Testament d’après la Halakha
Question: Prendre part à la rédaction d’un testament non conforme à la Halakh’a :
La question est posée par un jeune stagiaire travaillant dans un bureau d’avocats en Israël :
Ayant été sollicité pour la rédaction d’un testament officiel, il s’interroge sur la possibilité de le rédiger et
de le signer sachant que la personne qui lègue ses biens est juive et que ce testament n’a aucune valeur
selon la Halakh’a.
En effet, il est clair que selon la Halakh’a, exprimer la volonté de léguer ses biens tel qu’on le fait dans un
testament officiel n’est pas suffisant. Il faut pour cela effectuer un “Kinyan” (acte d’acquisition).
Donc, si par exemple, la personne lègue son patrimoine à ses filles, ces dernières risquent de s’emparer des
biens de leurs frères de façon interdite (selon la Halakh’a, l’héritage revient exclusivement aux frères).
En signant ce testament, l’avocat induit ses clients en erreur. Est-ce pour autant problématique ?
Il est vrai qu’à première vue, celui qui prend part à la rédaction d’un testament devrait le rendre conforme aux
attentes de la Halakh’a.
Il est donc nécessaire de prendre conseil chez un Dayan ou une personne avertie avant de rédiger un testament.
La Guémara dit à ce propos qu’on ne doit pas faire partie de “ceux qui transfèrent les héritages” (Ketouvot 53a).
Il faut par conséquent s’abstenir de participer à tout partage d’héritage qui empêcherait les héritiers de se saisir
des biens qui leur reviennent.
Certaines communautés avaient même institué que l’on fasse prendre connaissance de cet interdit à toute
personne désirant léguer ses biens. (Kérem H’émer de Rabbi Avraham Ankaoua Tome 2)
Toutefois, le Rambam et le Shoulh’an Aroukh‘ sont d’avis qu’une simple participation (en rédigeant et en signant
ce testament non valide, il ne l’a pas pour autant exploité) ne fait pas l’objet d’un interdit formel, mais serait juste
déconseillée par la Guémara qui juge du comportement pieux à avoir.
On pourrait alors être plus permissif dans certains cas, si par exemple, un avocat n’a d’autre choix que de rédiger
un testament tel qu’on le lui impose.
L’avis du Ah’iézer incite lui aussi à la permission puisqu’il affirme qu’un testament signé et validé selon la loi du
pays, équivaut à remettre l’argent entre les mains d’une tierce personne à qui il incomberait d’accomplir la
volonté du mort. (Shoulh’an Aroukh’ H’ochen Michpat Siman 252)
Le Iguérot Moché pousse cette idée plus loin et va jusqu’à considérer un tel document comme si on avait effectué
le Kinyan nécessaire selon la Halakh’a.
Si ces avis sont loin d’être partagés par tous (voir entre autres l’avis du Rav Eliachiv et du Rav Weïs), on pourra
tout de même en tenir compte et être plus permissif dans notre cas.
Celui qui finalement ne fait qu’occasionner un interdit (celui de s’accaparer les biens des autres) en rédigeant ce
testament mais ne le commet pas lui-même, pourra prendre en considération ces avis permissifs. (Cette idée est
développée par le Mabit à propos des fruits de la septième année.)
A ce sujet, le Rav Weïs, Av Bet-Din de Darkeï-Horaa, est d’avis qu’il faut encourager les juifs shomreï mitsvot à
prendre place dans des fonctions administratives qui pourraient leur permettre de rendre conforme aux attentes
de la Halakh’a les directives en vigueur dans leur lieu de travail.
En ce qui nous concerne, on conseillera donc à notre avocat de garder sa place et d’agir autant que possible pour
que les testaments soient rédigés de façon conforme à la Halakh’a
Rav Haim Vidal