Pour la hazkara de son père, Daniel a commandé au traiteur Jacquy un buffet salé pour 180 personnes. Il était entendu que le traiteur livre et dresse le buffet dans la salle de la synagogue. Malheureusement ce jour-là, le mardi 3 juillet, la manifestation des Ethiopiens a bloqué les routes pendant plus de trois heures. Daniel a dû se suffire de quelques gâteaux et boissons achetés au supermarché. Jacquy est vraiment désolé de cet incident indépendant de sa volonté, mais il demande malgré tout à Daniel de lui payer quelque chose puisqu’il a travaillé pour préparer son buffet. De son côté, Daniel n’en veut pas à Jacquy, mais il est hors de question pour lui de payer une commande qu’il n’a pas reçue.
Réponse : il existe une controverse au sujet des commande. Est-ce considéré comme uniquement une promesse d’achat ou comme un contrat d’emploi de l’artisan ? D’après le Mahara Sassone (rapporté par le Ktsot Ha’hochen 339 ; 1), puisque l’artisan utilise ses propres denrées, il ne travaille pas pour le client et il n’a eu qu’une promesse d’achat. Il ne doit être dédommagé que si le client lui a causé un tort (Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat 333 ; 8) en refusant de lui acheter l’objet fini. Il est donc évident que s’il ne présente pas l’objet au client, ce dernier ne sera pas coupable de ne pas l’acheter. Mais d’après le Netivot (333 ; 15) et le Hazone Ich, ceci est valable uniquement si la commande a été formulée de cette façon : « Fais-le et je te l’achèterai ». Par contre, si l’on dit à l’artisan : « Fais cet objet pour moi », il devient employé et aura droit de toutes les façons à son salaire, sans qu’on ait à vérifier le tort que le client lui cause en se rétractant. Reste à savoir si le client doit payer son employé lorsqu’une force majeure l’empêche d’en profiter. La Guémara (Baba Metsia 77a) établit qu’en cas de force majeure (onèss) qui rend le travail impossible ou inutile, l’employé sortira perdant. Mais ceci est valable uniquement pour licencier l’employé, mais pas pour le travail déjà effectué qu’il faut de toutes les façons payer, sauf si le onèss est dû à l’employé, comme par exemple si ses outils de travail se sont cassés accidentellement (Nétivot 335 ; 3). Le client devra alors payer seulement s’il tire un profit du travail effectué. Dans notre cas, le traiteur doit préparer les aliments mais aussi les livrer. Une route bloquée, force majeure imprévisible, est-elle considérée comme un onèss de l’employé ? Le Rama (335, selon l’interprétation du Nétivot ) considère la route comme un outil de travail du livreur. L’onnès étant dans son domaine, l’employé ne sera pas payé même pour un travail déjà effectué, si l’employeur n’en tire aucun profit.
Conclusion : d’après tous les avis, Daniel ne sera pas tenu de payer la commande qu’il n’a pas reçue.
Rav Réouven Cohen

Une commande non livrée