Débora et Yaël travaillent depuis huit ans pour une école de Nataniya. Débora reçoit un salaire de 3000 shekels par mois pour les trois conférences qu’elle y donne toutes les semaines. Yaël effectue, de chez elle, des travaux de graphisme pour cette école et sa paye varie tous les mois selon le travail qu’elle a effectué. Le directeur de l’école a décidé de les licencier, et prétend qu’il n’a pas à payer d’indemnité de licenciement étant donné qu’elles n’ont jamais été salariées. Il ne leur fournissait pas de fiche de paye : c’était elles qui lui donnaient une facture mensuelle pour leur service. Mais toutes les deux décident de s’adresser au beth-dine pour savoir si elles ont droit malgré tout à l’indemnité de licenciement.
Réponse : la Torah (Dévarim 15 ;14) nous a donné la mitsva de haa’naka qui consiste à accorder une somme (ou des biens) à son esclave au terme de ses six années de travail. Cette loi ne s’applique plus depuis longtemps, puisqu’il n’y a plus d’esclaves. Le Séfer Ha’Hinoukh (mitsva 482) se base dessus toutefois pour conseiller à l’employeur de dédommager son employé au terme de son travail, mais ce n’est pas une obligation selon la Torah. Pourtant, de nos jours, cette loi du Code civil est en usage, ce qui fait qu’elle a pris une force de minhag (coutume). En effet, selon la halakha, la loi civile n’oblige le citoyen que vis-à-vis de l’état, alors qu’entre deux juifs, c’est la législation dictée par la Torah qui a force de loi. Par contre, si la loi civile est d’usage dans le milieu des personnes en litige, elle devient contraignante aussi d’après la halakha. C’est le cas du droit des employés, pour lequel les batei-dine se réfèrent aujourd’hui aux lois civiles qui ont pris, au fur et à mesure, une valeur de halakha. Mais ces droits ne sont, d’après la loi, accordés qu’aux salariés. Débora et Yaël ont, a priori, le statut de travailleur indépendant puisqu’elles n’ont pas de fiche de paye. Mais il faut savoir que la loi civile israélienne accorde ces droits aussi aux travailleurs indépendants qui ont les caractéristiques des salariés. Le critère principal qui permet de distinguer un travailleur indépendant d’un salarié est le rapport de dépendance vis-à-vis de l’employeur. Or Débora semble posséder ces caractéristiques puisqu’elle travaille dans les locaux de son employeur, avec un programme et des horaires bien précis et un salaire mensuel fixe. La halakha lui accorde donc aussi les droits d’un salarié, ce qui n’est pas le cas de Yaël.
Conclusion : Débora a droit à l’indemnité de licenciement mais pas Yaël.
Rav Réouven Cohen

David avait un besoin urgent de liquide pour faire tourner son commerce. Il était prêt à payer un taux d’intérêt important. Son Bon ami Youval lui a procuré un prêt chez Eli qui lui a demandé une somme d’intérêt de 1000 euros mensuels. Youval s’est porté garant pour David. Et comme Youval devait à David 20000 euros, il en a profité pour mentir à David en lui disant qu’Eli demandait 2000 euros d’intérêt par mois. Et à Eli, Youval n’a pas donné trop d’explication. Il lui a simplement dit que sa créance allait descendre chaque mois de 1000 euros à travers les paiements de David. Youval regrette ce qu’il a fait car il ne sait pas si c’est selon la halakha.
Réponse : Némouké Yossef (Baba kama 9) écrit: » Réouven a loué plus cher que le marché sa maison à Chimon, celui-ci réalise que la maison appartient à Yéhouda. Chimon est en droit de dire à Yéhouda qu’il ne paiera pas pour la période révolue selon ce qui a été conclu car le contrat est nul. Et ce, même s’il a remis l’argent à Réouven. Par contre s’il a déjà donné l’argent à Yéhouda celui-ci pourra lui dire que lui aussi ne lui aurait pas loué pour moins que ça et il pourra le garder. »
Il est donc clairement énoncé dans ce passage qu’Eli ne peut revendiquer plus que ce qu’il a demandé à David. Les autres 1000 euros versés appartiennent encore à David.
Mais il y a en réalité une différence entre ces deux cas. Dans le nôtre, Youval a été mandaté par Eli pour négocier un taux d’intérêt et c’est ce qu’il a fait avec zèle. Il y a donc lieu de dire que tout le taux appartient effectivement à Eli car tout a été négocié en sa faveur. Les deux mille euros lui reviennent donc dans leur entièreté.
Ce que David peut recevoir dépend du bon vouloir d’Eli pour récompenser ses ‘’loyaux’’ services d’entremetteur.
Rav Reouven Cohen

Cela fait déjà trois ans que Rachel a fait sa alya et s’est installé à Jérusalem. Elle se lie d’amitié avec sa voisine Mme Milevski qui a un garçon en âge de se marier. Rachel a eu la bonne idée de lui proposer une camarade de classe de sa fille. Le chidoukh s’avère réussi et le jeune couple se fiance. Le lendemain des fiançailles, Mme Milevski laisse un message à Rachel pour encore la remercier et lui dire qu’elle lui remettra dans quelques jours son salaire de chadkhanit. Rachel est surprise du message et en rit avec son mari. Elle ne savait pas que ce genre de service était rémunéré. Elle ne s’attendait pas du tout à gagner de l’argent. Mais son mari lui dit qu’il sera enchanté de recevoir cette somme. Il lui demande de ne pas y renoncer. Rachel se demande si le fait d’avoir intervenu de façon bénévole équivaut à renoncer à un salaire, ce qui l’empêcherait à présent de recevoir cette somme.
Réponse : Le Choulhan Aroukh Hochen Michpat 12 ;8 écrit : «une méhila (renoncer à un dû) ne nécessite pas d’acte d’acquisition formelle [ il suffira de le déclarer verbalement]. Le Maharchal (a’ssine 48) va jusqu’à rendre valide le fait de renoncer en pensée, puisque la guémara considère qu’une veuve a renoncé aux sommes qui lui sont dues de par sa kétouba si elle ne l’a pas réclamées pendant 25 ans (kétoubot 104a). le Ktsot Hahochen 12 ;1 s’appuie sur le Maharit (2 ;45) pour réfuter cette avis, et explique que la pensée est valable, uniquement si le comportement ou la situation la prouve de façon évidente. En effet, tout le monde comprend que le silence prolongé de la veuve signifie qu’elle renonce à sa kétouba. Le Nétivot 12 ;5 donne raison au Ktsot, mais il rajoute qu’un renoncement (qui ne va pas de soi) par la pensée n’a pas d’effet, uniquement sur un dû existant. Mais si je propose par exemple de la nourriture ou un logement (habituellement payant) sans intention d’être payé je ne pourrais pas changer d’avis et demander salaire, puisque je le lui ai offert sciemment. Dans notre cas, Rachel a depuis le départ offert ses services gratuitement. Bien qu’elle n’ait pas exprimé verbalement de renoncement, elle ne pourra pas à priori demander de salaire. Cependant, il semble qu’elle pourra malgré tout toucher son salaire. En effet, elle a gratuitement offert ses services pour la simple raison qu’elle pensait qu’ils ne sont pas rémunérés. Mais si elle avait su que dans le milieu ou elle vient de s’installer ses services sont payants, elle ne les aurait pas gratuitement offerts. Il y a donc matana bétaout un cadeau par erreur. Ce don est annulé et le service ne sera pas gratuit.
En conclusion : Rachel pourra changer d’avis et accepter le salaire de chadkhanit proposé par sa voisine.
Rav Réouven Cohen

Dans un bâtiment d’Ashdod, les voisins ont obtenu une permission de la mairie d’utiliser les parties communes pour agrandir leur appartement respectif et ajouter deux pièces, c’est-à-dire une surface de 30 m2 pour chacun. Kobi qui occupait le rez–de-chaussée a décidé d’ajouter 12 m supplémentaires. Il fait savoir ses intentions à Avy, son voisin du dessus, et lui demande de partager avec lui les dépenses de fondations et de construction de cette surface, puisqu’elle pourra servir à Avy comme sol d’une pièce supplémentaire. Avy lui répond qu’il n’est pas intéressé par cet ajout non autorisé par la mairie et qui, bien au contraire, porte préjudice à la valeur de son appartement. Kobi a donc payé tout seul les frais d’agrandissement. Cinq ans plus tard, Avy vend son appartement à Nahoum. Celui-ci engage des travaux et utilise la construction de Kobi pour ajouter une pièce à l’appartement qu’il vient d’acheter. Kobi s’adresse alors à Nahoum pour lui demander de participer au coût des fondations puisqu’il en profite aujourd’hui. Nahoum répond qu’il a acheté cet appartement avec cette possibilité d’agrandir ces 12 mètres ; d’ailleurs son vendeur, Avy, a à plusieurs reprises justifié le prix fort qu’il demandait par cette possibilité. De son côté, Avy prétend qu’il a vendu son appartement et qu’il n’a plus rien à voir avec cette affaire. Tous trois se retrouvent au beth dine pour régler ce litige.
Réponse : le Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat 157 écrit que chacun peut obliger son voisin à construire avec lui un mur commun d’une hauteur de quatre coudées (près de deux mètres) afin d’obtenir une intimité dans sa cour. Si un voisin souhaite monter le mur plus haut, il le fera à ses frais sans pouvoir obliger son voisin à y participer. Mais si le voisin exprime un intérêt dans ce mur, par exemple en construisant en face dans son domaine un mur de six coudées de hauteur, il devra participer aux frais de construction des deux coudées supplémentaires déboursés par son voisin. En effet, il montre qu’il s’apprête à construire ou à poser des poutres sur le mur mitoyen. Les Richonim (Tossafoth Baba Kama 20b et Baba Batra 5a) invoquent pourtant la règle bien connue : cofim ‘al midat sdome – je ne peux pas demander de payement à celui qui a profité de mes biens sans me causer de perte quelconque. Le Nimoukei Yossef (Baba Batra 3a) répond que puisque ces voisins sont associés sur la partie inférieure du mur, il est évident que la partie supérieure du mur rajoutée par le premier appartiendra automatiquement au voisin dès qu’il aura consenti à la construction. Le Ktsot Ha’hochen 158 ;6 le rapporte et écrit que dès qu’il montre un intérêt, le mur supplémentaire lui sera rétroactivement acquis et il lui incombe de participer à la moitié des frais. Dans notre cas, bien qu’Avy ait toujours prétendu que cette construction ne l’intéresse pas, en demandant un prix plus élevé pour la vente de son appartement, il montre clairement son intérêt pour cet agrandissement. Puisque la construction est sur la partie commune, il devient rétroactivement propriétaire des fondations. Il devra donc partager les frais d’agrandissement au prix payé cinq ans plus tôt, même si les prix ont changé. Le dine aurait été différent si Kobi avait construit sur son jardin privé.
En conclusion : Nahoum ne doit rien à Kobi. C’est à Avy de participer aux frais d’agrandissement de la pièce supplémentaire.

Rav Réouven Cohen

David s’installe à Achdod et loue l’appartement de Yaniv. Il est stipulé dans le contrat qu’il peut quitter l’appartement avec un préavis de deux mois. Au bout de six mois, la tuyauterie d’évacuation des toilettes se bouche et cause des inondations dans l’appartement. David appelle Yaniv, et ils essayent ensemble vainement de déboucher le tuyau. David exige que Yaniv fasse immédiatement appel à un plombier. Yaniv tarde à le faire, car il prétend que ce tuyau ne s’étant jamais bouché auparavant, c’est sans aucun doute la famille de David qui y a jeté des objets. Comme le stipule le contrat, c’est au locataire de payer les engorgements causés par une utilisation non habituelle. David rejette ces accusations et s’entête à ce que ce soit Yaniv qui règle ce problème, comme le contrat le demande dans le cas d’une utilisation normale. La situation devient insupportable au point que, dix jours plus tard, David quitte les lieux. Yaniv refuse de lui rendre son chèque de caution, qu’il compte encaisser pour couvrir les deux mois de préavis.
Réponse: selon la Torah, dès lors que le propriétaire a mis à la disposition du locataire un appartement conforme à toutes les utilisations (il est tenu de le faire même si l’appartement ne l’était pas au moment de sa présentation), ce sera au locataire de réparer tout problème survenu durant la période de location (Choul’hane Aroukh 314;1). Néanmoins, l’usage (minhag) en Israël veut que le propriétaire couvre toutes les réparations de l’appartement hormis une mauvaise utilisation de la part du locataire. En tout état de cause, il faut se référer aux termes du contrat. Mais il faut savoir que les engorgements de tuyauterie sont souvent dus à un nettoyage insuffisant. Généralement, le plombier parvient à en trouver la cause. Sinon, ce sera au propriétaire de payer. Quoi qu’il en soit, David a tort de quitter l’appartement sans l’accord du propriétaire. Ce qu’il devait faire, c’est tout simplement embaucher un plombier à ses frais et ensuite, déduire son salaire du prochain loyer ou demander à Yaniv de payer la facture. Si l’appartement est resté sans locataire, David doit payer les deux mois de préavis.
Conclusion : David doit couvrir le loyer de la période non louée jusqu’à hauteur de deux mois. Si le plombier affirme ensuite que l’engorgement du tuyau a été causé par une mauvaise utilisation du locataire, David devra de plus payer sa réparation.

Rav Réouven Cohen

Lorsque David a acheté son appartement dans le quartier de Ramot à Jérusalem, il ne s’imaginait pas l’accueil qui l’attendait. Après quelques jours de travaux de rénovation, il se trouve face à deux accusations de mosser (dénonciateur) que lui font ses voisins et Avy, l’entrepreneur qui se charge des travaux dans son appartement. En effet, Avy a fait travailler un employé de Cisjordanie dépourvu de permission de travail. David est passible d’une amende de 10,000 shekels s’il ne révèle pas à la police que cet employé a été engagé par son entrepreneur. Avy supplie David de ne pas le dévoiler car, vu son passé, il risque de très gros soucis. D’autre part, David a demandé à la mairie la permission de construire un balcon. Cette demande conduira les inspecteurs de la mairie à découvrir tous les ajouts non autorisés effectués par ses voisins. Ces derniers font de grosses pressions pour dissuader leur voisin fraichement arrivé de France de présenter sa demande à la mairie, en l’accusant de dénonciateur aux instances civiles.
Réponse : le Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat (388 ; 1) écrit que le mosser (dénonciateur) est considérer comme un causeur de dommages et sera tenu de payer les dommages qu’il a causés même s’il n’a nui à autrui que par la parole et pas par un acte. Or les instances civiles n’agissent pas selon la halakha, même en Israël. Aussi, toute réclamation sera considérée comme une messira (dénonciation), faute considérée par la Torah comme très grave, sauf dans les domaines qui ne sont pas traités par le beth din, tels qu’agressions en tout genre, vol ou meurtre. Mais pour des constructions qui léseraient les voisins, la réclamation doit être traitée au beth din. D’autre part, le Choul’han Aroukh (idem) ajoute qu’il en est de même pour celui qui sauve sa vie en révélant [à des voleurs] les biens de son prochain : il lui faudra payer la perte qu’il a causée à son prochain. Mais il semble que notre cas n’est pas concerné par cette halakha. En effet, en déposant à la mairie sa demande d’extension, David n’évoque pas du tout les constructions interdites de ses voisins. Il ne fait qu’exploiter ses droits. Ce sont ses voisins qui se sont attirés des problèmes par leur construction illicite (Rav Silman, s’appuyant sur le Choél Ouméchiv au sujet d’une contrefaçon de signature qui permet à la personne lésée de dévoiler le falsificateur. Bien qu’il y ait lieu de différencier entre une victime de contrefaçon et celui qui veut utiliser ses droits, il semble que retirer un droit fasse partie de cette dispense). Il en sera de même pour l’entrepreneur : il doit assumer son délit d’avoir embauché un travailleur illégal. David aura évidemment le droit de se défendre de toute accusation de la police. Mais il faut savoir que, s’il peut sauver l’entrepreneur en évitant tout problème pour lui-même (l’entrepreneur devra lui avancer les 10,000 shekels), il devra le faire.
Conclusion : David n’est pas tenu de renoncer à ses droits d’agrandissement même s’il risque de causer des soucis à ses voisins. Il pourra aussi dénoncer son entrepreneur pour se couvrir de toutes accusations.
Rav Réouven Cohen

Rachel a une femme de ménage, Francine, qui s’occupe très bien de ses enfants. Ils sont très à l’aise avec elle, elle va même quelquefois les chercher à l’école. Lorsque Rachel reçoit une offre de travailler quatre jours par semaine, elle demande à Francine de s’engager à garder ses enfants ces quatre après-midis. Mais celle-ci refuse car elle travaille aussi pour d’autres femmes de la communauté. Quand Rachel lui propose de lui augmenter son salaire horaire, elle accepte son offre. Rachel reçoit tout de suite un appel de Déborah qui l’accuse de lui avoir pris sa femme de ménage. Rachel s’excuse en lui disant qu’elle ne savait pas qu’elle travaillait aussi chez elle. Elle ajoute que Francine n’a jamais fait de contrat avec qui que ce soit, mais fixait à nouveau son programme chaque semaine. Rachel appelle son Rav pour lui demander si elle avait le droit de prendre Francine à ses employeuses en lui proposant un salaire plus élevé.
Réponse : Le Talmud (Kidouchine 59) enseigne : « Si un indigent rôde autour d’un gâteau puis quelqu’un d’autre vient prendre [le gâteau], celui-ci est appelé racha, un méchant ». Rachi explique qu’il s’agit du cas où il trouve ce gâteau. Selon Rabénou Tam, on ne parle que dans le cas d’une vente, et c’est parce que le deuxième peut très bien se procurer la même chose ailleurs et ne devait pas s’immiscer dans cette situation. En l’achetant malgré tout, il devient racha. Cette raison n’est pas applicable dans le cas d’un objet trouvé qu’on ne peut espérer trouver facilement ailleurs. Le Choul’han Aroukh (237, 1) rapporte ces deux avis et le Rama rapporte uniquement celui de Rabénou Tam. Au paragraphe suivant, le Choul’han Aroukh écrit qu’un enseignant n’a pas le droit de postuler pour un poste déjà occupé car il cause le licenciement de l’employé en place. Par contre, un employeur peut proposer à un enseignant employé ailleurs de travailler chez lui. Le Sma’ (8) explique qu’à la différence d’une location ou d’un achat, en ce qui concerne les études, les enseignants ne se ressemblent pas, et l’un peut être plus adéquat que l’autre. Un bon enseignant ressemblerait donc, en ce qui concerne cette loi, à une chose qu’on trouve plutôt qu’à un achat. Le Nétivot (2) démontre à partir de cela que l’avis retenu par le Choul’han Aroukh est, comme d’après le Rama, celui de Rabénou Tam qui permet de s’immiscer pour prendre un objet trouvé. Le Aroukh Hachoul’han (5) explique le Choul’han Aroukh d’une autre façon : étant donné qu’il s’agit d’un enseignant de Torah, et donc d’une mitsva, la restriction de lui proposer un autre poste ne s’applique pas. Dans le cas de Rachel, une femme de ménage à qui on peut confier ses enfants sans inquiétude n’est pas chose courante. Il s’agit là d’une chose trouvée, mais pas d’une mitsva. Rachel pourra malgré tout s’en tenir à l’opinion du Nétivot, surtout qu’il s’agit d’un interdit d’ordre rabbinique seulement et, en cas de doute, on le permettra plus facilement. Mais le Nétivot et le Aroukh Hachoul’han précisent que la permission de prendre un enseignant à son employeur s’applique uniquement s’il n’est pas en cours de contrat. Le dine sera donc différent si Francine s’était engagée, même verbalement, vis-à-vis de Déborah pour une période déterminée.
Conclusion : si Francine n’est pas en cours de contrat avec d’autres employeurs, Rachel a le droit de lui proposer un salaire plus élevé pour l’encourager à travailler chez elle, même au détriment des autres.
Rav Réouven Cohen

A son anniversaire de quatre-vingts ans, M. Berrebi n’avait plus sa femme à ses côtés, mais il était entouré de sa famille nombreuse. Depuis le décès de son épouse, c’est son petit-fils ‘Hayim qui est souvent à ses côtés et l’aide dans toutes ses démarches. Il a même procuration sur ses comptes en banque et le conseille souvent pour ses nombreux investissements. Ces derniers temps, M. Berrebi n’est plus conscient. Il doit être entièrement assisté et c’est naturellement ‘Hayim qui survient à ses besoins et continue à gérer ses comptes, comme son grand-père le faisait lorsqu’il était en pleine possession de ses moyens. Ses oncles ne voient pas cette situation d’un bon œil. Ils voudraient qu’il arrête sans délai les généreux dons aux yéchivot que leur père avait l’habitude de faire ainsi que les aides financières à certains membres de la famille. Ils lui demandent aussi d’arrêter de placer son argent en bourse bien qu’il le faisait de commun accord avec son grand-père. ‘Hayim, qui affirme n’avoir aucun intérêt personnel dans tout cela, propose à ses oncles de demander l’avis du beth dine.

Réponse : ‘Hayim peut continuer à gérer les comptes de son grand-père et pourvoir à ses dépenses comme il le faisait, mais il ne pourra plus investir son argent. Il continuera aussi à donner la tsédaka de la même façon que son grand-père avait l’habitude d’en distribuer.

Développement : à l’orphelin mineur, le retardé mental ou toute personne incapable de gérer ses biens, le beth dine désigne un tuteur (Guitine 52a). Le statut de tuteur est accordé aussi à celui qui avait été désigné par le père des orphelins avant son décès ou à celui qui s’est trouvé en charge des orphelins et a assuré leurs besoins depuis le décès de leur père (Choul’hane Aroukh ‘Hochen Michpat 290 ;24). De même, pour une personne âgée qui ne possède plus toute sa raison, celui qui s’est occupé d’elle auparavant sera tuteur. C’est le cas de ‘Hayim, surtout qu’il a déjà reçu une procuration sur les comptes. Sinon, le beth dine devrait désigner un tuteur. Mais il faut savoir que le tuteur n’a pas pleins pouvoirs. Il est écrit dans la Guémara et le Choul’hane Aroukh (cité ci-dessus) que le tuteur ne devra faire de transactions que dans le but de nourrir ou d’assurer les frais de guérison des orphelins. Le Rambane et le Rachba expliquent que son pouvoir lui est accordé par les ‘Hakhamim qui se soucient de la subsistance des orphelins ou par force de zakhine (celui qui devient émissaire de façon tacite dans l’intérêt évident de son prochain). C’est pour cette raison que le tuteur ne pourra pas faire fructifier les biens car il n’y a ni urgence ni intérêt manifeste. ‘Hayim ne pourra donc pas continuer à faire fructifier l’argent de son grand-père à la bourse. Il devra le placer dans un compte sûr, en laissant assez de liquidités pour pouvoir assurer à son grand-père le train de vie qu’il menait avant sa maladie et, s’il le faut, ajouter tous ses frais médicaux. Quant à la tsédaka, s’il est certain que le grand-père aurait lui-même continué comme avant à aider les nécessiteux de sa famille ou les institutions de Torah, il est clairement mentionné dans la Guémara (Guitine 52a) que le tuteur devra continuer à donner cette tsédaka.

Rav Réouven Cohen

Aryé a vendu son appartement de Jérusalem à Avy, en échelonnant les payements sur 4 mois. Il est entendu dans le contrat que les clefs seront transmises lors du dernier payement fixé au 3 septembre. Les échéances respectées, Avy et Aryé se rencontrent le 3 septembre pour le dernier payement et la remise des clefs. Avy n’a pas amené avec lui de chèque bancaire comme prévu, mais il assure au vendeur que le virement sera fait aujourd’hui, comme tous les autres payements qui ont toujours été faits à temps. Aryé hésite à remettre les clefs avant de recevoir le dernier payement mais Avy insiste car il a des locataires qui doivent occuper l’appartement aujourd’hui. Aryé accepte et reçoit le lendemain un appel d’Avy lui disant que l’argent se trouve déjà dans son compte et que, pour un problème technique, il fera le virement le lendemain ou le surlendemain. En fin de compte, Aryé ne reçoit le virement que le 13 septembre. Quand Avy l’appelle pour le remercier et s’excuser du retard, Aryé lui répond qu’il n’y a pas de soucis mais lui demande de lui verser la location qu’il a perçue pour ces 10 jours de retard. Avy est outré de sa demande puisque 90% de la valeur de l’appartement avaient déjà été payés et que le contrat lui donnait droit à 10 jours de retard. Il ajoute aussi que son propre acheteur (de l’appartement qu’il a vendu pour pouvoir acheter celui d’Aryé) a eu plus de trois semaines de retard sur le deuxième payement et son rav lui a dit qu’il y avait un problème de ribit (prêt à intérêt prohibé par la Torah) d’encaisser les intérêts prévus dans le contrat pour le retard. Aryé rétorque que l’appartement lui appartient tant que le dernier payement ne lui a pas été transmis et bien au contraire, il y aurait un problème de ribit de l’occuper gratuitement.
Réponse : il est clair que d’encaisser des intérêts pour un retard de payement représente une interdiction de ribit même si cela est stipulé dans le contrat. Ce qu’Aryé revendique, ce n’est pas de toucher des intérêts mais plutôt de recevoir le loyer de son propre appartement. La question est donc de savoir si l’appartement lui appartient tant qu’Avy n’a pas versé le dernier payement. La Michna (Kidouchine 26) écrit que les biens immobiliers peuvent être acquis aussi par de l’argent. Mais s’il est de coutume d’écrire un contrat, ce dernier devient indispensable pour l’acquisition puisque l’acheteur n’est pas rassuré tant qu’il n’y a pas de trace de la vente (Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat 190;7). Mais il faut savoir que les contrats signés de nos jours ne comportent pas de termes d’acquisition mais plutôt d’engagement : du côté de l’acheteur, de respecter l’échelonnement des payements, et du côté du vendeur, de mettre le bien à la disposition de l’acheteur une fois qu’il a tout payé. Dans ce cas-là, l’acquisition ne se fera ni par la remise d’argent ni par la signature du contrat, mais plutôt par la remise des clefs conditionnelle du dernier payement. Aryé a donc raison de prétendre que l’appartement lui appartient encore tant qu’il n’a pas reçu le dernier payement, à moins qu’il n’ait été d’accord de lui remettre le bien et de n’être payé que plus tard, ce qui ne semble pas être notre cas. Il n’y a donc aucun problème de ribit qu’Aryé – étant encore propriétaire du bien – encaisse la location. Bien au contraire, laisser Avy profiter du bien serait considéré comme du ribit puisque (comme il l’a lui-même prétendu) la seule raison de ce « cadeau » est le fait que son argent (90% de la valeur de l’appartement) est entre temps détenu par le vendeur. En ce qui concerne l’acheteur de l’appartement d’Avy, il est évident qu’il est interdit, à cause de ribit, de le pénaliser pour son retard. En effet, tout intérêt payé pour de l’argent dû constitue une interdiction de ribit. La seule façon de garder un moyen de persuasion d’après la halakha est d’introduire dans le contrat des pénalités qui ne soient pas facteur du temps. En l’absence d’une telle clause, Avy n’avait pas le droit d’encaisser les intérêts sur le retard de son acheteur. Le dine est différent pour Aryé : il n’encaisse pas d’intérêt sur le retard mais perçoit tout simplement la location du bien qui lui appartient encore. En conclusion : Avy devra transmettre à Aryé l’argent de la location qu’il a perçu sur la période du 3 au 13 septembre. Rav Réouven Cohen

David est allé déjeuner au restaurant de Momo. Il commande en entrée une salade aux lentilles. Au bout de quelques bouchées, il se casse une couronne sur un caillou qui se trouvait dans la salade. David quitte le restaurant furieux et réclame à Momo un dédommagement de 10,000 chequels, 3000 pour la couronne et 7000 pour la peine et le tort qu’il lui a causés. Momo lui répond qu’il est vraiment désolé et qu’apparemment, un caillou s’était glissé dans le paquet de lentilles. Comme dédommagement, il est prêt à lui offrir un bon pour un repas en couple. David ne veut pas en entendre parler. Momo lui dit alors que selon la halakha, il ne lui doit rien puisqu’il ne s’agit que de grama (dégât indirect) pour lequel il n’y a qu’une obligation morale de dédommagement ; de toute façon, ce dommage n’était pas intentionnel. Qui plus est, la compagnie de lentilles est en faute et c’est à elle qu’il doit adresser la réclamation. En fin de compte, ils s’adressent à un Dayane pour connaitre la Halakha.
Réponse: le Choulhane Aroukh Hochen Michpat 306;6 écrit qu’un banquier rémunéré pour vérifier la validité d’une pièce, qui sert au remboursement d’un prêt, sera responsable de ses conseils si la pièce s’avère invalide, c’est-à-dire qu’il devra rembourser en cas de dommage. Il en est ainsi uniquement s’il est clair que le préteur compte entièrement sur cette évaluation en acquittant l’emprunteur de son dû. Dans ce cas-là, bien que causé uniquement par la parole, le dégât est certain. Il s’agit de « dina dégarmi » (dommage indirect mais certain) et le banquier devra payer le dégât causé. Dans notre cas, lorsqu’un restaurateur sert un plat, il dit en fait à son client : « Tu peux compter sur moi et manger tranquillement sans vérifier chaque bouchée ». Le dégât lui sera donc imputé par dina dégarmi et il devra payer le prix de la couronne. Bien que le Beth Din ne force pas le coupable à payer pour des dommages corporels (Choulhane Aroukh Hochen Michpat 1;2), il existe malgré tout une obligation de payer (voir Ktsot Hahochen 39;1). Momo ne peut pas non plus reporter la faute sur le fournisseur des lentilles puisqu’il est mentionné sur la boite qu’il faut vérifier son contenu. De plus, comme le restaurateur est payé, on attend de lui un service de qualité et une attention aux détails (‘hayav biguenéva vaavéda). Quant à la peine causée, il faut savoir que d’après la Torah, celui qui cause un dégât à son prochain doit aussi le dédommager pour sa peine, son chômage, ses frais de guérison et sa honte. Mais ces payements seront imposés uniquement pour un dommage direct et pas pour un dina dégarmi (Ktsot Ha’hochen 333 ;2).
En conclusion: Momo devra payer uniquement 3000 chéquels, le prix de la couronne cassée.
Rav Réouven Cohen