Sammy a participé à un match de football avec ses amis. Au cours du jeu, Moché lui a par erreur envoyé le ballon en pleine face. Les lunettes de Sammy se sont cassées sous l’effet du coup. Sammy se retourne donc vers Moché et lui demande la somme de 700 €. Il affirme qu’il vient d’acheter cette paire de lunettes une semaine plus tôt à ce prix-là. De son côté, Moché prétend ne rien lui devoir pour les raisons suivantes :

  • Il n’a pas fait exprès de lui casser ses lunettes car il pensait envoyer la balle au-dessus de Sammy et, bien sûr, pas sur son visage.
  • Sammy n’a pas vraiment payé ce prix pour ses lunettes, étant donné qu’il a été remboursé intégralement par sa mutuelle. De plus, Sammy a une assurance et il ne devra donc rien débourser pour obtenir une nouvelle paire de lunettes.

Sammy et Moché ont donc demandé au Beth Din de régler ce litige.

Réponse: Selon la Hala’ha (Choul’han ‘Arouh 378, 1) un homme qui endommage le bien de son prochain est tenu de le dédommager même s’il ne l’a pas fait exprès, et même si c’était un cas de force majeure. A priori, Moché ne pourra donc se décharger de sa responsabilité du fait qu’il a cassé les lunettes de Sammy par mégarde.

Cependant, il sera possible d’exempter Moché en s’appuyant sur son deuxième argument : il n’a causé aucune perte à Sammy étant donné que ses lunettes étaient assurées. En effet, il existe une discussion entre les décisionnaires à ce sujet. Certains pensent que celui qui endommage un objet assuré ne doit rien rembourser à son propriétaire vu qu’il ne lui a causé aucune perte (Chout Harei Bessamim b 245). D’autres sont d’avis que malgré l’accord de remboursement existant entre le propriétaire et la compagnie d’assurance, on ne pourra pas exempter le coupable de rembourser l’objet endommagé (Ma’harcham 4,7 ; Ohr Saméa’h S’hirout 7,1). Vu cette divergence d’opinions, dans le doute, on ne pourra pas obliger Moché à rembourser la paire de lunettes à Sammy.

Mais mis à part les arguments soulevés par Moché, le Beth Din l’a exempté de payer pour une autre raison :

Etant donné que Moché et Sammy se sont joints à un match de football tout en sachant qu’au cours du jeu, la plupart des joueurs ne sont pas tout à fait maitres de la situation, on peut dire qu’en y participant, chacun des joueurs renonce implicitement à son droit de dédommagement pour de tels dégâts.

Cette Hala’ha est mentionnée dans les décisionnaires (Darkei Moché 378, 5 ; Choul’han ‘Arouh 421, 5 ; Rama 378, 9) à propos de jeunes gens qui avaient l’habitude de faire des combats à chevaux, et qui ont été acquittés de leur responsabilité pour les dommages qu’ils se sont causé les uns aux autres. Certains ajoutent (Agouda Souca 4, Béer Hagola 378, 200) qu’il en est de même si un jeune homme a frappé son prochain au cours d’un jeu, à condition de l’avoir fait sans intention.

Nous pouvons donc en déduire qu’il en est de même dans notre cas, et Moché ne devra rien rembourser à Sammy, puisque la casse de lunettes résulte d’une inadvertance pendant le jeu.

Rav Ytshak Bellahsen

Un match de football coûteux ?