Laurent est sur le point de signer un contrat de location pour un local commercial au centre-ville de Jérusalem. Le propriétaire, qui n’est pas pratiquant, lui impose de signer un contrat stipulant qu’en cas de désaccord, seul un tribunal civil pourra statuer. Laurent a toujours veillé, même en France, à ne jamais se retrouver face à un juif devant un tribunal civil. Il ne veut pas signer ce contrat mais le propriétaire n’est pas prêt à retirer cette clause. Laurent voudrait savoir ce que recommande la halakha dans ce cas-là.
Réponse : Il est interdit à deux juifs en conflit d’avoir recours à la juridiction civile. Cet interdit est d’ordre Toranique (Tachbèts 2 ; 290, Rachba 6 ; 254) même quand les juges du tribunal civil donnent un verdict identique à celui de la Torah. De plus, il y a un interdit général de ‘hiloul Hachém, de profanation du nom divin, quand on préfère la législation civile à celle de la Torah qui est d’ordre divine (Rachi sur Michpatim). Le Choul’hane Aroukh (‘Hochène Michpat 26, 1) écrit que celui qui a recours à la juridiction civile est considéré « comme un mécréant, et c’est comme s’il avait blasphémé et porté atteinte à la Torah de Moïse ». Cette halakha est valable même pour les tribunaux civils en Israël où le juge est juif. C’est d’ailleurs encore plus répréhensible, car lui-même, un juif, juge ses coreligionnaires en ignorant les principes de la Torah (‘Hazon Ich 15, Yé’havé Daat 4, 5). Cet interdit s’applique uniquement si la partie adverse est d’accord de se présenter au beth dine. Dans le cas contraire, le plaignant pourra avoir recours (uniquement avec la permission du beth dine) aux instances civiles pour revendiquer ses droits ou pour se défendre s’il y est convoqué. Dans le cas de Laurent, même sans la clause stipulant de régler leur différend au tribunal civil, le propriétaire du local aurait refusé de se présenter au beth dine. Cette clause ne change donc pas grand-chose si ce n’est que les dayanim qui règleront ce litige (si toutefois il leur est soumis) devront le juger selon les lois en vigueur dans le pays (Sma’ 26 et Nétivot, contre l’avis de Taz). En signant cette clause, Laurent ne transgresse pas d’interdit. Cette signature étant obtenue contre son gré, il ne valorise pas la loi civile au détriment de la Torah ; ce n’est donc pas non plus un ‘hiloul Hachém. C’est pour cette raison qu’il est permis par la halakha, en Israël, de signer un contrat d’assurance, d’ouvrir un compte en banque et un compte d’eau ou d’électricité, où cette clause figure systématiquement.
Conclusion : Laurent devra proposer au propriétaire de retirer la clause qui stipule que tout différend sera réglé au tribunal civil. Mais s’il refuse, Laurent pourra signer ce contrat.
Rav Réouven Cohen

Clause de décision du tribunal civil