Ari, qui souffre de démangeaisons aux pieds, décide de se rendre tôt le matin à la mer Morte. En prenant la route, il regrette de ne pas avoir emporté de récipients pour s’approvisionner en eau de la mer Morte afin de pouvoir continuer le traitement chez lui. En passant devant une installation de recyclage de bouteilles, il décide de prendre une dizaine de bouteilles. Mais ensuite, il se demande à qui appartiennent ces bouteilles, en réalité. Sont-elles sans propriétaire ? N’a-t-il pas commis de vol en les emportant ?
Réponse : les compagnies de recyclage louent à la mairie les endroits où elles placent leurs installations. Selon la Torah, le domaine qu’on possède est aussi un moyen d’acquisition : c’est ce qu’on appelle le « kinyane hatser ». Le domaine fait acquérir à son propriétaire tout objet qui y pénètre, même s’il ne le sait pas, à condition que ce domaine soit clôturé. Le Nétivot (200 ; 3) écrit qu’une clôture donne à un lieu le statut de domaine protégé même s’il est possible d’y pénétrer. Ces installations ont donc le même statut, bien que l’on puisse y glisser le bras. Mais il faut savoir que Rachi et le Rambam sont d’opinions partagées quant à savoir si le droit d’acquisition du domaine loué appartient au locataire ou au propriétaire de l’endroit. Le Choul’hane Aroukh (‘Hochène Michpat 313 ; 3) retient l’avis du Rambam : ce droit d’acquisition reste au propriétaire. D’après cela, comme ce n’est pas stipulé dans leur contrat, les compagnies de recyclage n’ont pas reçu de la mairie ce droit d’acquisition. Les bouteilles leur seront acquises seulement une fois qu’elles auront été récupérées par la compagnie. Entretemps, elles sont hefker, disponibles pour chacun. Mais le Chakh (1) précise que l’avis du Rambam concerne uniquement un objet trouvé tombé dans le domaine loué, mais pas un objet donné au locataire. Le propriétaire n’ayant pas d’intérêt à garder ce droit d’acquisition, il l’accorde au locataire (Ktsot Ha’hochène 1). Raison de plus pour attribuer, dans notre cas, le droit d’acquisition des bouteilles aux compagnies de recyclage, puisque le but de la location est que les gens y déposent des objets destinés au locataire. De plus, il existe une raison supplémentaire pour interdire de prendre les bouteilles de ces installations. Les Tossafot (Kidouchine 59a) rapportent, au nom du père de Rabénou Tam, qu’il est interdit de prendre des poissons rassemblés autour d’un appât, car le pêcheur les a acquis par son appât. Cette acquisition est d’ordre rabbinique et quiconque prend ces poissons est appelé racha, un méchant. Il en est de même pour ces bouteilles étant donné que les compagnies de recyclage sont la source de ce rassemblement des bouteilles.
Conclusion : Ari n’avait pas le droit de prendre ces bouteilles. Il doit donc les remettre au plus tôt dans une installation de recyclage semblable.
Rav Réouven Cohen

Des bouteilles sans propriétaire ?