Après avoir rencontré Sarah en vue de se marier, Yaakov a du mal à se décider bien qu’il apprécie beaucoup ses qualités. Il avoue à l’intermédiaire que la malformation des dents de Sarah le dérange. Sarah, qui tient à Yaakov, s’engage à se faire redresser les dents. Au lendemain des fiançailles, elle va consulter un prothésiste qui lui fait un devis et lui conseille de commencer les soins quatre mois plus tard, après son mariage. Pour rassurer Yaakov, elle remet déjà au dentiste un chèque couvrant toute la somme et fixe les consultations. Ensuite, les soins ont été plusieurs fois repoussés pour diverses raisons. Mais aujourd’hui, Yaakov apprécie tant les qualités de sa femme qu’il a oublié la malformation qui le dérangeait. Sarah se tourne vers le dentiste pour lui demander de lui rendre son chèque. Celui-ci lui rappelle qu’elle n’a pas le droit de rompre son engagement et lui demande même de remplacer son chèque qui est daté de l’année précédente.
Réponse : Un engagement vis-à-vis d’un employé se fait par un acte d’acquisition (kinyane). Le Nétivot (333 ; 1) écrit que le paiement en argent est valable aussi. Une fois son employé engagé, l’employeur ne pourra pas le licencier et sera tenu de lui payer son salaire sur toute la période convenue. Dans notre cas, en payant d’avance, Sarah s’est engagée à employer le prothésiste et ne pourra plus, a priori, se retirer. Mais le Choul’han Aroukh (‘Hochen Michpat 334 ; 1) précise que si, pour une raison imprévisible ou prévisible pour l’employé et l’employeur, ce travail n’est plus nécessaire, l’employé ne sera payé que pour le travail effectué et l’employeur pourra se défaire de son engagement pour le futur. C’est à celui qui veut obtenir un payement de parer à toutes éventualités (Sma’ 1). Le Rama (idem) rapporte le Teroumat Hadéchéne disant, au nom des Tossafot, que l’employeur ne pourra pas réclamer la somme qu’il a déjà avancée. En effet, en avançant cette somme, l’employeur a montré qu’il était prêt à payer même en cas d’incident qui rendrait le travail inutile. Certes, dans notre cas, il est vrai que Sarah a avancé les honoraires du prothésiste, mais nous savons pour quelle raison. Ce n’était pas pour lui assurer son salaire mais plutôt pour rassurer son fiancé. Rappelons aussi la controverse entre les décisionnaires contemporains sur le statut d’un chèque. Le détenteur d’un chèque a-t-il déjà l’argent en main ou est-ce uniquement un ordre à la banque de lui remettre cette somme ? La majorité des décisionnaires pensent qu’il n’est pas mou’hzak , qu’il ne détient pas l’argent. De plus, le chèque remis par Sarah étant périmé, le prothésiste ne pourra pas obliger Sarah à le remplacer.
Conclusion : Sarah pourra annuler les soins prévus et le prothésiste ne sera donc pas payé.
Rav Réouven Cohen

Une annulation imprévue