Thierry, qui habite Paris, se rend en Israël pour la Brit-Mila de son petit-fils. A cette occasion, son gendre Yéhouda qui vit également en France lui demande de bien vouloir lui acheter une bouteille de whisky lors de son passage à la boutique duty-free où elle coute deux fois moins cher qu’ailleurs. Il lui remet pour cet achat la somme de 50 euros. Thierry accepte, achète la bouteille de whisky et la met dans son bagage à main. A son arrivée à l’aéroport de Tel-Aviv, il perçoit une forte odeur d’alcool dans son attaché-case. Il se souvient d’ailleurs avoir fait tomber son attaché-case deux fois déjà, une fois juste après son achat et une deuxième en descendant de l’avion. A son retour en France, Thierry rembourse donc à Yéhouda les 50 euros puisqu’il a cassé la bouteille. Cependant, ce dernier lui réclame la somme de 100 euros, puisqu’à présent la bouteille de whisky lui coûtera 100 euros dans n’importe quelle autre boutique. Tous deux décident de consulter leur Rav pour connaitre la halakha sur ce point et savoir ce qu’ils doivent faire.

Réponse: Thierry est un Chalia’h (envoyé) bénévole, auquel s’applique la loi de Chomer ‘Hinam (Choul’hane ‘Aroukh 291-2). Dans ce cas, il a été coupable de négligence (291-1) lorsqu’il a fait tomber son attaché-case. Il faut souligner que c’est au moment de l’achat qu’il a accompli son acte de cheli’hout, que la bouteille est devenue la propriété de Yéhouda, et que lui-même est donc devenu Chomer ‘hinam.

Par conséquent, Thierry est responsable du dégât, car comme il a fait preuve de négligence, c’est comme s’il avait endommagé volontairement la bouteille de Yéhouda. C’est donc le dine du « mazik » qui s’applique à lui, et il doit rembourser le dommage en fonction du moment auquel il a eu lieu (voir Cha’kh 295,7 et Ketsot Hahochen 291, 1). Aussi, si la bouteille a été cassée au duty-free, il la remboursera à son prix bas (50 euros). Si elle a été cassée dans l’avion en Israël, il devra payer la somme de 100 euros.  Puisque dans notre cas, nous avons un doute sur le moment où la bouteille s’est cassée, on devrait avoir recours au dine de « hamotsi mé’havero ‘alav hareaya« , (Baba Kama, 46-1), ce qui signifie que le détenteur de l’argent n’est pas tenu de payer la forte somme tant que le demandeur n’apporte pas de preuve qui puisse effacer le doute.

Le Maaram miRottenbourg (chap. 935) tranche, à propos d’un cas similaire, que le responsable du dégât devra payer la somme forte car on tient compte également de la « ‘Hezkat Hagouf » : on considère que l’objet est resté à son état initial pendant toute la période du doute, c’est-à-dire depuis l’achat au duty-free jusqu’à sa sortie de l’avion, en Israël. Le dommage est donc considéré comme ayant eu lieu en Israël.

Rabbi Akiva Eiger (‘Hochen Michpat 291-16) s’étonne de ce dine, mais n’apporte pas de réponse. Il semblerait que sa question vienne du fait qu’après tout, il y a aussi une « ‘hezkat mamone » – une loi qui implique que l’argent soit conservé par son détenteur tant que le doute persiste. La « ‘hezkat mamone » remporte sur la « ‘hezkat hagouf », aussi Thierry, le détenteur, ne devrait payer que 50 euros.  Mais le Sefer « Moutsal Méech », chap.26, répond que la ‘hezkat mamone remporte en effet sur la ‘hezkat hagouf, mais uniquement quand le doute porte sur l’obligation de payer ou pas, par conséquent sur le fait de garder l’argent ou pas. Or ici, Thierry est d’accord qu’il doit payer, le doute portant seulement sur la somme à payer. On fera donc prévaloir la ‘hezkat hagouf, qui implique que la bouteille a été cassée à l’arrivée seulement et non au duty-free.

En conclusion, Thierry doit régler la somme de 100 euros à Yéhouda.

Rav Aharon Cohen.

Dans un Séminaire de Yérouchalaim, des jeunes filles ont organisé entre elles une tombola au profit de leur camarade nécessiteuse. Elles ont convenu que le prix du billet serait de 100 Shekels et que 200 tickets seulement seraient mis en vente. Il a également été précisé que chaque élève ne pourrait acheter qu’un seul billet.

Au moment du tirage au sort, Myriam fut très contente de voir que son numéro avait été tiré le premier, ce qui voulait dire que la parure, qui était le premier prix, lui revenait. Par la suite, l’organisatrice prit le microphone pour citer le nom de toutes les participantes et les remercier. Léa fut étonnée d’entendre son nom à deux reprises alors que Hadassa n’a pas entendu son nom du tout. Après vérification, il s’est avéré qu’au moment de l’inscription, la responsable avait noté par erreur une deuxième fois le nom de Léa à la place de celui de Hadassa.

Hadassa se rend donc chez une des organisatrices pour réclamer le remboursement de son billet. Celle-ci se demande si elle doit vraiment lui rembourser son argent ; peut-être est-ce Léa qui devrait lui en payer le prix puisqu’elle a reçu deux numéros. Dans le doute, elles ont décidé d’appeler le Beth Din.

Réponse :

En entendant la question, le Beth Din a répondu tout de suite que Hadassa avait tout à fait le droit de réclamer le prix du billet étant donné qu’elle a donné 100 Shekels afin d’entrer dans la liste du tirage au sort et que cela n’a pas été fait. Seulement, les Dayanim ont ajouté que cette question ne concerne pas uniquement Hadassa : toute la tombola est annulée du fait qu’il y a eu une erreur dans le tirage au sort. La moindre erreur dans un tirage au sort annule toute la tombola !

En entendant cela, Hadassa se sentit mal à l’aise, car elle comprit qu’à cause d’elle, Myriam allait perdre sa parure et lui en voudrait peut-être. Elle décida donc d’annuler sa plainte et de renoncer à ses 100 shekels.

Pourtant, les Dayanim ont expliqué que malgré sa renonciation à son argent, la tombola est annulée, en se basant sur le responsa du Havot Yair (ch. 61) qui nous enseigne, à propos d’un cas similaire, que si le tirage ne s’est pas déroulé exactement comme prévu, la tombola est annulée. Le Havot Yair ajoute que même si tous les noms figuraient dans la liste mais que l’un d’entre eux figurait deux fois au lieu d’une, même si celui qui figurait deux fois n’est pas sorti gagnant, on devra annuler tout le tirage au sort étant donné qu’il ne s’est pas déroulé comme prévu. Donc, dans notre cas, même si Hadassa veut bien renoncer à ses 100 Shekels pour ne pas faire de peine à Myriam, du fait que le nom de Léa figurait deux fois dans la liste, on devra annuler tout le tirage bien que Léa ne fût pas gagnante.

Toutefois, si toutes les participantes se mettent d’accord de ne pas remettre la parure en jeu et de l’accorder à Myriam, il n’y aura aucun problème de la lui donner. Et dans ce cas, Hadassa ne pourra pas obliger les organisatrices à lui rembourser ses 100 Shekels. En effet, l’achat du billet lui donne seulement le droit de participer au tirage au sort, ainsi elle peut exiger de refaire le tirage au sort ; mais si elle y renonce, elle ne pourra pas demander le prix de son billet.

Rav Itshak Belahsen

Sammy, toujours très occupé, s’est rendu compte la veille des fêtes de Souccot qu’il n’avait pas encore acheté son Etrog. Il courut donc chez son vendeur habituel pour s’en procurer un. En arrivant à la boutique, Sammy fut surpris de voir qu’il n’était pas le seul à chercher un Etrog à la dernière minute. Plutôt que d’attendre son tour derrière les nombreux clients, Sammy décida d’emporter l’un des Etroguim de l’étalage et de quitter le magasin, pensant revenir plus tard pour régler son dû. Mais après Souccot, Sammy eut une idée: il se rendit chez le vendeur et lui dit : « Sache que la veille de Souccot, je t’ai pris un Etrog sans permission et je pensais te le payer par la suite, mais aujourd’hui j’ai pensé effectuer le remboursement en te rendant ce même Etrog ». Outré, le vendeur lui répondit clairement qu’il n’en était pas question et que s’il avait pris un Etrog de la boutique, il devait lui donner sa valeur en monnaie, soit 50 Euros. Sammy décida donc d’appeler un Dayan pour savoir ce qu’il devait faire.

Réponse : Avant même de traiter le problème du remboursement, le Dayan fit comprendre à Sammy que son acte était inadmissible : prendre un objet appartenant à son prochain, ou même à un magasin, sans en avoir l’autorisation explicite est considéré comme du vol, quand bien même on aurait l’intention de le payer par la suite, comme le dit le Choul’han Aroukh (348, 1). Qui plus est, pendant Souccot, son Etrog était considéré comme un Etrog volé et Sammy ne s’est donc pas acquitté de cette Mitsva durant la fête.

En ce qui concerne le remboursement, étant donné qu’on considère que Sammy a commis un ‘vol’ et pas un ‘achat’, il pourrait restituer l’objet volé et pas sa valeur. Ainsi, une Michna (Baba Kama 9, 2) nous enseigne que celui qui vole un morceau de pain avant Pessa’h pourra s’acquitter de son obligation de rendre l’objet volé en rendant ce même morceau de pain après Pessah, bien que tout le monde sache qu’il est interdit de consommer du pain qui appartenait à un Juif pendant Pessah. Cependant, comme on ne peut constater de ses yeux que ce pain est devenu impropre à la consommation, on pourra l’utiliser pour restituer le vol. Cette Halakha a été ainsi rapportée dans le Choul’han Aroukh (363, 1).

A priori, on pourrait en déduire qu’il en est de même pour l’Etrog que Sammy doit rendre : bien qu’aujourd’hui, cet Etrog ne vaille pas plus d’un ou deux Euros, puisqu’aucun changement de valeur n’est visible à l’œil nu, Sammy devrait pouvoir s’acquitter en rendant l’Etrog.

Pourtant, le Beth Chmouel Aharon (‘Hochen Michpat ch. 5) écrit qu’il y a une différence fondamentale entre le ‘Hamets et l’Etrog. En effet, bien que l’interdit du ‘Hamets soit connu par tout le monde, on ne peut pas remarquer sur un morceau de pain qu’il se trouvait pendant Pessa’h dans la propriété d’un juif et donc, aucune personne étrangère ne pourra deviner que ce pain ne vaut plus rien étant donné qu’il est impropre à la consommation. Par contre, tout le monde sait bien qu’un Etrog après les fêtes de Souccot ne vaut plus que quelques Euros ; quiconque voit un Etrog le lendemain de la fête voit en lui une valeur nettement diminuée. On ne peut donc pas appeler cela « un dommage non-décelable à l’œil nu ». Le Pit’héi Techouva (363,1) rapporte cette décision du Beth Chmouel Aharon.

En conclusion : Sammy ne pourra rembourser son vol en restituant l’Etrog au vendeur, mais devra lui rendre sa valeur initiale, soit 50 Euros.

Rav Itshak Bellahsen     

Sammy a participé à un match de football avec ses amis. Au cours du jeu, Moché lui a par erreur envoyé le ballon en pleine face. Les lunettes de Sammy se sont cassées sous l’effet du coup. Sammy se retourne donc vers Moché et lui demande la somme de 700 €. Il affirme qu’il vient d’acheter cette paire de lunettes une semaine plus tôt à ce prix-là. De son côté, Moché prétend ne rien lui devoir pour les raisons suivantes :

  • Il n’a pas fait exprès de lui casser ses lunettes car il pensait envoyer la balle au-dessus de Sammy et, bien sûr, pas sur son visage.
  • Sammy n’a pas vraiment payé ce prix pour ses lunettes, étant donné qu’il a été remboursé intégralement par sa mutuelle. De plus, Sammy a une assurance et il ne devra donc rien débourser pour obtenir une nouvelle paire de lunettes.

Sammy et Moché ont donc demandé au Beth Din de régler ce litige.

Réponse: Selon la Hala’ha (Choul’han ‘Arouh 378, 1) un homme qui endommage le bien de son prochain est tenu de le dédommager même s’il ne l’a pas fait exprès, et même si c’était un cas de force majeure. A priori, Moché ne pourra donc se décharger de sa responsabilité du fait qu’il a cassé les lunettes de Sammy par mégarde.

Cependant, il sera possible d’exempter Moché en s’appuyant sur son deuxième argument : il n’a causé aucune perte à Sammy étant donné que ses lunettes étaient assurées. En effet, il existe une discussion entre les décisionnaires à ce sujet. Certains pensent que celui qui endommage un objet assuré ne doit rien rembourser à son propriétaire vu qu’il ne lui a causé aucune perte (Chout Harei Bessamim b 245). D’autres sont d’avis que malgré l’accord de remboursement existant entre le propriétaire et la compagnie d’assurance, on ne pourra pas exempter le coupable de rembourser l’objet endommagé (Ma’harcham 4,7 ; Ohr Saméa’h S’hirout 7,1). Vu cette divergence d’opinions, dans le doute, on ne pourra pas obliger Moché à rembourser la paire de lunettes à Sammy.

Mais mis à part les arguments soulevés par Moché, le Beth Din l’a exempté de payer pour une autre raison :

Etant donné que Moché et Sammy se sont joints à un match de football tout en sachant qu’au cours du jeu, la plupart des joueurs ne sont pas tout à fait maitres de la situation, on peut dire qu’en y participant, chacun des joueurs renonce implicitement à son droit de dédommagement pour de tels dégâts.

Cette Hala’ha est mentionnée dans les décisionnaires (Darkei Moché 378, 5 ; Choul’han ‘Arouh 421, 5 ; Rama 378, 9) à propos de jeunes gens qui avaient l’habitude de faire des combats à chevaux, et qui ont été acquittés de leur responsabilité pour les dommages qu’ils se sont causé les uns aux autres. Certains ajoutent (Agouda Souca 4, Béer Hagola 378, 200) qu’il en est de même si un jeune homme a frappé son prochain au cours d’un jeu, à condition de l’avoir fait sans intention.

Nous pouvons donc en déduire qu’il en est de même dans notre cas, et Moché ne devra rien rembourser à Sammy, puisque la casse de lunettes résulte d’une inadvertance pendant le jeu.

Rav Ytshak Bellahsen

A la Brit Mila de son neveu, Sammy attendait avec impatience l’arrivée de la famille et des amis .Debout près de la fenêtre pour voir ses proches venir, il a constaté qu’Aharon, en train de faire marche arrière pour garer sa voiture, a rayé par inadvertance la voiture de Raphaël devant lui. Raphaël qui se trouvait encore au volant l’a interpelé et lui a demandé de l’indemniser, car la réparation allait lui coûter 200 Euros. Aharon a prétendu qu’il ignorait avoir causé le moindre dommage. Raphaël et Aharon étant de bons amis et des proches parents ont décidé de ne pas aller en Din Torah car cette procédure risquait de gâcher leur amitié. Ils ont convenu plutôt de se rendre le jour même chez leur Rav pour établir un compromis. Sammy s’est demandé s’il avait le devoir de témoigner devant ce Rav, car il était le beau frère de l’un d’eux et ne voulait pas avoir de problèmes avec qui que ce soit. Il a donc rapidement appelé le Beth Hora’a (centre de renseignements halakhiques du beth dine) pour savoir que faire.

Réponse:La Torah nous enseigne clairement (Vayiqra 5, 1) qu’une personne ayant assisté à un incident qui obligerait  le responsable à dédommager son prochain, est obligée de venir témoigner devant le Beth Din afin qu’il puisse obliger le coupable à rembourser son prochain.

Toutefois, dans notre cas, Sammy est le beau-frère d’une des parties ; il n’est donc pas autorisé à témoigner devant le Beth Din, comme le dit la Halakha (Choul’han ‘Aroukh ‘Hochen Michpat 34,1). D’autre part, Sammy étant un homme de confiance, s’il venait à raconter ce qu’il a vu, Aharon en serait certainement convaincu et dédommagerait Raphaël.

Le Ramban (Chevouot 35, 1) nous enseigne que l’obligation de témoigner citée ci-dessus ne s’applique en aucun cas aux proches parents d’une des deux parties même si les parties acceptent son verdict ou son témoignage. Selon le Ramban, Sammy n’aura donc aucune obligation de témoigner.

Cependant, après avoir cité cette décision du Ramban, le Ketsot Ha’hochen (28, 3) conclut : bien que l’obligation de témoigner citée ci-dessus ne s’applique pas aux proches parents, même s’ils sont acceptés par les parties, dans un tel cas, le parent devra aller témoigner pour une autre raison, celle de Hachavat Aveida (restitution d’un objet perdu). En effet, de la même manière qu’un homme se doit de rendre un objet perdu, il devra aussi témoigner pour éviter une perte à son prochain. Le Nétivot Hamichpat (28, 1) est du même avis. Selon eux, Sammy aura donc l’obligation de témoigner.

Pourtant, il y a quand même lieu de décharger Sammy de cette obligation : même dans le cas d’une Hachavat Aveida, la Torah n’oblige pas une personne à accomplir cette Mitsva si cela lui cause du tort (à moins que la valeur de l’objet trouvé soit supérieure à la perte causée par cette Mitsva, et dans ce cas elle devra être dédommagée par le propriétaire de l’objet (Choul’han ‘Aroukh ‘Hochen Michpat 264-265). Donc, puisque Sammy a peur de se mettre mal avec sa famille par ce témoignage, il sera exempt de témoigner en faveur de Raphaël.

A noter que cette Halakha s’applique uniquement s’il existe une raison bien fondée de craindre que ce témoignage cause un préjudice. Par contre, si ce n’est qu’un vague soupçon, cela ne le décharge pas de témoigner.

Rav Itshak Bellahsen

Chaoul veut faire un cadeau à sa femme. Il demande à son ami Sammy, courtier en bijoux : « Lors de ton prochain voyage en Belgique, pourrais-tu acheter un collier en argent pour ma femme ? » Quelques jours plus tard, Sammy achète le collier et dès son retour, le revend à Chaoul pour 200. Chaoul offre le joli bijou à sa femme. Trois ans plus tard, sa femme apporte son collier à un bijoutier pour le faire briller. Ce dernier est stupéfait et lui demande aussitôt : « Savez-vous que votre collier n’est pas en argent mais en or blanc très rare que seuls les grands experts savent reconnaitre ? Je pense que votre collier peut être estimé à 4000€ ! »

Chaoul s’empresse de raconter à Sammy la bonne nouvelle. Mais Sammy, qui a le sens des affaires, demande immédiatement à Chaoul que la vente soit annulée étant donné qu’ils avaient convenu d’une vente d’un collier en argent mais pas en or. Chaoul de son côté prétend que sans lui, Sammy n’aurait de toute façon rien gagné et qu’il ne peut donc pas annuler la vente. Ils appellent donc le Beth Din pour savoir ce qu’ils doivent faire.

Réponse: Le Choul’han ‘Aroukh (233, 1) écrit que si un vendeur et un acheteur se sont mis d’accord pour une certaine marchandise et que l’acheteur a finalement reçu par erreur un autre type de marchandise (par exemple du vin à la place du vinaigre), les deux parties peuvent annuler la vente même s’il n’y a pas de différence de prix entre les deux. C’est a priori une Halakha qui donnerait à Sammy la possibilité d’annuler la vente du collier.

Cependant, le Rama sur le Choul’han ‘Aroukh (232, 18) écrit : si quelqu’un a acheté une bague en étain et l’a revendue, puis l’acheteur s’est rendu compte que la bague était plaquée d’étain mais que l’intérieur était en or, il ne sera pas possible d’annuler la vente. Le Rama explique que dans un cas pareil, l’intermédiaire n’a jamais été considéré comme le propriétaire de cette bague car pour devenir propriétaire, il faut faire un acte d’acquisition (kinyan) avec l’intention de vouloir acquérir., Or dans ce cas, il avait uniquement l’intention d’acquérir une bague en étain et pas en or, et puisque l’intermédiaire n’a jamais été considéré comme propriétaire, c’est l’acheteur qui a découvert l’or qui a fait alors un acte d’acquisition pour l’acquérir. Dans notre cas, on pourra donc dire aussi que puisque Sammy ne savait pas en quelle matière était ce collier, il ne lui a donc jamais appartenu. Il appartient donc à Chaoul et sa femme (qui font actuellement un acte d’acquisition du fait qu’il est dans leur propriété, comme cela est enseigné dans le Choul’han ‘Aroukh 200, 1).

Toutefois, il y a une différence entre ces deux cas. Dans le cas cité par le Rama, l’intermédiaire ne savait pas ce qu’il avait dans la main au moment de l’achat et c’est pour cela qu’il ne l’a pas acquis du tout. Par contre, Sammy voit  exactement ce qu’il avait dans la main au moment où il l’a acheté, mais son erreur tenait à un manque d’expertise pour l’évaluation du collier. A priori donc, Sammy a bien acquis ce collier.

En effet, dans le responsa Avodat Haguerchouni (Question 94), après avoir rapporté la Halakha du Rama, il écrit qu’il faut faire une différence entre de l’or plaqué d’un métal et un objet homogène dont la matière était inconnue. Cependant, à la fin de sa réponse, le Avodat Haguerchouni rapporte que le Lévouch (‘Hochen Michpat ch. 233) écrit qu’il n’y a pas de différence entre ces deux types d’objets et tranche la Halakha de cette façon ; c’est aussi l’avis de Rabbi Akiva Eiger (‘Hochen Michpat ch. 232). Par conséquent, dans les deux cas, l’intermédiaire ne pourra pas annuler la vente.

Néanmoins, le bijoutier a été le premier à reconnaitre la matière de ce collier. On aurait pu dire que le collier lui appartient puisqu’il a été le premier à le soulever (ce qui est un acte d’acquisition) après avoir pris conscience de sa valeur. Cependant, puisqu’il ne l’a pas soulevé avec l’intention de l’acquérir, il ne lui appartient pas.

Conclusion: Le collier reste aujourd’hui la propriété de Chaoul et sa femme, et Sammy ne peut pas annuler la vente.

Rav Itshak Bellahsen

Yinoun habite à Djerba alors que son neveu Camous s’est récemment installé à Paris. Ce dernier lui propose de s’associer à lui dans une boutique de textile à Paris. Yinoun a investi plus d’argent puisque c’est seul Camous qui doit entièrement gérer ce commerce. Ils avaient convenu de s’associer à 50/50. Bien qu’aujourd’hui l’affaire marche très bien, elle ne rapportait pas beaucoup de bénéfices les premières années. Pourtant, deux ans après l’ouverture du commerce, Camous avait déjà acheté un appartement à Paris.

Face à l’étonnement de Yinoun, Camous lui avoue qu’au fond de la boutique, il vend de façon indépendante des bijoux, sans négliger le commerce de tissus. C’est ce qui lui a permis de financer son appartement. Yinoun se sent lésé car il affirme qu’il a investi à condition de partager tous les bénéfices et que Camous a utilisé le local et les fonds de la société. Camous rétorque que leur accord concerne uniquement le commerce de textiles, qu’il continue à gérer sérieusement. Il avoue aussi s’être permis de prendre trois payes d’avance (à un moment où il y avait un surplus de trésorerie) pour démarrer le commerce de bijoux, mais il assure ne rien devoir aujourd’hui à la société. Ils décident donc de se tourner vers le beth dine pour régler ce litige qui crée une scission dans la famille.

Réponse : il est évident que Camous n’avait pas le droit d’utiliser la boutique pour un commerce personnel sans l’accord de son associé Yinoun. La question est de savoir s’il doit partager avec lui les bénéfices de la vente des bijoux. Le Choulhan Aroukh ‘Hochen Michpat 186;10 écrit : « Celui qui s’associe à son ami… ne s’occupera pas d’une autre marchandise… et s’il l’a fait, il assumera les pertes et partagera les gains ». Le Sma’ 32 démontre que cette halakha est valable même s’il a acheté la marchandise de son propre argent. On considère que la marchandise supplémentaire a forcément affecté son engagement d’associé (sauf dans le cas où le surplus ne dérange pas, par exemple lorsqu’un berger ajoute une ou deux bêtes au troupeau de l’association), aussi il devra partager les gains perçus par son travail supplémentaire. Par contre, le Chakh 22  pense qu’il s’agit uniquement du cas où la marchandise a été achetée par l’argent commun. Le Netivot 20 va aussi dans ce sens et ajoute qu’il en sera de même s’ils s’associent (ou si l’employé s’engage) pour toute affaire qui puisse rapporter des bénéfices (voir Choulhan Aroukh Yoré Déa 187). Dans ce cas, l’engagement est de mettre au service de l’association tout travail effectué. Les gains seront alors partagés même si l’associé a acheté la marchandise de son propre argent.

Dans notre cas, Camous ne s’est pas engagé à mettre au service de l’association tout travail effectué. Il sera difficile de prouver qu’il a négligé le commerce du textile puisque l’affaire s’est développée de façon satisfaisante. S’il avait acheté les bijoux de son propre argent, d’après le Chakh et le Netivot, tous les bénéfices lui reviendraient. Cependant, comme il s’est servi de la caisse commune sans la permission de Yinoun, il n’avait pas le droit de prendre plusieurs payes d’avance. Les bijoux ont donc été achetés par l’argent de l’association, de sorte que le Chakh et le Netivot sont aussi d’accord que les bénéfices devront être partagés, d’autant plus que la boutique commune a aussi servi à la vente des bijoux.

En conclusion : Camous doit partager avec Yinoun tous les gains obtenus de la vente des bijoux.

Rav Réouven Cohen

Dan et Gilles, des amis d’enfance, se faisaient entièrement confiance et décidèrent de s’associer dans une affaire pour une durée de deux ans. Au bout de trois mois, Gilles reçoit d’un client une plainte disant que Dan a essayé de le tromper. Dan avoue, regrette son méfait et promet de ne plus le faire. Gilles demande à dissoudre immédiatement leur association. Dan n’est pas d’accord et prétend que ce partage en milieu de période fixée lui causera des pertes. De plus, il assure s’être conduit loyalement vis-à-vis de son associé. Il comptait partager avec lui l’argent volé et il est même prêt à le dédommager pour la mauvaise réputation qu’il lui aurait causée. Mais Gilles refuse de lui donner une chance supplémentaire. Ils se tournent tous les deux vers le beth dine pour régler ce litige.

Réponse: le Choulhan Aroukh Hochen Michpat (186;15) écrit : « Des associes ayant fixé une période d’association, chacun pourra empêcher son prochain de se retirer au milieu « . Le Rama rajoute : « Si [l’un des associés] a modifié [les termes ou le but de l’associatin], commis une faute ou transgressé une condition, il [l’autre associé] ne pourra pas dissoudre l’association, mais [le premier] devra payer les pertes causées (Rambam) ; certains pensent qu’il pourra dissoudre l’association (Mordekhay) ». Le Kessef Hakodachim (ibid.) ajoute que si un associé a volé, le deuxième pourra l’obliger à dissoudre l’association, mais pas en cas de simple soupçon. Il s’agit évidemment d’un cas où il a volé son associé. Dans notre cas, Gilles ne soupçonne pas Dan de le voler mais il déplore sa conduite malhonnête envers le client. Est-ce une raison valable pour dissoudre l’association ? Il semble que oui. En effet, le Choulhan Aroukh 306 énonce une liste d’employés que l’on peut licencier à la première erreur et la raison donnée par le Sma’ 20 est qu’il s’agit d’erreur que l’on ne peut dédommager ou évaluer. Le Nétivot (186; 33) écrit au nom du Beth Yossef que la loi concernant l’associé est semblable à celle de l’ouvrier. Il se base sur ce Sma’ pour affirmer qu’il n’y a en fait pas de controverse entre le Rambam et le Mordekhay cités plus haut dans le Rama. La loi dépend si la faute commise par l’associé est réparable ou non. Or un tort qu’on ne peut évaluer est considéré comme irréparable. Dans notre cas, le tort causé par Dan ne peut être mesuré. On ne saura jamais combien de clients se sont éloignés de leur affaire suite à la mauvaise réputation que lui a faite le client que Dan a essayé de tromper. Gilles a donc le droit de rompre leur association.  

Rav Réouven Cohen

Mr Ullman a mandaté un agent immobilier pour la location de son studio. Cela fait quelques semaines que cet agent était en pourparlers avec un client, Israël, qui s’y intéressait pour y installer son bureau. Puisque le mandat ne donnait pas l’exclusivité à cet agent et qu’Israël prenait trop de temps à se décider, Mr Oulman a cherché de son côté un locataire. Il fait visiter son studio à David qui s’engage immédiatement et prend rendez-vous dès le lendemain pour signer un contrat. En l’apprenant, Israël propose de remettre immédiatement une première mensualité à l’agent et de signer un contrat dès son retour de voyage. Mr Oulman donne à l’agent son accord pour conclure avec Israël et encaisser l’argent. Lorsque l’agent vient remettre la somme du loyer à Mr Oulman, celui-ci lui fait part de ses hésitations : David n’est pas content de sa conduite et lui a exposé l’interdiction selon la Torah de revenir sur sa parole après avoir conclu une affaire même verbalement. L’agent propose à Mr Oulman de demander au Beth din la conduite à adopter dans ce cas.

Réponse : Un bien immobilier  se loue de trois façons : par l’argent, par le contrat et par la jouissance, qui montre sa propriété (Baba Metsia 99b). L’engagement entre David et Mr Oulman n’étant que verbal, chacun d’eux a donc le droit de se rétracter. Cependant, la Guemara Baba Metsia (49a) enseigne : « Celui qui s’engage en commerce par la parole doit respecter ce qu’il a dit, même s’il n’y a eu aucune forme d’acquisition. Et s’il se rétracte, les hakhamim ne seront pas satisfaits de sa conduite ». Mr Oulman devrait donc respecter sa parole vis-à-vis de David pour ne pas être méhoussar amana (déloyal). Le problème, c’est que son engagement vis-à-vis d’Israël semble plus décisif, puisqu’il a reçu de sa part de l’argent par le biais de l’agent immobilier. En effet, avec son accord, l’agent devient chaliah kabala, son émissaire pour recevoir l’argent. Or, comme nous l’avons mentionné plus haut, l’argent constitue une forme d’acquisition pour la location d’un bien immobilier. En recevant cette première mensualité, l’engagement envers Israël devient irréversible même si le contrat n’a pas été signé. Certes, le Choulhan Aroukh Hochen Michpat 190;7 écrit au sujet d’un achat d’immobilier : « Dans un endroit où l’usage est d’écrire un contrat, celui-ci devient indispensable pour montrer sa détermination [à conclure l’achat] et l’argent ne suffit pas ». Cependant, le Rama 195;9 écrit en son nom (Beth Yossef) que pour une location, l’argent suffira même dans ces endroits. La raison en est que puisqu’il s’agit d’une période déterminée, les parties n’accordent pas d’importance au contrat (Sma’ 20). Or, de nos jours, comme l’usage est d’exiger un contrat même pour une location, le contrat reste indispensable (le rav Naftali Nüsbaum chlita affirme que cela dépend si on demande un contrat de location pour sa valeur juridique ou tout simplement pour avoir une liste écrite des nombreuses clauses entendues entre les parties). Mais il faut savoir que même si l’on considère que l’argent versé ne suffit pas, Mr Oulman ne pourra pas se retirer impunément de son engagement envers Israël. En effet, au sujet de biens mobiliers, nos Sages ont annulé l’acquisition par l’argent mais ils ont interdit de se rétracter sous peine de mi chépara’/une forme de malédiction (Choulhan Aroukh Hochen Michpat 204;1). Le Pithé Tchouva (ibid.) rapporte la controverse citée par le Beth Yossef au sujet de l’acquisition de biens immobiliers par l’argent où il est d’usage d’écrire un contrat et conclut au nom de la majorité des poskim qu’il y a aussi mi chépara’ pour l’acquisition de biens immobiliers (voir à ce sujet Divrei Chalom 2;73).

En conclusion,  Mr Oulman devra signer avec Israël pour éviter cette malédiction de mi chépara’ qui est plus grave que le fait d’être méhoussar amana. De plus, les personnes d’origine achkénaze pourront s’appuyer sur le Chakh 204;8 et le Bah 204;11 (en désaccord avec le Choulhan Aroukh) qui considèrent qu’il n’est pas méhoussar amana lorsqu’il a une raison valable de se rétracter (voir à ce sujet Hatam Sofer sur Yoré Déa 246).

Rav Réouven Cohen

Après le décès de Mr Israël en nissane 5777, ses enfants trouvent chez lui un testament rédigé le 18 tévet 5765. Il y écrit qu’il partage le seul appartement qu’il possédait à ce moment-là à Ashdod à parts égales entre ses filles et ses fils. Il écrit, comme il est d’usage, qu’il donne aujourd’hui la nue-propriété aux bénéficiaires et l’usufruit après son décès, avec une clause qui lui permet à tout moment de changer d’avis. Mais il s’avère qu’en 5771, Mr Israël a dû vendre cet appartement pour en acheter un autre à proximité de l’hôpital Chaaré Tsédèk à Jérusalem où il devait recevoir régulièrement des soins. Les enfants se demandent si ce testament est valable en ce qui concerne cet appartement de Jérusalem. Les filles, qui ne sont pas héritières selon la Torah, prétendent que leur père n’a jamais changé d’avis mais a juste remplacé un appartement par un autre de la même valeur. Mais les fils se demandent si leurs sœurs ont droit à une part dans le partage de l’appartement, au vu de son testament.

Réponse: Selon la Torah, lorsque le défunt laisse un fils, sa fille n’hérite pas. Pour lui octroyer une part de ses biens, il faut écrire un testament conforme à la halakha, comme l’a fait Mr Israël. La question est de savoir si la vente de l’appartement d’Ashdod a annulé le testament ou bien si l’argent obtenu par cette vente prend le même statut que l’appartement dont la nue-propriété appartenait aux enfants. Le Noda’ Biyehouda (‘Hochen Michpat 29) traite d’une affaire semblable et écrit qu’il n’y a aucune raison de penser qu’il a acheté l’appartement de Jérusalem avec l’argent qui appartient à ses enfants (de la vente de l’appartement d’Ashdod) alors qu’il peut facilement annuler son testament et reprendre la pleine propriété  de cet argent. D’après cela, les filles n’auront aucune part dans l’appartement. Mais il reste à savoir s’il n’incombe pas aux garçons d’accomplir le désir de leur père qui souhaitait partager ses biens à parts égales entre tous ses enfants. Le Choul’han Aroukh (‘Hochen Michpat 252;2) écrit que c’est une mitsva d’accomplir le vœu du défunt uniquement s’il a déposé à cet effet le bien auprès d’une tierce personne. Ce n’est pas le cas pour Mr Israël, d’autant plus qu’il n’a pas vraiment exprimé clairement un vœu. Mais le Rav Akiva Eiguer (Drouch Ve’hidouch 1;90) conseille aux fils de ne pas s’en tenir à la loi stricte et de donner malgré tout une petite part à leurs sœurs, puisque telle était la volonté de leur père.

En conclusion: Le testament rédigé en 5765 n’est pas valable pour le nouvel appartement. Il aurait fallu le formuler de façon plus générale en incluant aussi les biens qui seront acquis plus tard (ces notions étant complexes, la rédaction doit se faire par un Dayane). D’après la loi, les filles n’ont donc pas de part dans l’appartement, mais il est conseillé de parvenir à un compromis pour respecter le désir du père.

Rav Réouven Cohen