A qui revient le cadeau ?
Question : Les élèves d’une classe décident d’offrir un cadeau à leur professeur et remettent de l’argent à Chimon pour qu’il achète une bouteille de bon vin. Chimon voit que le magasin propose en promotion un cadeau de six verres pour l’achat d’une bouteille de vin. Après avoir acheté la bouteille, Chimon reçoit les verres. A qui appartiennent ces verres ? A Chimon ou à toute la classe ?
Réponse : « Si le prix était fixé et connu, et que [le marchand] a donné davantage à l’envoyé en quantité, en poids ou en mesure, ce supplément appartient aux deux et l’envoyé doit partager ce supplément avec le propriétaire de l’argent [qui l’a envoyé faire cet achat] » (Choul’hane Aroukh ‘Hochène Michpat 183.6). La source de cette loi est la Guemara (Kétoubot 98b) disant au nom de Rabbi Yossei que quand un prix est déterminé, l’envoyé (qui effectue l’achat) et l’envoyeur (qui donne l’argent) partagent le supplément offert. Selon le Rif, ce supplément appartient entièrement à l’envoyé, mais puisque ce profit lui parvient grâce à l’argent de l’envoyeur, nos Sages disent que le supplément doit être partagé entre eux deux. Tel est aussi l’avis de du Roch et de l’auteur du Itour. Toutefois, Rachi explique que le supplément doit être partagé parce qu’il y a un doute de savoir si le marchand voulait faire ce cadeau à l’envoyé ou à l’envoyeur. D’après cette opinion, si le marchand dit explicitement qu’il donne ce cadeau à l’envoyé, il appartient à l’envoyé, contrairement à l’opinion du Rif (comme le dit le Ran).
Le Rama tranche : « Si le marchand dit clairement qu’il donne [ce supplément] à l’envoyé, il appartient entièrement à l’envoyé », en accord avec l’opinion de Rachi. Par contre, le Chakh écrit qu’il faut suivre l’opinion du Rif. Le Taz et le Nétivot aussi ont des objections à l’explication de Rachi. A priori, dans notre cas, il semble que selon les deux opinions, l’envoyé (Chimon) et l’envoyeur (la classe) doivent partager le cadeau (les verres) – d’après Rachi à cause du doute, et d’après le Rif parce qu’il est donné à l’envoyé, qui doit donner la moitié au propriétaire de l’argent.
Cependant, il semble que de nos jours, les offres faites par les magasins ne sont absolument pas destinées au profit de l’envoyé (qui effectue l’achat) mais au profit de l’acheteur (qui possède l’argent). Elles ont pour seul but d’attirer ceux qui détiennent le pouvoir d’achat et sont donc toujours destinées aux propriétaires de l’argent. La Guemara et les Richonim cités plus haut parlent en fait d’un cadeau personnel fait à l’envoyé. Le Ketsot Ha’hochène (parag. 7) écrit : « Mais si le marchand donne [le cadeau] explicitement à l’envoyeur, même selon le Rif, il appartient entièrement à l’envoyeur, et l’envoyé n’a pas droit à une partie du cadeau pour son dérangement. En effet, il est impensable que si un homme envoie un cadeau à un ami par l’intermédiaire d’un envoyé, cet envoyé en prenne une part. »
Par conséquent, dans notre cas où les marchands donnent sans aucun doute le cadeau au client (et non à son envoyé), toutes les opinions sont d’accord qu’il appartient à l’envoyeur et que l’envoyé n’y a pas droit. Aussi, les six verres appartiennent à toute la classe, à moins que le cadeau ait été fait à Chimon en tant que membre du club des clients (et possesseur d’une carte privative), auquel cas il doit donner la moitié du cadeau au reste de la classe.
Rav Reouven Cohen
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