La loi de renonciation, sur quel dû ?

Franck a un supermarché à Natanya. Depuis quelque temps, il se rapproche de la Torah et commence après Roch Hachana à assister régulièrement au cours du Rav. Il apprend que si l’on n’a pas fait de prouzboul avant la fin de l’année qui vient de passer, qui était chémita, on ne pourra plus réclamer ses dettes. Il a, d’une part, des amis et des clients qui lui doivent de l’argent et d’autre part, des retards de salaire envers plusieurs employés. Il se demande ce qu’il doit faire dans cette situation.

Réponse : Franck ne pourra pas réclamer les dettes arrivées à échéance avant Roch Hachana. Il pourra, en revanche, les réclamer aux clients à qui il n’a pas présenté le solde à payer avant Roch Hachana. Quant aux salariés, cela dépendra s’il devait impérativement régler leurs salaires avant Roch Hachana ou pas.

Développement :  L’une des mitsvot de l’année de chémita est l’annulation de toutes les dettes – chémitat kessafim – qui prend effet à la fin de la septième année et ce, uniquement pour les dettes arrivées à échéance (Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat 67 ; 10). La Michna écrit que l’achat à crédit dans un magasin n’est pas annulé par la chémita. Le Rambam explique que le client qui a un compte cumule sa dette jusqu’au moment où le vendeur lui demande de la régler.[1] Auparavant, il n’y a pas d’obligation de payer et il ne peut donc pas exister d’annulation. C’est ainsi que le Beth Yossef a retenu la halakha lorsqu’il s’agit d’un client qui cumule son crédit, mais pour un achat unique à crédit, l’annulation de dette s’applique. Bien que le Ba’h déduise du Roch et du Tour qu’il n’y a d’annulation que pour les prêts, et pas pour les achats à crédit, le Sma’ et d’autres commentateurs ont retenu l’avis du Beth Yossef. C’est pourquoi Franck ne pourra pas réclamer d’argent aux clients qui ont acheté à crédit et qui ne possèdent pas de compte. En ce qui concerne le salaire, la michna (Chevi’ite 10 ; 1) écrit que la loi de la chémita ne s’y applique pas, sauf s’il a été transformé en prêt. En effet, il était autrefois d’usage de payer les employés au bout de plusieurs mois de travail (Maguid Michné). Tant que l’employé n’a pas réclamé son salaire ou n’a pas fait les comptes avec son employeur, on ne considère pas qu’il y a une dette arrivée à échéance. De nos jours où les salaires sont régulièrement payés du 1er au 5 du mois, dans le cas où les employés n’ont pas établi de prouzboul, la chémita s’appliquera au-delà de cette date. Mais si Franck a pris l’habitude de payer en retard ou si, dans son milieu, on ne respecte pas de date de salaire ferme, les salaires de ses employés ne seront pas considérés comme une dette et ne seront pas annulés à Roch Hachana.

[1]  C’est ainsi que l’on transforme, d’après la halakha, un crédit en une dette sur laquelle s’appliquera l’annulation à la fin de l’année de la chémita.

Faut-il un prouzboul si l’on a emprunté des aliments ?

Deux bonnes voisines, Rivkah et Sarah, ont pris l’habitude de se dépanner en s’empruntant régulièrement les produits alimentaires qui leur manquent. Sarah, une veuve, n’a pas pensé à établir un prouzboul.  Au lendemain de l’année de la chémita, elle se demande si elle a le droit de récupérer ce qu’elle a prêté à Rivkah.

Réponse : Sarah n’aura pas le droit de réclamer à Rivkah ce qu’elle lui doit. Elle devra lui dire qu’elle y renonce. Rivkah pourra cependant lui offrir en cadeau ce qu’elle lui devait, ce qui est un comportement loué par nos Sages.

Développement : Même les prêts d’aliments sont concernés par l’annulation des dettes par la chémita, à moins qu’il s’agisse de sommes minimes ou de voisines qui ne s’attendent pas à être remboursées. La restitution est alors considérée comme un don et pas comme un remboursement. Mais dans le cas de Rivkah et Sarah qui veillent à rendre ce qu’elles empruntent, un prouzboul est nécessaire. Une femme aussi est tenue de l’établir (voir Min’hat ‘Hinoukh mitsva 84 et Yabia Omer 10 ; 3) à moins que son mari ne l’ait fait. Sans prouzboul, le prêteur doit dire à l’emprunteur qui vient rembourser sa dette : « méchamet ani, j’annule ce prêt ».

Notons tout de même que nos Sages ont conseillé à l’emprunteur de rembourser malgré tout sa dette au prêteur qui n’a pas établi de prouzboul. C’est là un signe de piété. Ce que les ‘Hakhamim conseillent, ce n’est pas de rembourser le prêt mais d’offrir la même somme. Comme le précise le Choul’hane Aroukh (67 ; 36), l’emprunteur devra dire : « Cette somme m’appartient et je te la donne en cadeau ». Sans cela, le prêteur ne devra pas l’accepter. Rivkah pourra faire de même et offrir à Sarah les aliments qu’elle lui avait empruntés.

 

Le prouzboul

L’une des mitsvot de l’année de chémita est l’annulation de toutes les dettes. Il est dit en effet dans la Torah (Dévarim 15) : « A la fin de tous les sept ans, tu pratiqueras la loi de renonciation. Voici le sens de cette renonciation : tout créancier doit faire remise de sa créance, de ce qu’il aura prêté à son prochain. Il n’exercera pas de contrainte contre son prochain et son frère, dès qu’on a proclamé la renonciation en l’honneur de D. ».

L’annulation des dettes prend effet à la fin de la septième année, comme il est dit : « A la fin (mikets) de tous les sept ans, tu pratiqueras la loi de renonciation ».  Dans plusieurs versets, le mot kets signifie « à la fin » ou « à l’extrémité » (voir à ce sujet la controverse entre le Ramban et Ibn Ezra idem). La remise de dette ne concerne que les emprunts arrivés à échéance avant la fin de la chémita.

Le prouzboul, depuis quand et pourquoi ?

Hillel Hazaken avait remarqué que ses contemporains ne prêtaient plus d’argent de peur de voir leurs créances annulées à la fin de la septième année. Ils transgressaient ce qu’écrit la Torah : « Garde-toi de nourrir une pensée perverse en ton cœur, en te disant que la septième année, l’année de renonciation approche, et, sans pitié pour ton frère nécessiteux, de lui refuser ton secours : il se plaindrait de toi à D. et tu te rendrais coupable d’une faute ». 

Il institua donc le prouzboul qui consiste à confier toutes ses créances au Beth Dine ; de cette manière il sera permis de les recouvrer (Traité Guitine 36). La michna (Chéviit 10 ; 4) stipule qu’il faut dire face au Beth Dine : « Messieurs les Dayanim, untel untel et untel, siégeant à tel endroit, je vous remets toute dette qui m’est due et je pourrais la réclamer quand bon me semblera « . Les juges doivent ensuite écrire ce qu’ils ont entendu et signer. Le Choul’han Aroukh le consigne en tant que halakha (‘Hochen Michpat 67 ; 19).

Devant quel Beth Dine ?

Le fait que tout Beth Dine peut établir un prouzboul est sujet à controverse. Selon Rabbénou Tam et le Rambam, seul un Beth Dine compétent dans ce domaine et reconnu par les habitants de la ville comme une sommité pourra établir un prouzboul. Le Choul’han Aroukh a retenu cet avis. D’après le Rachba et le Roch, chaque Beth Dine pourra l’établir. C’est ainsi qu’a statué le Rama. Les Séfaradim devront donc soumettre leur prouzboul uniquement à un Beth Dine reconnu dans sa ville et habilité à instaurer des takanot (réglementations).

Un prouzboul par émissaire

Dans son commentaire sur le Choul’han Aroukh, Erekh Lé’hem, le Maharikach déduit de la formulation de la michna susmentionnée qu’il faut se présenter devant le Beth Dine sans se suffire d’envoyer un émissaire transmettre la demande à un Beth Dine de son choix ou même désigné au préalable. Il est possible de nommer un émissaire pour un acte mais pas pour une déclaration (milé).  Le ‘Hida (Birké Yossef Ora’h ‘Hayim 434) n’a pas retenu son avis, puisque le Choul’han Aroukh (idem 4) a permis d’annuler son ‘hamets par le biais d’un émissaire. C’est aussi la conclusion du Yabiya’ Omer (‘Hochen Michpat 2 ; 65) et du Or Létsione (Chvii’t 7 ; 5) de permettre le prouzboul par délégation.

Il faut pourtant savoir que même selon le Maharikach, il est possible d’écrire une demande et de l’envoyer au Beth Dine car la demande n’est pas faite par un émissaire mais directement par le créancier (le ‘Hatam Sofer a lui-même procédé ainsi, voir Téchouvot ‘Hatam Sofer 113 rapporté par le Pit’hé Téchouva 67 ; 3).

Prouzboul en ligne

Il sera également possible de le faire par le biais d’une demande sur un site proposant ce service,[1] le Beth Dine en question se chargeant de l’écriture du prouzboul. De cette manière, il ne sera pas nécessaire de réunir des témoins ou de se présenter face à trois dayanim. Les séfaradim ont beaucoup à gagner à appliquer cette méthode car, selon les décisionnaires séfarades, il faut faire le prouzboul a priori devant un Beth Dine éminent comme nous l’avons dit plus haut. Le Mabit (2 ; 81) écrit : « La chémita précédente, nous avions annulé et remplacé plusieurs prouzboul n’ayant pas été établis par le Beth Dine éminent de la ville ». Il faut savoir que le ‘Hazon Ovadia affirme qu’un débiteur ne pourra pas se défaire de sa dette en prétendant que le prouzboul de son créancier (même séfarade) n’a pas été établi devant un Beth Dine éminent.

 

[1]  Il est possible de le faire par le biais de ce lien htt://www.michpat-chalom.org/prozboul/

En remplissant le formulaire en ligne dans le site du Beth Dine Michpat Chalom, vous accomplissez cette mitsva de prouzboul en remettant vos créances à un Beth Dine éminent formé par les grandes autorités rabbiniques : le grand rabbin de Jérusalem, le richone Létsione Rav Chélomo Amar accompagné du Roch Avot Batei Hadine Rav Baroukh Chraga. Ce prouzboul est donc valable même selon les séfaradim. Les Rabbanim du Beth Dine reçoivent directement votre requête qui est automatiquement enregistrée dans le registre du Beth Dine, et votre prouzboul est donc effectué sans émissaire.

Ouriel fait son aliya et décide de s’installer à Achdod. Il lui manque 200,000 shekels d’apport personnel pour acheter un appartement. Son frère David remue ciel et terre pour lui procurer cette somme. Il débloque son compte épargne qui lui rapportait 4,6% annuels, et contracte un prêt à sa banque en France ainsi qu’à sa banque en Israël. Ils s’étaient mis d’accord qu’Ouriel vire à David tous les mois le montant des mensualités prélevées sur le compte de David, intérêt inclus, ainsi que les 4,6% annuels que David touchait sur son compte épargne. Un an plus tard, Ouriel assiste à un chiour expliquant la gravité de l’interdit du prêt à intérêt entre juifs. Il se demande s’il n’y a pas d’interdit dans les versements d’intérêt qu’il fait à son frère. De son côté, David affirme ne tirer aucun profit de cette opération. Bien au contraire, il a endossé des responsabilités uniquement pour aider son frère.

Réponse : Le prêt à intérêt est sévèrement interdit par la Torah même s’il est fait pour rendre service à un proche. David et Ouriel doivent au plus vite établir un hétèr isska entre eux pour les prêts contractés à la banque en France. David devra aussi rembourser les intérêts encaissés d’Ouriel. Mais pour les prêts contractés à la banque en Israël, on pourra être plus indulgent.

hétèr isska : Un héèér isska pour un prêt existant est plus compliqué à établir. Il est de toute façon conseillé, pour établir ce document, d’être accompagné par un talmid hakham expérimenté dans ce domaine.

Développement : Le Choul’han Aroukh Yoré Déa’ (160,1) écrit : « Il faut faire attention à ne pas transgresser les multiples interdictions concernant le ribit. L’emprunteur qui paye les intérêts, le garant et les témoins transgressent eux aussi cet interdit. Quiconque prête à intérêt, ses biens s’effondrent et il renie en cela la sortie d’Égypte et le D. d’Israël ». Au paragraphe 8, le Choul’han Aroukh ajoute : « Il est également interdit de prêter à intérêt à ses enfants ou à ses proches ». Le fait de ne tirer aucun profit du prêt et des intérêts n’atténue pas l’interdit. David pourra demander à Ouriel de couvrir ses pertes – par exemple s’il a perdu ses intérêts acquis en clôturant son plan d’épargne – mais il ne pourra pas encaisser les intérêts futurs qu’il aurait pu gagner. Il en sera de même pour le prêt contracté à la banque. En effet, David est emprunteur vis-à-vis de la banque et prêteur vis-à-vis de son frère. Bien qu’il soit entendu qu’Ouriel couvre tous les agios, il n’a pas affaire à la banque. L’accord de prêt et de remboursement a été conclu entre lui et David. David a le droit d’emprunter avec intérêt à un non-Juif (la banque en France) mais il lui est interdit de prêter à intérêt à son frère. Ils doivent au plus vite établir un hétèr isska adapté à un prêt existant. Le dine sera différent pour le prêt contracté à la banque en Israël. En effet, dans toutes les banques en Israël, les prêts sont régis selon le hétèr isska, un contrat qui transforme le prêt en partenariat et qui permet de toucher un intérêt. En endossant toutes les obligations de David vis-à-vis de la banque, Ouriel adopte, sans même le savoir, vis-à-vis de son frère le mode de partenariat du héter isska. Ouriel pourra ainsi verser à David les intérêts mensuels (il est malgré tout recommandé d’établir un hétèr isska entre eux, même s’il s’agit uniquement d’un prêt d’une banque israélienne).

Rav Réouven Cohen

partage-de-bien M. Lévy avait six enfants, quatre garçons et deux filles. A son décès, ses biens ont été partagés en six parts égales, filles et garçons, comme le stipulait son testament déposé chez le notaire. Son gendre David, qui s’est rapproché de la Torah, se demande aujourd’hui si sa femme avait le droit de prendre une part puisque le testament que son père a laissé n’était pas conforme à la halakha. Doit-il dire à ses beaux-frères que cette part leur revient ?

Réponse : Bien que les filles n’eussent pas droit à l’héritage, nous considérons que les frères Lévy ont accordé de leur plein gré une part à leurs sœurs. David et son épouse pourront donc garder la part de l’héritage qui leur a été accordée.

Développement : Selon la Torah, s’il y a des fils, les filles n’héritent pas. Si le défunt n’a pas établi de testament conforme à la halakha, dans lequel il précise qu’il donne une part de ses biens à ses filles, celles-ci n’ont aucun droit au patrimoine de leur père. Pour qu’elles aient une part, les frères devront donner volontairement une partie des biens qui leur sont revenus de droit au décès de leur père. Les frères ne connaissant pas cette halakha pensent en général accorder aux sœurs leur dû en leur donnant une part d’héritage, car ils s’appuient sur la loi civile. Selon la halakha, c’est a priori une matana bétaoute, une donation faite par erreur. Pour cette raison, dans un cas où un défunt n’avait pas écrit de testament, le Techourat Chay (259) a déclaré la fille tenue de rendre à ses frères ce qu’elle avait reçu lors du partage. Quant à lui, le Mahari Assad (tome 2 chap. 114) écrit que la loi du pays n’est pas prise en considération pour l’héritage. La fille ne pourra pas y avoir recours pour demander une part, mais elle pourra prendre ce que la loi lui accorde si les frères ne s’y opposent pas. Dans notre cas, ces avis devraient s’accorder. En effet, en écrivant un testament civil (bien qu’invalide selon la halakha), le père a montré sa volonté que le partage inclue aussi ses filles. Il y a une bonne raison de penser que les frères ont voulu accomplir la mitsva de kiboud av, de respecter la volonté de leur père, en cédant une part à leurs sœurs, même s’ils ne l’avouent pas aujourd’hui. En effet, même si les filles n’ont pas droit à une part d’héritage de par la loi, les fils ont une mitsva de respecter la volonté de leur père (Maharcham 2; 224). Le Binyane Tsione (2;24) fait ce raisonnement même dans le cas où le défunt n’est pas le père des héritiers. Bien que, selon le Choul’hane Aroukh (‘Hochen Michpat 252), il n’y ait pas de mitsva lékayem divrei hamaét – d’accomplir le vœu du défunt (père ou autre) – si les biens n’ont pas été déposés chez un tiers, nous considérons que l’accord des héritiers n’a pas été donné par erreur : ils ont sûrement voulu accomplir le vœu du défunt en acceptant de partager l’héritage avec ceux qui n’y ont pas droit selon la halakha. Il est tout de même conseillé de consulter un Dayan ou un talmid ‘hakham expert en la matière, étant donné que chaque détail peut changer la halakha.

 

Rav Réouven Cohen

Dan cherche pour ses amis des billets d’avion bon march qu’il leur commande moyennant une petite commission. Les clients lui transmettent leur numro de carte bancaire qu’il utilise pour commander le billet et encaisser sa commission. Acher lui demande un billet de Tel Aviv Paris du 8 au 15 mars et Dan lui prend le billet. Mais en apprenant les consignes de confinement de 14 jours son retour de Paris, Acher dcide de renoncer ce voyage, quitte perdre son billet. Il demande Dan de vrifier auprs de la compagnie arienne s’il est possible de se faire rembourser. La compagnie refuse. Mais aprs cette conversation, Dan s’aperoit qu’il a commis une erreur : il a pris le retour pour le 15 Avril au lieu du 15 Mars. Acher en profite pour demander Dan d’assumer les consquences de son erreur et de lui rembourser son billet, car ce n’est pas le billet qu’il a command. Pour sa part, Dan prtend qu’en fin de compte, son erreur n’a caus aucun tort Acher, puisqu’il a l’intention de renoncer son billet quoi qu’il en soit.
Rponse: le Choul’han Aroukh (‘Hochen Michpat 183 ; 5) crit : « Si un homme mandate un envoy pour acheter du bl mais que celui-ci achte de l’orge, au cas o l’affaire est perdante, l’envoy endossera les pertes, mais si l’affaire est gagnante, c’est le mandant qui en profitera ». Le Chakh (9) prcise qu’il s’agit uniquement d’une perte occasionne par l’erreur de l’envoy. Si un accident est arriv, et qu’il serait arriv aussi au bl, l’envoyn’en sera pas tenu pour responsable. Le Ketsot (5) et le Ntivot (7) remettent en question les propos du Chakh : en ayant mal accompli sa mission, l’missaire devient « emprunteur » de l’argent et donc entirement propritaire de la marchandise, ce qui lui fait endosser toutes les responsabilits et l’oblige dans tous les cas rembourser cet argent considr comme un emprunt. Aussi, le mandant n’aura plus rien voir avec cette affaire. D’aprs cette opinion, Dan devient propritaire du billet et devra rembourser intgralement Acher.
Mais le Ntivot propose de nuancer les cas. En effet, le Choul’han Aroukh (182 ; 6) stipule ailleurs que si un missaire fait l’erreur d’acheter sans garantie un terrain, s’il s’avre vol par exemple, la transaction sera maintenue et ce sera l’missaire d’assumer la garantie, c’est- -dire les consquences de son erreur. Le Ntivot considre qu’il faudra vrifier chaque cas o l’missaire a chang la commande, et dterminer si le mandant reste intresspar la transaction si l’envoy couvre toutes les pertes occasionnes par son erreur. Si oui, l’envoy sera tax et devra couvrir les pertes sans profiter des gains, moins que l’objet achet ne soit compltement diffrent et dans ce cas, il en deviendra propritaire. Dans le cas des billets d’avion, il faut dterminer ce qu’Acher prfrait au moment de l’erreur de Dan. Au moment o il avait command son billet, puisqu’il comptait voyager, Acher aurait videmment prfr garder le billet et bnficier de la garantie de Dan pour le retour, c’est-dire assumer les consquences de son erreur et procurer Acher un retour la date demande, mme s’il lui faut payer plus cher. Il doit lui couvrir toutes les pertes qui lui a occasionnes. Mais si son changement n’a en fin de compte occasionn aucune perte, il n’aura rien payer Acher, sauf restituer la commission qu’il a perue sur le billet-retour.
Conclusion : Dan doit payer le retour d’Acher ses frais, mais si Acher ne fait pas ce voyage, Dan n’aura rien payer.
Rav Rouven Cohen

De nombreuses personnes ont avancé des arrhes en vue d’un séjour à l’hôtel pour la période de Pessah. A cause du coronavirus, tous ces séjours ont été annulés. Les clients pourront-ils récupérer leur avance ? Quel est l’avis de la Torah ?
Réponse : La Michna (Baba Metsia 105b), rapportée par le Choul’hane Aroukh (‘Hochen Michpat 321;1), écrit que si un homme a loué un champ et qu’une catastrophe naturelle limite son exploitation, si cette catastrophe est d’ordre national, le montant de la location devra être réduit. Le Rama ajoute au nom du Mordékhay qu’en cas de décret gouvernemental qui interdit l’étude de la Torah, l’enseignant devra être rémunéré entièrement. Il semble que le Rama fait la différence entre la location d’un bien et l’engagement d’un employé. Tous les commentateurs s’étonnent de cet avis du Rama qui, a priori, s’oppose à la Michna. Le Sma (6) conclut que même selon le Mordékhay, il ne faudra régler à l’employé que la moitié de sa paye. De son côté, le Nétivot (334;1) affirme que les propos du Rama ne concernent que l’enseignant de Torah. Le Gaon de Vilna aussi semble dispenser de payer l’employé au même titre qu’un bien immobilier. Face à cette controverse, les décisionnaires ont retenu le compromis proposé par le Hatam Sofer : payer à l’enseignant la moitié de son salaire. Mais il faut savoir que de façon générale, un employé licencié en cours de contrat ne sera pris en charge qu’à hauteur de la moitié de sa paye (Taz 333;1), en vertu du barème de l’employé au chômage, à l’exception des enseignant en Torah qui ne tirent aucun bénéfice de ce « repos » mais, bien au contraire, en souffrent. En fonction de cela, tous les employés autres qu’enseignants de Torah (musicien, ganénet etc) devront se suffire du quart de leur paye en période de crise nationale.
Revenons aux hôtels pour Pessah. Prenons par exemple un budget d’organisateur qui se partage à peu près ainsi : 33% pour la location des chambres, 22% pour le personnel, 22% pour l’achat des aliments, 5% pour la publicité et autres, leur marge de bénéfices se situant aux alentours de 18%. Dans notre cas de crise internationale, comme l’énonce la michna, la location d’immobilier sera réduite à zéro. Pour les employés, ils pourront retenir un quart, soit 5,5% (seulement si les organisateurs ont dû payer le personnel). Quant aux aliments, les frais ne seront pas imputés aux clients en vertu de la règle de dina dégarmi (dégâts indirects causés, par exemple, par une promesse d’achat) en cas de force majeure. Par contre, la marge de bénéfices de ces organisateurs est considérée comme un salaire d’employé et sera assuré au quart en cas de crise nationale, comme nous l’avons mentionné plus haut.
Conclusion : les organisateurs pourront garder, sur les arrhes, environ 4% du prix du séjour ainsi que le quart de la paye prévue des employés qu’ils ont dû rémunérer.
Rav Réouven Cohen

Nous avons énoncé la semaine dernière l’avis de la Torah en cas d’annulation de contrat pour cause d’épidémie : la dispense du Choul’han Aroukh (321;1) pour la location immobilière et l’obligation citée par le Rama de payer l’employé ainsi que le compromis du ‘Hatam Sofer, adopté par tous les décisionnaires, de lui accorder la moitié de sa paye en prenant en compte le fait qu’il soit au chômage. Les employés ne doivent toucher qu’un quart de leur salaire à l’exception des enseignants en Torah qui toucheront la moitié. Cette semaine, je vous fais part de quelques questions adressées au Beth Dine.
La mairie a donné des instructions aux ganim et aux michpa’htonim de rendre aux parents l’argent qu’ils ont versé. Ces instructions sont-elles valables selon la halakha ?
Oui, elles sont valables puisque le contrat initial a été fait selon les clauses de la mairie.
Qu’en est-il pour les ganim privés ? Les gananot ont toujours dit aux parents qu’elles suivent les emplois du temps des ganim municipaux. Ne devraient-elles pas suivre ces instructions aussi ?
Ces gananot sont engagées par les parents et non par la mairie. Ils ont d’un commun accord adopté un emploi du temps identique à ceux des ganim municipaux, mais avec un barème de paiement totalement différent. Il en sera de même pour le paiement en période de crise. Bien que la loi en vigueur soit valable pour cet engagement aussi en tant que minhag, usage courant, celui-ci n’inclut pas les instructions en temps de crise. Il n’y a de minhag que pour les situations courantes. Dans ce cas de crise nationale, les règles de la Torah, à savoir un quart de la paye, s’appliquent. Pour les vacances de Pessah, elles toucheront leur paye entière.
Mon contrat de location s’achève le 28 Avril. De peur de me retrouver tout seul en cas de confinement total, j’ai déjà quitté l’appartement pour rejoindre mes parents. Dois-je payer ce dernier mois ?
La dispense pour un bien immobilier ne s’applique qu’en cas de macat médina, de crise naturelle d’ordre national qui touche l’ensemble du secteur. Par exemple, les locations saisonnières lors de la deuxième guerre du Liban qui a fait fuir tous les vacanciers. Dans la crise actuelle, bien au contraire, les gens ne quittent pas leurs maisons, mais s’y confinent. La raison pour laquelle vous voulez résilier votre contrat est personnelle, et vous ne profiterez pas de cette dispense.
Je suis en cours de mission de conseil dans un domaine qui n’est pas touché par la crise. Sous prétexte de crise, le client voudrait arrêter le contrat. Quels sont mes droits ?
S’il n’y a pas de macat médina, le Choul’han Aroukh’ Hochen Michpat (333) stipule qu’un employeur ne peut résilier le contrat d’un employé en cours de contrat. S’il désire interrompre son travail, il devra lui verser un salaire pour toute la période d’emploi définie d’avance (selon le barème de l’employé au chômage). Mais plus loin (334), il écrit que dans un cas de force majeure imprévisible, l’employeur ne doit rien au salarié en cas de rupture de contrat.
Doit-on continuer à payer les scolarités des enfants ?
Vous n’avez pas à couvrir les enseignants subventionnés par l’état. Pour les privés, il faudra payer le quart, et s’il s’agit de professeurs de kodech, la moitié. Les directeurs devront faire ce calcul de façon honnête et vous le communiquer.
Rav Réouven Cohen

David a acheté dans un vieux bâtiment de Raanana un appartement à plusieurs terrasses. Des travaux de rénovation s’imposent : il remplace le carrelage de tout l’appartement et agrandit la cuisine en fermant le balcon attenant. L’hiver suivant, son voisin du dessous, Yaniv, se plaint d’infiltrations d’eau dans son salon, qu’il n’a jamais eues auparavant. Apparemment, en changeant son carrelage, David a dû déplacer ou endommager les feuilles d’étanchéité. David remarque aussi quelques taches d’humidité sur le plafond de la partie qu’il vient de fermer dans sa cuisine, provenant du balcon de Kobi, son voisin du dessus. Les trois voisins décident de se rendre au beth dine pour connaitre leurs droits et obligations mutuels.
Réponse : le Rama (‘Hochen Michpat 155 ; 4) écrit que c’est à celui qui subit les infiltrations de pluie de se couvrir des dégâts. Bien que le sol du voisin soit défectueux, ces dégâts ne sont pas causés par ses eaux mais par l’eau de pluie. Pourtant le Nétivot (3) écrit au nom du Roch (responsa 108 ; 10) qu’au cas où les frais de restauration du sol du voisin du dessus sont élevés, ce sera à lui de les assumer. Mais de toutes façons, il est d’usage aujourd’hui que le propriétaire mette sa propriété en état même s’il n’est pas lui-même endommagé. Il en est de même pour le toit de l’immeuble : les frais d’étanchéité sont payés par la copropriété et pas uniquement par le propriétaire du dernier étage. En Israël, à force d’être appliqué par force de loi civile, ce minhag a pris une valeur hilkhatique (Rav Eliyachiv et Rav Ben Tsione Aba Chaoul à ce sujet). En outre, dans notre cas, c’est David qui a causé l’infiltration d’eau par la rénovation de son carrelage. Dans ce cas-là, le Rama aussi est d’accord que David doit refaire l’étanchéité du sol de sa terrasse. Quant aux taches d’humidité qui proviennent de la terrasse de Kobi, David ne peut pas avoir de réclamation à cet égard. En effet, le bâtiment étant ancien, il n’y avait pas lors de sa construction de normes exigeant l’étanchéité totale pour un balcon surplombant un autre. Quelques gouttes ne dérangent pas dans un balcon ouvert, à la différence de l’espace intérieur qui demande une étanchéité totale. La décision de David de fermer son balcon, ce qui en fait un espace intérieur, ne peut pas obliger son voisin à entreprendre des travaux d’étanchéité.
Conclusion : David devra réparer son sol de façon à supprimer toute infiltration dans le salon de Yaniv, mais il ne pourra pas demander à Kobi de faire de même.
Rav Réouven Cohen

Suite à un mauvais traitement de son dentiste, Sarah se retrouve avec un défaut dentaire incurable. Désolé, le dentiste lui rembourse le prix des soins et lui propose de lui faire gratuitement les soins restants. Sarah n’est pas satisfaite de cela et lui réclame un dédommagement de 300,000 chéquels. De plus, elle porte plainte contre lui au tribunal d’instance de Jérusalem. Comme tous les deux sont religieux, le dentiste convoque à son tour Sarah au beth dine dans l’espoir d’arrêter sa procédure au tribunal civil. Il sait que, selon la Torah, il n’existe pas d’indemnités excessives pour une prestation ou un objet défectueux.
Réponse : La Torah reconnait la notion de méka’h ta’out, l’annulation d’achat pour tout objet défectueux. Dans ce cas, l’argent doit être remboursé. L’acheteur ne pourra pas soutirer des indemnités supplémentaires en menaçant le vendeur de procédure au tribunal civil. En effet, il est gravement interdit à deux juifs ayant un conflit d’intérêts d’avoir recours à la juridiction civile. Quiconque le fait est considéré comme un mécréant ayant blasphémé et porté atteinte à la Torah de Moïse (Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat 26, 1). Ceci est vrai même si le juge est juif ; c’est, au contraire, bien plus répréhensible car il juge ses coreligionnaires en ignorant les principes de la Torah (‘Hazon Ich 15, Yé’havé Daat 4, 5). L’acheteur trompé ne pourra donc pas avoir recours aux instances civiles et devra se suffire des droits accordés par la Torah à la personne ayant subi le dommage. Dans le cas de Sarah, le dédommagement est, en principe, bien inférieur à ce qu’elle réclame. Pourtant, dans son cas précis, le beth dine va lui donner gain de cause, car il existe des corps de métier pour lesquels une licence est requise. Cette licence est délivrée sous certaines conditions, notamment celle de dédommager le client en cas de faute. Sans cela, la licence lui est retirée. C’est un accord tacite, et c’est avec cette assurance que le patient se fait traiter par son dentiste, en étant tranquille que le travail sera minutieux faute de quoi le dentiste le payera très cher (Rav Mendel Chafrane). Cet accord est également valable selon la Torah, qui accorde au client le dédommagement fixé par la loi civile. Il en est de même pour les avocats, experts-comptables et tout autre métier nécessitant une licence. Ce n’est pas le cas des commerçants envers lesquels la plainte doit se faire au Beth Dine sauf s’il y a un intérêt public à la plainte, comme en cas de vente d’aliment avarié ou de tout autre danger public ; il sera toutefois interdit de demander un dédommagement.
Conclusion : le dentiste devra satisfaire les exigences de Sarah, sinon le Beth Dine permettra à Sarah d’engager une procédure civile contre lui pour qu’il puisse faire intervenir son assurance.
Rav Réouven Cohen