Aryé a vendu son appartement de Jérusalem à Avy, en échelonnant les payements sur 4 mois. Il est entendu dans le contrat que les clefs seront transmises lors du dernier payement fixé au 3 septembre. Les échéances respectées, Avy et Aryé se rencontrent le 3 septembre pour le dernier payement et la remise des clefs. Avy n’a pas amené avec lui de chèque bancaire comme prévu, mais il assure au vendeur que le virement sera fait aujourd’hui, comme tous les autres payements qui ont toujours été faits à temps. Aryé hésite à remettre les clefs avant de recevoir le dernier payement mais Avy insiste car il a des locataires qui doivent occuper l’appartement aujourd’hui. Aryé accepte et reçoit le lendemain un appel d’Avy lui disant que l’argent se trouve déjà dans son compte et que, pour un problème technique, il fera le virement le lendemain ou le surlendemain. En fin de compte, Aryé ne reçoit le virement que le 13 septembre. Quand Avy l’appelle pour le remercier et s’excuser du retard, Aryé lui répond qu’il n’y a pas de soucis mais lui demande de lui verser la location qu’il a perçue pour ces 10 jours de retard. Avy est outré de sa demande puisque 90% de la valeur de l’appartement avaient déjà été payés et que le contrat lui donnait droit à 10 jours de retard. Il ajoute aussi que son propre acheteur (de l’appartement qu’il a vendu pour pouvoir acheter celui d’Aryé) a eu plus de trois semaines de retard sur le deuxième payement et son rav lui a dit qu’il y avait un problème de ribit (prêt à intérêt prohibé par la Torah) d’encaisser les intérêts prévus dans le contrat pour le retard. Aryé rétorque que l’appartement lui appartient tant que le dernier payement ne lui a pas été transmis et bien au contraire, il y aurait un problème de ribit de l’occuper gratuitement.
Réponse : il est clair que d’encaisser des intérêts pour un retard de payement représente une interdiction de ribit même si cela est stipulé dans le contrat. Ce qu’Aryé revendique, ce n’est pas de toucher des intérêts mais plutôt de recevoir le loyer de son propre appartement. La question est donc de savoir si l’appartement lui appartient tant qu’Avy n’a pas versé le dernier payement. La Michna (Kidouchine 26) écrit que les biens immobiliers peuvent être acquis aussi par de l’argent. Mais s’il est de coutume d’écrire un contrat, ce dernier devient indispensable pour l’acquisition puisque l’acheteur n’est pas rassuré tant qu’il n’y a pas de trace de la vente (Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat 190;7). Mais il faut savoir que les contrats signés de nos jours ne comportent pas de termes d’acquisition mais plutôt d’engagement : du côté de l’acheteur, de respecter l’échelonnement des payements, et du côté du vendeur, de mettre le bien à la disposition de l’acheteur une fois qu’il a tout payé. Dans ce cas-là, l’acquisition ne se fera ni par la remise d’argent ni par la signature du contrat, mais plutôt par la remise des clefs conditionnelle du dernier payement. Aryé a donc raison de prétendre que l’appartement lui appartient encore tant qu’il n’a pas reçu le dernier payement, à moins qu’il n’ait été d’accord de lui remettre le bien et de n’être payé que plus tard, ce qui ne semble pas être notre cas. Il n’y a donc aucun problème de ribit qu’Aryé – étant encore propriétaire du bien – encaisse la location. Bien au contraire, laisser Avy profiter du bien serait considéré comme du ribit puisque (comme il l’a lui-même prétendu) la seule raison de ce « cadeau » est le fait que son argent (90% de la valeur de l’appartement) est entre temps détenu par le vendeur. En ce qui concerne l’acheteur de l’appartement d’Avy, il est évident qu’il est interdit, à cause de ribit, de le pénaliser pour son retard. En effet, tout intérêt payé pour de l’argent dû constitue une interdiction de ribit. La seule façon de garder un moyen de persuasion d’après la halakha est d’introduire dans le contrat des pénalités qui ne soient pas facteur du temps. En l’absence d’une telle clause, Avy n’avait pas le droit d’encaisser les intérêts sur le retard de son acheteur. Le dine est différent pour Aryé : il n’encaisse pas d’intérêt sur le retard mais perçoit tout simplement la location du bien qui lui appartient encore. En conclusion : Avy devra transmettre à Aryé l’argent de la location qu’il a perçu sur la période du 3 au 13 septembre. Rav Réouven Cohen

Passation de propriété