Lévy avait deux fils, Eli et David, et une fille, Brouria, qui avait épousé un talmid ‘hakham. M. Lévy était fier de son gendre érudit et le considérait comme un fils. Il a à plusieurs reprises dit à ses fils qu’il désirait que ses biens soient partagés à parts égales avec leur sœur, mais il n’a jamais pensé nécessaire d’écrire un testament. Après son décès, son fils Eli s’oppose au partage de l’héritage avec sa sœur puisque, d’après la Torah, les filles n’héritent pas s’il y a des fils. Et puisque son père n’a pas établi de testament, Eli ne voit pas pourquoi il devrait « offrir » tant d’argent à sa sœur. Apres deux années de disputes qui ont complètement disloqué la famille, Eli demande quand même l’avis de son Rav. Le Rav lui dit que les choses ne sont pas aussi évidentes qu’il le pense et qu’il pourrait y avoir une mitsva pour lui de réaliser la volonté de son père défunt. Il lui conseille vivement de se tourner vers le beth din pour mettre fin à cette dispute. Ensuite, Eli tombe gravement malade et toute la famille décide de mettre les disputes de côté. Après le décès d’Eli, ses enfants se présentent au beth din avec leur tante pour mettre définitivement fin à cette querelle.

Réponse : Selon la Torah lorsqu’il y a des fils, les filles n’héritent pas des biens de leur père (Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat 276 ; 1). Le seul moyen d’assurer une part aux filles, c’est l’écriture d’un testament conforme à la halakha, qui leur octroie une part déjà du vivant du père. M. Lévy a seulement fait une demande orale à ses fils, sans faire d’acquisition (kinyane) valable en faveur de sa fille. Aussi, celle-ci n’a pas droit à une part de l’héritage. La question reste de savoir si les fils ont un devoir moral d’accomplir la volonté de leur père. Le Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat 252; 2 écrit qu’il n’y a une mitsva d’accomplir le vœu du défunt uniquement s’il a déposé ses biens chez un tiers dans ce but. Mais le Sma’ 5 et le Chakh 4 ajoutent au nom du Ritba que si le défunt avait demandé aux héritiers de donner une part, la mitsva leur incomberait même si les biens n’ont pas été déposés chez un tiers. Rabbi Akiva Eiguer 150 s’étonne que le Chakh n’ait pas évoqué la controverse existant à ce sujet,  puisque le Ritba a lui-même rapporté des décisionnaires qui ne font pas de différence si l’ordre a été donné aux héritiers ou pas. De toute façon, dans notre cas, comme il s’agit des enfants du défunt, ils ont aussi la mitsva du kiboud av vaéme/respect des parents. Il est vrai que la mitsva du kiboud av vaéme s’applique uniquement si l’enfant ne doit pas débourser les frais de sa poche pour accomplir la volonté de son père ou de sa mère. Or là, l’héritage appartient-il déjà aux enfants ? Accomplir le vœu de leur père serait-il considéré comme débourser de l’argent de leur poche ? Bien que Rabbi Akiva Eiguer reste dans le doute, le Maharcham 2; 224 tranche qu’à ce sujet, les biens avant le partage sont considérés comme appartenant au père. Donc, si Eli s’était présenté au beth din, les dayanim lui auraient recommandé d’accomplir le vœu de son père en partageant l’héritage avec sa sœur. Mais dans notre cas, Eli est décédé. Ses enfants ont-ils eux aussi la mitsva d’accomplir le vœu de leur grand-père ? Si Eli avait demandé à ses enfants de partager avec sa sœur Brouria l’héritage qu’il a reçu de son père, ils auraient eu une mitsva de le faire. Mais Eli ne l’a jamais demandé à ses enfants. Bien au contraire, il s’y est opposé ! Il n’est pas non plus évident qu’il y ait une mitsva de respect des volontés du grand-père dans ce cas (voir ‘Helkat Yaakov, Yoré Déa 135), surtout que les petits-enfants n’ont pas entendu ce vœu de la bouche de leur grand-père et qu’il n’y aucun témoignage valable selon la halakha (par des témoins n’ayant aucun lien de parenté) qui les obligerait à le faire.

Conclusion : Brouria devra se suffire d’un tiers de la part d’héritage de son frère David, suivant la volonté de son père. Elle ne touchera rien de la part des enfants d’Eli.
Rav Réouven Cohen

Le vœu du défunt