acheteur.

Il y aurait peut-être une possibilité de permettre la vente du terrain au plus offrant, puisque ces terrains sont considérés comme des biens dépourvus de prix fixe étant donné que chacun achète et vend comme il le désire. Il n’y aurait donc pas d’interdit d’après le Beth Yossef (‘Hochen Michpat 209), mais le Ba’h et le Chakh l’interdisent. Le Chévet Halévi (tome 5 chapitre 218) reste dans le doute sur cette question.

Dans notre cas où certaines personnes vendent plus cher et d’autres moins cher, le Aroukh Hachoul’han (‘H. M. 227, 7) permet la vente, car il considère que cette interdiction n’intervient qu’à partir du moment où le vendeur décide, à titre personnel, d’augmenter le prix. Par contre, si d’autres personnes le vendent plus cher, le prix réel sera fixé dans la marge du prix minimum et du prix maximum. Cependant, le Pit’hei ‘Hochen (tome 5, chapitre 10 ; 13, 25) rapporte que le Erekh Chaï l’interdit, mais il le permet dans la vente de biens immobiliers puisqu’ils ont été exclus de cette loi lorsqu’il existe des prix divers, cette situation n’étant pas assimilable à une tromperie.  

Conclusion:

  1. Israël aura le droit de revendre son terrain au prix fort pratiqué habituellement.

Rav Yéhouda Lévy

M. Cohen a décidé de vendre son appartement et le fait savoir à ses connaissances. M. Israël, agent immobilier de profession, lui propose ses services. M. Cohen le remercie sincèrement mais lui dit clairement qu’il n’est pas intéressé à payer une commission. Le lendemain, M. Lévy contacte M. Cohen pour visiter son appartement en lui précisant qu’il a été envoyé par M. Israël. Par la suite, la vente se fait. Quand M. Cohen rencontre M. Israël et le remercie de lui avoir trouvé un acheteur, celui-ci lui répond qu’il ne l’a pas fait gratuitement et qu’il attend sa commission. M. Cohen prétend ne pas être redevable envers M. Israël puisqu’il n’a pas été lié par un contrat, comme le font les agences immobilières. De plus, il a bien précisé à M. Israël qu’il ne voulait pas verser de commission et il lui semble que l’agent immobilier a accepté sa condition puisqu’il s’est tu à ce moment-là. M. Israël lui répond qu’il ne travaille jamais bénévolement et qu’il s’est réservé le droit de ne pas répondre. M. Cohen est-il tenu de payer sa commission à M. Israël ?

Réponse: Les agents immobiliers ont l’habitude de dresser un contrat avec leur client ; d’après la Halakha, ce contrat n’est pas nécessaire mais il est conseillé (Michpath Chalom 195). Dans la Halakha, le statut juridique de l’agent immobilier équivaut à celui du « sarsour » (intermédiaire, ou commercial). Le « sarsour » est un « poel kablane » (un employé payé à la tâche) : on loue ses services de vendeur professionnel afin qu’il aide à trouver un acheteur et à faire aboutir la vente. Du fait de son statut de poel, le sarsour n’a pas besoin de contrat pour que celui qui bénéficie de ses services soit engagé vis-à-vis de lui. Dans le cas où l’agent n’a pas été sollicité par le vendeur mais est venu de lui-même, le Rama (’Hochen Michpath 195, 6) oblige le vendeur à payer sa commission. Il rapporte un cas où Reouven, agent immobilier, a présenté Lévi (un acheteur potentiel) à Chimon (le vendeur). Chimon a refusé de vendre l’appartement à Lévi sous prétexte qu’il le détestait (c’était une ruse pour ne pas employer Reouven) et la vente a été faite plus tard par un autre agent. Le Gaon de Vilna (’Hochen Michpath 195, 13) explique le Rama ainsi : nous avons une règle selon laquelle quiconque a profité d’un service payant est tenu de payer celui qui le lui a fourni, même si ce service a été effectué sans son autorisation. Il cite la Guemara (Baba Metsia 101a) à propos de celui qui a planté un arbre sans autorisation dans le champ d’autrui.

Dans le cas où le propriétaire dit explicitement qu’il n’est pas intéressé par les services de l’agent, le Moaria Halévi (Responsa tome 2 réponse 151) pense qu’on ne peut pas l’obliger à payer. Cependant, nombreux sont les décisionnaires (Peri Tevoua responsa tome 2 réponse 58, Marach Angel tome 3 réponse 15) qui pensent que si le vendeur a eu un profit, il est malgré tout obligé de payer. Le Gaon Rabbi Asher Hanania zatsal (Chaarei Yosher tome 1 ‘Hoshen Mishpat réponse 47) rapporte l’avis du Gaon Rabbi Yossef Chalom Eliyashiv zatsal qui a tranché selon le deuxième avis.

Dans notre cas, M. Cohen a précisé qu’il n’était pas intéressé à payer de commission. Cependant, d’après l’avis des nombreux décisionnaires, s’il a bénéficié de l’intervention de l’agent, il doit payer. (Dans le cas où il est prêt à annuler la vente pour ne pas verser la commission, nous pouvons considérer qu’il n’a pas profité des services de l’agent et il ne devra donc pas la payer.)

Cependant M. Cohen prétend que par son silence, M. Israël a accepté ses dires et l’a dispensé de la commission.

Il y a deux possibilités de dispenser M. Cohen de payer la commission : la première est de dire que M. Israël  a accepté ses conditions, voir Choul’han Aroukh (’Hochen Michpath 241) : lorsque le vendeur et l’acheteur sont indécis sur le prix et que l’un des deux décide de concrétiser la vente, nous considérons qu’il se plie au prix proposé par l’autre. Cependant, nous pouvons réfuter cette idée du fait que notre cas, il n’y a pas de prix proposé puisque l’un demande à l’autre de travailler gratuitement. L’agent a le droit de se taire et de demander plus tard sa commission. Toutefois, dans le cas où l’agent reçoit une commission de la part de l’acheteur, nous pouvons considérer qu’il accepte de dispenser le vendeur pour concrétiser la vente.

La deuxième possibilité est d’expliquer le silence de l’agent immobilier comme une Me’hila (il renonce à recouvrer la dette de M. Cohen). Dans ce cas, nous sommes confrontés à un problème halakhique : peut-on renoncer à une dette par la pensée, sans le dire explicitement, de sorte qu’on n’aura plus le droit ensuite de réclamer l’argent qu’on nous devait? Selon le Maharchal, cela est possible, mais le Ketsot Ha’hochen (12,1) le réfute et pense que nous n’accordons pas de valeur aux pensées. Le Nétivot (12, 5), d’accord avec lui, fait une différence entre l’annulation en pensée d’une dette présente et celle d’une dette future (qui est possible, car si la dette n’existe pas actuellement, la pensée suffit pour ne pas la créer). Dans notre cas, lorsque l’agent s’est tu au moment où M. Cohen lui a dit qu’il ne paierait pas de commission, il s’agissait d’une dette future, aussi nous pourrions dispenser M. Cohen de payer. Cependant, le Maharach Angel explique que les paroles du Nétivot s’appliquent, par exemple, au cas où une personne en invite une autre à sa table. La première pourra réclamer à son invité une participation aux frais du repas. Cependant, si elle avait pensé l’inviter gratuitement, elle ne pourra pas lui réclamer ultérieurement une participation, car en général, les gens ne réclament pas de participation de la part de leurs invités et donc sa pensée a annulé la dette potentielle. Dans notre cas, même si M. Israël, en se taisant, acceptait de travailler gratuitement, sa pensée n’aurait pas pu annuler la dette, car en général, on sait que les agents immobiliers ne travaillent pas gratuitement.

Conclusion: Puisque M. Cohen a bénéficié des services de M. Israël, il sera obligé de lui verser une commission, dont le montant sera l’objet d’un prochain article. Cependant, si l’agent immobilier touche déjà une commission de l’acheteur, nous pouvons considérer qu’il a renoncé à celle de M. Cohen.

Dans le cas où M. Cohen est prêt à annuler la vente pour ne pas payer la commission, du fait qu’il n’était pas intéressé par les services de l’agent, il sera exempté de payer.    

Rav Yéhouda Lévy

Avant son voyage en Israël pour étudier dans un séminaire, Ruth s’est rendu compte qu’elle n’avait pas de valise. Elle a donc emprunté celle de sa cousine Sarah. Avi, le mari de Sarah, lui précise que c’est une « Lancel » de prix qui leur a été offerte pour leur mariage. Il lui demande d’en prendre grand soin et désire la récupérer trois mois plus tard.

En Israël, Ruth rencontre son cousin Shimon (qui est aussi le cousin de Sarah). Celui-ci part en France et demande à Ruth si elle peut lui prêter une valise. Ruth, qui cherchait de toute façon à faire parvenir à Sarah sa valise, contacte Avi et lui demande si elle peut prêter la valise Lancel à Shimon afin qu’il la lui remette à temps. Avi accepte.

Au cours du voyage, Shimon perd cette valise dans un taxi et ne se donne même pas la peine d’essayer de la retrouver.

Qui est responsable ? Qui doit rembourser la valise ?

Réponse:

Mots clefs:

Shomer: le gardien.

Shoel: l’emprunteur.

Selon la halakha, toute personne ayant emprunté un objet pour l’utiliser (shoel) [Baba Métsia 29] ou ayant reçu un objet à garder (shomer) n’est absolument pas autorisée à le transmettre à une tierce personne (Baba Métsia 36).

La raison en est que le propriétaire craint un dommage qui les mènera, lui et le shomer, à se présenter devant le Beth din. Au cas où le Beth din lui donne la possibilité de jurer pour s’acquitter, il craint de faire un faux serment. Si  le shomer a enfreint cette loi, la responsabilité de rembourser l’objet reposera sur lui.

Dans le cas où l’objet a été remis à une personne à laquelle le propriétaire donne souvent ses affaires à garder ou les lui prête habituellement, nous considérons cette personne digne de confiance. Aussi, il aura le droit de lui remettre l’objet qu’il a emprunté ou gardé sans demander l’autorisation du propriétaire ; en cas de dommage à l’objet, il devra se défendre au Beth din directement contre cette personne.

Cependant, si le deuxième utilisateur s’est révélé fautif et ne peut pas payer le dégât, les avis sont partagés quant à la responsabilité du premier shomer. Le Choul’han Aroukh (’Hochen Michpat 291, 24) rapporte l’avis du Rambam qui déresponsabilise le premier shomer, tandis que le Rama ajoute l’avis de Rabbénou Tam qui considère que le premier shomer est tenu de rembourser (voir Ketsot Hahoshen et Netivot Hamishpat qui appliquent cet alinéa à notre cas).  

Notre cas est différent : il ne s’agit pas d’un shomer qui remet un objet à un shomer, mais d’un shoel [Ruth] qui remet un objet à un shoel [Shimon, auquel le propriétaire fait confiance]. Le  Netivot Hamichpat (291, 24) tranche que le premier shoel reste responsable, du fait que les obligations du shomer envers le propriétaire sont différentes que celles du shoel. En effet, le shomer doit garder l’objet, mais une fois l’objet en sécurité ou s’il l’a transmis à un autre shomer, il n’est plus responsable . Le shoel par contre ne s’engage pas uniquement à garder l’objet : il s’engage vis-à-vis du propriétaire à rembourser l’objet abîmé ou perdu même si c’est un cas de force majeure. Le fait d’avoir remis l’objet à un tiers n’annule pas cet engagement.

Le Aroukh Hachoulhan (291, 50) ainsi que le Pithei Hochen (shééla 9, 11, 30) partagent l’avis du Netivot Hamichpat.

En conclusion : puisque Ruth a emprunté la valise pour l’utiliser, elle reste responsable en cas de perte. Cependant, elle pourra demander à Shimon de la rembourser, puisque lui s’est engagé envers elle.

(Avec l’aide de D., nous expliquerons dans un prochain article la façon d’évaluer un objet usagé.)  

Rav Yehouda Lévy

Le Choul’han Aroukh Even Haezer (ch. 50) statue que les présents (qui ne sont pas destinés à être consommés ou usés) donnés au hatane de la part de la kalla ou de ses parents, ou ceux donnés à la kalla de la part du hatane à l’occasion des fiançailles ou par la suite, reviennent à celui qui les a donnés au cas où les fiançailles ont été rompues (source: Baba Batra 146 ; Rachba réponses tome 3,96 et autre réponse du Rachba rapportée dans le Beit Yosseph (idem) et dans le Adata Derabanan du Maharcha Elfaandri ch. 11). Le principe est clair, comme l’écrit le Rachba : le donneur des cadeaux n’a pas l’intention de les donner de manière absolue mais a la ferme intention qu’ils reviennent dans le domaine  matrimonial avec le mariage.

En connaissance de cause, après la rupture de leurs fiançailles décidée par les deux parties, Reouven a rendu à Sarah tous les cadeaux qu’elle lui avait offerts. Toutefois, dès qu’il a demandé qu’elle lui rende les cadeaux qu’il lui avait offerts, Sarah lui a fait savoir qu’elle avait été cambriolée et que tous les présents de valeur offerts par Reouven avaient disparu. Sarah doit-elle rembourser leur valeur pour dédommager son ex-fiancé ? Etant donnée l’annulation du don, les cadeaux sont considérés comme ayant toujours appartenus à Reouven. La question est de savoir si, d’après la halakha, Sarah avait une obligation de garantie vis-à-vis de Reouven et si oui, quelle est la nature de cette obligation.

Réponse: Il s’agit là d’un grand débat entre les poskim: En effet, la Guémara parle (d’après la version et le commentaire du Rashbam) du cas où les cadeaux ont augmenté de valeur ou ont rapporté un profit. La Guémara avance la possibilité qu’étant donné qu’en cas de perte ou de vol, le receveur doit les rembourser, ce surplus de valeur lui appartient. Rabbi Akiva Eiger (nouvelle réponse 11) déduit de cette Guémara que le receveur a une obligation de garantie totale vis-à-vis du donneur, qui est égale à celui d’un emprunteur et qui inclut même une perte en cas de force majeure. En effet, seule une obligation telle justifiera que le receveur acquière le surplus de valeur même en cas de restitution. En d’autres termes, la Guémara ne remet pas en question l’obligation de garantie en cas d’annulation du mariage. La question sur laquelle la Guémara ne tranche pas, c’est s’il est considéré comme un simple emprunteur étant donné qu’il profite de l’utilisation des présents pour l’instant ou s’il acquiert tout de même, en échange de son obligation que les cadeaux reviennent au donneur (ou par leur utilisation dans le  domaine matrimonial ou par le remboursement de leur valeur en cas d’annulation du mariage), l’usufruit temporaire de tous profits qu’ils rapportent jusqu’au mariage ou jusqu’à la rupture des fiançailles. C’est pourquoi Rabbi Akivah Eiger, dans ses notes sur le Choul’han Aroukh (50,2), rapporte le Maharam Galanti (14) qui statue également que les mariés ont l’obligation de se dédommager en cas de perte ; c’est ainsi que tranche le Mishpatim Yesharim (Rav Berdugo tome 2, 88). Pour sa part, le Pérach Maté Aaron (tome 2, 115) applique aux mariés, d’après cette Guémara, la loi du locataire, qui ne doit payer que s’il avait la possibilité par sa vigilance d’empêcher le dommage (il reste à méditer la preuve de Rabbi Akivah Eiger).

Rabbi Akiva Eiger (11) ajoute que sans cette Guémara, il aurait assimilé ce cas à celui d’une personne qui acquiert un bien temporairement pour un temps défini (Roch Baba Metsiah 8,3, Choul’han Aroukh Hochen Michpat 346,18). Ce cas suscite un débat parmi les poskim et Rabbi Akiva Eiger rejoint ici le Ketsot Hachochen (346 6) qui considère que dans le cas de l’acquéreur temporaire, le bien a été donné sans condition mais de manière temporaire pour un temps défini, contrairement au cas d’un présent donné sous condition de restitution. Et de là, d’après le Roch (Baba Metsia 83), le receveur d’un don temporaire bénéficie du régime du gardien bénévole qui ne doit dédommager la perte du bien qu’en cas de négligence. En effet, il garde bénévolement l’objet jusqu’au moment où il revient de droit à son propriétaire initial, sans que sa propriété temporaire ne soit conditionnée par une obligation de restitution quelconque. Donc d’après cela, les présents sont offerts temporairement par les fiancés pour la durée de leur union. En cas de rupture de celle-ci, le bien retourne à son propriétaire initial.

Il y a lieu de penser, si l’on poursuit cette idée, que dans notre cas, la fiancée n’est même pas gardien du cadeau car tant que n’est pas prévue la rupture des fiançailles, Sarah ne pense guère à garder le présent pour Reouven et le terme de sa propriété advient soudainement.

Le Hatam Sofer (réponses Even Haézer tome 1 82) affirme qu’il n’y a aucune obligation de garantie envers le donneur sur les présents offerts entre les fiancés. Effectivement, le Hida (Haïm Chaal 64) remarque que  la majorité des Richonim (Ri Migash, Yad Rema, Raavad, Ritva, Nimoukei Yossef, Méiri) ne lisent pas la Guémara de la même manière. Chez certains d’entre eux, cette version où il est question de perte ou de vol n’y figure pas et ne peut pas y figurer. (J`invite le public à étudier cette Guémara avec les Richonim, le développement de ce sujet dépassant le cadre de cette rubrique).

Le Hatam Sofer assimile donc vraisemblablement le cas de ces présents à une acquisition temporaire puisque le donneur a bien l’intention de donner le présent à sa fiancée tout en sachant qu’il existe une possibilité que ce don soit de durée limitée. C`est pourquoi dans notre cas, il dispense Sarah de tout paiement. De plus, même si l’on assimile ce cas à celui du donneur « sous condition de restitution » – et c’est l’avis du Beth Méir (Orach Haïm 658) – il faut savoir que le Choul’han Arouh Hochen Michpat 241 statue selon l’avis du Rachbam qui dispense l’acquéreur de tout paiement dans les cas de perte, hormis s’il y a eu négligence de sa part. D’après lui, même si a fortiori une fois la donation annulée, le bien appartenant au propriétaire initial se trouve chez le receveur injustement, ce dernier se l’est approprié en toute bonne foi et il n’y a pas de raison de le considérer comme un voleur. Son opinion est différente du Roch (Souccah 3), qui impose au receveur « sous condition de restitution » l`obligation de rembourser le dommage même en cas de force majeure. Certains dayanim contemporains estiment que dans la réalité d’aujourd’hui, les fiancés ne pensent généralement pas à réclamer les cadeaux en cas de dommage ou de perte, même s’ils viennent à rompre les fiançailles. On peut donc affirmer que dans les conditions d’une perte, le don est absolu.

Conclusion : Compte tenu des différents avis des poskim, on ne peut pas obliger Sarah à rembourser le prix des cadeaux.

Rav Ellia Yafé

Yossef et Moshé ont pris rendez-vous chez Michael, un agent immobilier réputé, dans le but d`acquérir en commun un bien qui leur rapporterait de bons revenus. Après que Michael leur ait fait visiter plusieurs appartements, qu`ils se soient décidés pour l’une des propositions et que les avocats des deux parties se soient rencontrés, Moshé s`est désisté. Yossef aurait voulu acquérir ce bien mais n`avait pas les moyens de le faire seul. Il a donc annoncé au vendeur que la transaction était annulée. Un mois plus tard, Aviv, le frère de Yossef, rencontre un ami du nom de Benny qui justement lui raconte qu`il aimerait bien investir dans l`immobilier mais que les prix dépassent son capital. Aviv le met en rapport avec son frère Yossef. Après que ce dernier ait fait visiter à Benny l`appartement qu’il avait désiré acheter, ils se mettent d’accord pour investir ensemble et tous deux signent le contrat avec le vendeur.

Yossef appelle de suite Michael (l`agent immobilier) et lui annonce qu`avec l`aide d`Hachem, il a finalement réussi à acquérir la moitié du bien. Il désire donc lui payer sa commission, à savoir 2% du prix qu`il a payé pour sa part dans l`appartement. Michael lui demande ce qu’il en est de la deuxième moitié du bien.  Yossef lui donne alors les coordonnées de Benny. Au téléphone, Benny rétorque à Michael qu`étant donné qu`il ne lui a jamais demandé son service et qu`il a obtenu cette affaire par l’intermédiaire de son associé Yossef, il pense ne rien lui devoir.

Qui a raison ?

Réponse: D`après la halakha, il peut y avoir deux raisons pour lesquelles un agent immobilier a droit à une rémunération pour son service sans qu`il y ait eu signature d’un contrat entre le client et l`agent :

– du fait qu`il y a une entente entre le client et l`agent sur deux points : le client est intéressé par ses services, et en échange de ses services, l`agent a l`intention de réclamer une prestation (même si elle n`a pas été fixée ; dans ce cas, elle s`élèvera au prix le plus bas en cours sur le marché). Ses services pourront alors être considérés comme les actions d`un employé (« poèl« ) au service de ce client, même dans le cas où il n`a fait qu’indiquer l’adresse d`un appartement offert à la vente (bien entendu à condition que la transaction ait été conclue par l` intermédiaire de l`agent).

– du fait que l`agent a procuré au client un bénéfice par son action, qu`il en avait l`intention au moment d`agir et qu`il a intervenu avec l’intention de réclamer une prestation (« yored« ), même si l’acheteur n`a pas été en contact avec l`agent. (Toutefois, cela s’applique seulement dans les cas où on présume que l’acheteur aurait accepté de  payer pour ce bénéfice.)

Dans notre cas, nous constatons qu`aucune des deux raisons n’est présente :

– Evidemment, il n`y a eu aucune entente entre l`agent et Benny.

– L`agent n`avait ni l`intention de procurer un bénéfice à Benny ni de lui réclamer un salaire. En effet, au moment de son intervention, il n`avait pas entendu parler de Benny et ce dernier n’était  pas intéressé d’acheter ce bien.

Conclusion: Michael, l’agent, ne peut donc pas réclamer à Benny un paiement. La solution pour l`agent aurait été d`ajouter au contrat entre lui et le client une clause prévoyant que sa commission s`élevait à 2% de la totalité de la transaction, même si son client n`en a acquis qu`une part.

Rav Ellia Yaffé

James, qui habite aux États-Unis, se rend en France avec son épouse pour un mariage et emporte avec lui une somme de 9000 dollars. Par ailleurs, trois de ses amis lui demandent de remettre de leur part au hatane la somme de 3000 dollars chacun, soit une somme totale de 9000 dollars. James accepte de leur rendre ce service et partage la  somme totale de 18000 dollars en deux parties: 9000 sur lui et 9000 dans le sac de sa femme, car la loi oblige de déclarer à la douane toute somme supérieure à 10000 dollars par passager. Ils sont interpellés par les douaniers, parmi d’autres passagers, qui désirent vérifier notamment le montant de la somme qu’ils transportent.

Et voilà qu’ils leur confisquent tout la somme, en expliquant que la somme maximum permise est de 10000 dollars par groupe de personnes voyageant ensemble et non par passager, comme James le croyait. Pour pouvoir récupérer son argent, il devra payer une amende à son retour. Choqué, il se renseigne auprès de son entourage et apprend très vite que la loi a effectivement changé. Il monte donc dans l’avion sans argent en poche et se débrouille en France grâce à des prêts accordés par les membres de sa famille.

A son retour, il récupère son argent en payant une amende de 1800 dollars (1/10ème de la somme transportée) exigée par les douaniers. Il contacte ses amis pour leur remettre leur argent et leur raconte ses mésaventures, notamment que l’argent n’a pas pu être remis au hatane. Il leur précise qu’il a réparti le montant de l’amende entre eux tous, ce qui fait 300 dollars par personne ; chacun ne reprendra donc que 2700 dollars.

Toutefois, ses amis protestent et l’accusent d’être le seul responsable de cette perte financière.

James leur répond alors que non seulement il ne payera pas pour eux, mais qu’il ne payera pas non plus sa part de l’amende (il déduira 300 dollars en plus pour chacun), car c’est la somme qu’ils l’ont chargé de transporter qui lui a valu ce problème.

Vu leur désaccord, ils se rendent ensemble au Beth Din.

Réponse: Le Rama (chap. 291, 4) cite au nom du Maarik (chap. 155) le cas suivant: un envoyé devait transporter les livres de son ami, mais ils ont été confisqués par les douaniers. Lorsque l’ami lui a demandé de les reprendre en payant une amende, l’envoyé a refusé en lui rappelant qu’il lui avait affirmé que cela ne se produirait pas dans ce pays et que c’était à cette seule condition qu’il avait accepté cette démarche. Le Rama tranche qu’effectivement, l’envoyé ne doit pas payer l’amende.

On pourrait en déduire que si l’envoyeur ne lui avait pas assuré, à tort, qu’il n’aurait pas d’ennuis, c’est l’envoyé qui aurait dû payer l’amende pour reprendre les livres. Mais il ressort des propos du Maharik, qui est la source de ce psak, que même dans le cas où il ne l’a pas induit en erreur, l’envoyeur devra régler lui-même l’amende pour récupérer ses livres.

D’autre part, le Choulhane Aroukh (188, 6) tranche, dans un cas où l’envoyé a subi un dommage financier à cause de sa mission, que l’envoyeur ne doit pas payer les dommages. Par contre, le Rama (chapitre 176, 48) rapporte une mahloket (divergence d’opinions) dans le cas où il a subi un dommage physique:

Le Sma (188, 11) explique la différence de cas: l’envoyeur est considéré comme ’emprunteur’ du corps de l’envoyé, mais pas de son argent, car il n’a utilisé que son corps pour la mission confiée. C’est la raison pour laquelle, en ce qui concerne le dommage physique, on lui applique le din du ‘shoel’ (’emprunteur’), qui doit payer le dommage, même dans un cas n’étant pas de son ressort (loi de ‘oness’). Par contre, en cas de dommage financier, il n’est ni ‘shoel’, ni ‘mazik’ (causeur de dommage) d’ailleurs, puisque le dommage n’a pas été causé directement par l’envoyeur (loi de « grama« .)

D’après cela, James aurait raison de ne pas payer la part de l’amende de ses envoyeurs, d’après le Rama (291, 4 au nom du Maarik) qui dit que l’envoyeur doit lui-même payer l’amende pour récupérer ses livres.

Les amis de James, quant à eux, ont raison de ne pas vouloir payer sa part à lui de l’amende, car d’après le Choulhan Aroukh (188, 6), on ne leur applique ni le din de ‘shoel’ (car il s’agit d’argent), ni celui de ‘mazik’ (car il s’agit d’un dommage qu’ils ont causé indirectement).

Bien entendu, si l’interdiction de transporter plus de 10000 dollars sans les déclarer était connue de tous, on aurait considéré James comme ‘poshéa’ (coupable de négligence) étant donné qu’il ne leur a pas fait savoir que lui aussi transportait de l’argent et donc qu’eux tous couraient un risque. James devrait donc payer la totalité de l’amende.

Dans le cas où la loi n’est pas connue, même si James ne les a pas prévenus qu’il transportait également une grosse somme, tous devront payer. Le partage de l’amende se fera par pourcentage, chacun selon la somme qu’il a confiée (car il s’agit d’une confiscation d’argent par les douaniers).

En conclusion: James et ses amis devront payer chacun leur part de l’amende, sauf si la loi était connue auquel cas James, qui ne les a pas mis au courant de la somme qu’il transportait, est coupable de négligence.

Rav Aharon Cohen

Reouven confie à un agent immobilier la vente de sa maison au prix de 2,000,000 chequels. Ce dernier réussit à lui trouver un acheteur pour 1,950,000 chequels. L’affaire est conclue et la maison est vendue. Peu de temps plus tard, Reouven le raconte à son ami Chimon qui parait étonné. Celui-ci explique qu’une semaine plus tôt, il a proposé à ce même agent d’acheter cette maison au prix offert, mais que l’agent avait refusé l’offre et demandait un prix plus élevé. Plus tard, l’agent avoue à Reouven qu’il ne l’avait pas mis au courant de cette proposition car cet acheteur lui avait promis une commission supérieure à la normale. Reouven se rend alors au Beth Din et pose les trois questions suivantes :

  1. Est-ce un ‘méka’h taout’ [une vente faite par erreur], et Reouven peut-il donc annuler la vente ?
  2. Si non, l’agent doit-il lui payer la perte qu’il lui a causée [50,000 chequels] ?
  3. Doit-il payer la commission de l’agent?

Réponse:

  1. Le Ra »n rapporte le cas de quelqu’un qui confie les kidouchine d’une femme à un envoyé ; en d’autres termes, il envoie quelqu’un à sa place donner à la femme la somme nécessaire (ou la bague) pour l’épouser. Si elle accepte d’épouser l’envoyé (car elle ignore qu’il n’est qu’un envoyé), le mariage est valide. En effet, elle n’a pas précisé qu’elle ne l’épousait que par défaut mais que si elle avait le choix, elle aurait préféré épouser l’envoyeur. Ce n’est pas un « Méka’h Taout« , une transaction erronée. De même, le vendeur aurait pu refuser de vendre à 1,950,000 chequels s’il avait su qu’il y avait un autre acheteur potentiel.

Certains Poskim [‘Houkei ‘Hayim q. 5] disent que Reouven est en droit d’annuler cette vente à cause de la tromperie de l’agent immobilier, « hataya« . A ce cas s’applique la loi de la Guémara concernant quelqu’un qui vend ses biens dans l’intention d’aller habiter en Erets Israël. S’il ne parvient pas finalement à s’y rendre, il peut annuler la vente.

D’autres poskim disent que non. La différence tient au fait que dans le cas de la Guémara, la condition (son départ pour Erets Israël) a été précisée par le vendeur au moment de la vente alors que dans notre cas, Reouven n’a pas précisé à l’acheteur qu’il n’avait trouvé aucun autre client pour le prix de 2 000 000 chequels, bien qu’il l’ait pensé, comme le précise le Choul’han ‘Aroukh (207,4), car ce sont des « dévarim chébalev » [conditions non exprimées].

Précisons que ce din s’applique même si Reouven n’a pas intervenu directement dans la vente, et que nous ne pouvons donc pas lui reprocher d’avoir omis cette précision. Pourquoi? Car le Knesset Haguedola, Hagahot Beth Yossef (207, 67), tranche que le din de la Guémara concernant celui qui veut se rendre en Eretz Israël s’applique même la vente se fait par un intermédiaire.

En conséquence, Reouven ne peut pas annuler la vente.

  1. l’agent doit-il lui payer les 50,000 qu’il a perdus ?

Certains disent que l’agent immobilier a transgressé l’interdit de placer une embûche devant un aveugle car il lui a proposé cette affaire en lui cachant l’existence d’un acheteur plus avantageux. C’est donc un Racha [méchant] certes, mais il n’a pas de dette vis-à-vis de Reouven, même s’il a tiré profit de cette perte. En effet, c’est considéré comme une méniyat réva’h, un manque à gagner. Le Roch le déclare dispensé de payer car c’est un grama (un dommage indirect) ; selon le Rama, il doit le rembourser car c’est un garmi (un dégât presque direct).

Mais dans un cas comme le nôtre, même le Rama affirme que l’agent est dispensé de payer car Chimon, l’acheteur éventuel, n’a jamais fixé de prix directement avec Reouven, si bien que la perte de Reouven n’est pas manifeste.De plus, le dommage ne touche pas directement le vendeur car l’agent a bénéficié de la commission de la part de l’acheteur et non pas directement de la perte du vendeur.Pourtant, d’après le Netivot (183,1), lorsqu’un envoyé provoque une perte à son envoyeur en ne respectant pas ses instructions, il est considéré comme responsable et doit rembourser.

Mais les A’haronim (Pit’hei Techouva 292,5) ne partagent pas l’opinion du Netivot à ce sujet. Ajoutons enfin qu’ici, l’envoyé n’est pas seulement envoyé du vendeur, mais aussi de l’acheteur, puisqu’il est un intermédiaire.Pour toutes ces raisons, l’agent ne doit pas payer la perte qu’il a causée à Reouven.(Certains décisionnaires pensent malgré tout qu’il est responsable, car le vendeur comptait sur lui. Il s’agit du din de Maré Dinar Lechoul’hani »[Choul’hane Aroukh 306,6]).

  1. Reouven doit-il régler la commission de l’agent comme prévu ?

Non. Tout d’abord, car il s’avère a posteriori qu’il n’est pas son employé (car il ne l’aurait jamais embauché s’il avait pensé un instant qu’il le tromperait). Enfin, car de la même manière que le Rama n’oblige pas l’agent à payer son dommage car ce n’est pas un dommage certain (grama), il n’obligera pas non plus Reouven à payer la commission car il détient cette somme qui est l’objet d’un doute.

Conclusion: la vente ne peut pas être annulée, et le vendeur comme l’agent immobilier sont dispensés de payer quoi que ce soit. On pourrait ajouter que si l’on compte la commission à 2 %, 2 % de 20,00000 font 40,000 chequels. Par conséquent, puisqu’il ne doit pas payer la commission, Reouven n’a perdu finalement que 10,000 chéquels et pas 50,000.

Rav Aharon Cohen