Meyer habite à Jérusalem et fréquente régulièrement la synagogue de la rue parallèle juste derrière son immeuble. Pour y accéder, il lui faut contourner plusieurs bâtiments. Samuel, son ami habitant le bâtiment voisin, lui propose de passer par son immeuble qui a une deuxième sortie sur la rue de la synagogue. Au bout de deux semaines, un voisin de Samuel interpelle Meyer et lui demande d’arrêter de traverser leur bâtiment, car tous les voisins s’y opposent. Meyer rétorque qu’il a la permission de son ami Samuel et que son passage ne dérange vraiment pas puisqu’il n’utilise pas l’ascenseur. Meyer lui rappelle la notion bien connue de « kofim al midat sdome », qu’il ne faut pas priver son prochain de ses biens si ce profit n’occasionne ni dérangement ni perte.
Réponse : il existe une controverse entre Rabénou Tam et le Rambane (rapportée par le Rane, Nédarim 32b) au sujet du passage à travers le domaine d’autrui. Pour Rabénou Tam, cette utilisation est considérable et nécessite une permission alors que d’après le Rambane, un simple passage par la cour de son prochain n’est pas gênant et peut se faire sans permission. Le Choul’hane Aroukh (Yoré Déa 251 ; 1) retient l’avis de Rabénou Tam. On aura donc pas le droit, a priori, de passer par un immeuble sans le consentement de la copropriété. Mais il faut savoir que certains décisionnaires contemporains différencient nos immeubles d’aujourd’hui des cours d’autrefois où les habitants pratiquaient divers usages privés, ce qui rendait le passage d’étrangers plus gênant. Il est fort possible que, même selon Rabénou Tam, il serait permis aujourd’hui de traverser un immeuble sans permission (sans utiliser l’ascenseur, évidemment). Nos propos concernent le cas où les propriétaires n’ont pas fait connaître leur opposition. Par contre, si la copropriété s’y oppose, il faudra respecter sa volonté bien qu’aucune gêne ne soit occasionnée. Il n’y a de midat sdom que chez celui qui demande rémunération pour une utilisation qui ne lui coute rien ; pourtant, au préalable, il peut l’interdire (voir Choul’hane Aroukh ‘Hochène Michpat 363 et Pit’hé Techouva 3). Quant à la permission que Samuel a accordée à Meyer, le Choul’hane Aroukh (‘Hochène Michpat 154) écrit que le copropriétaire ne doit pas accroître le va-et-vient dans la cour commune en l’utilisant pour donner accès à une unité d’habitation supplémentaire. Il en est de même dans notre cas. Chaque membre de la copropriété peut certes inviter chez lui autant de personnes qu’il le souhaite car c’est dans cet esprit que s’est établie la copropriété. Cela fait partie des utilisations normales des surfaces communes. Mais il n’y a aucune raison d’y inclure l’utilisation de ces surfaces par des amis pour leurs besoins personnels.
Conclusion : tant que le passage n’a pas été interdit par les voisins, Meyer peut se permettre de traverser l’immeuble de Samuel si cela lui facilite les choses. Mais si les habitants de l’immeuble manifestent leur opposition, même la permission de Samuel n’autorise pas Meyer à y passer.
Rav Réouven Cohen

Traverser un immeuble