Les deux voisins Yoni et Yossi ont l’habitude de faire du vélo ensemble. Un jour, Zéèv, le père de Yossi, demande à Yoni de lui prêter son vélo. Celui-ci accepte, mais l’avertit que son vélo coute très cher. Zéèv le rassure qu’il s’engage à réparer tout dommage qu’il pourrait occasionner. Quelques heures plus tard, Zéèv appelle Yoni pour lui annoncer que la chaine et les vitesses sont complètement bloquées. Comme Yoni n’arrive pas à tout arranger, Zéèv apporte le vélo à réparer. Le mécanicien lui explique qu’il faut changer une pièce et que ce blocage peut se produire si l’on passe mal les vitesses ou simplement à cause de l’usure. Zéèv paye les 400 shekels de la réparation et rapporte à Yoni son vélo réparé. Il se demande cependant s’il peut s’adresser au père de Yoni pour lui demander de participer aux frais de réparation.

Réponse : le chomer ‘hiname – gardien bénévole – a un niveau de responsabilité minimal en cas de dégât puisqu’il n’est pas rémunéré. Il doit payer les dégâts uniquement en cas de faute de sa part. Le chomer sakhar – gardien rémunéré – a un niveau de responsabilité moyen tandis que le choel – emprunteur – endosse le niveau maximal de responsabilité puisqu’il profite de l’objet ou de l’animal sans rien payer (Baba Metsia’ 93a). Le choel est responsable et tenu de payer le dégât même en cas de force majeure et s’il n’a commis aucune faute. Le seul cas où il sera dispensé de payer est si la bête qu’il a empruntée est morte ou a été blessée par une utilisation normale, étant donné que c’est pour cela qu’il l’a empruntée (Idem 96b). Par conséquent, si la panne du vélo emprunté a été causée par l’usure [ce qui est parallèle à la bête qui meurt ou est blessée au cours d’une utilisation normale], Zéèv n’aurait pas d’obligation de payer la réparation. Mais dans notre cas, Zéèv est en doute de savoir si la panne a eu lieu à cause de l’usure ou d’une mauvaise manœuvre de sa part. Le Rama (‘Hochen Michpat 340 ; 3) considère le choel tenu de payer s’il n’est pas capable de jurer que la bête qu’il a empruntée est morte dans des circonstances qui le dispensent de payer. Mais le Chakh (7) écrit que le Choul’hane Aroukh dispense le choel en cas de doute.

Pourtant, il y a une raison supplémentaire pour obliger Zéèv à payer : il s’est engagé à payer tout dégât qu’il causerait, ce qui inclut les dégâts engendrés par son utilisation. La guemara (Baba Metsia’ 94a) affirme que le chomer hinam peut s’engager à endosser les responsabilités du choel. Et les Tassofot (Idem 58a) rajoutent que dans certains cas cet engagement doit être accompagné d’un acte d’acquisition. Le Ktsot Ha’hochen (1) se demande si l’engagement du choel à payer les dégâts d’une utilisation normale, suffit s’il est fait oralement ou s’il faut le faire par un acte d’acquisition. Mais le Netivot (2) écrit que la question se pose uniquement pour ajouter des obligations propres au chomer/gardien. En effet, toutes les responsabilités des gardiens découlent de leur statut de chomer. Celui qui n’est pas chomer n’est pas tenu de payer s’il a négligé de garder l’objet d’autrui. C’est pour cela qu’il faut un acte pour qu’il endosse les obligations d’un chomer, car il n’est pas chomer. Toutefois, un dégât que n’importe quelle personne est obligée de payer, par exemple si elle détériore l’objet d’autrui en l’utilisant sans permission, il est évident qu’on n’en dispensera pas le choel qui s’y engage. En acceptant de payer tout dégât, Zéèv accepte en fait qu’en cas de dégât par usure, il sera considéré comme ayant utilisé l’objet sans permission et donc tenu de payer.

En conclusion : Puisque Zéèv a déjà payé la réparation du vélo, il ne pourra pas réclamer cette somme au père de Yoni en vertu de la regle de kim li (celui qui détient l’argent pourra se tenir aux avis qui le dispense de payer – dans notre cas le Rama et le Nétivot -). S’il n’avait pas payé, il aurait pu s’en dispenser en s’appuyant sur les opinions du Choul’han Aroukh et du Ktsot Ha’hochen.

Rav Réouven Cohen

Qui doit payer la réparation ?