Comme tous les ans, Sammy s’est rendu la veille de Roch Hachana au Mikvé. Au moment de sortir, il s’est rendu compte que sa paire de sandales Crocs avait disparu. Non loin de là se trouvait une autre paire très ressemblante de la même marque, ce qui laissait supposer qu’une personne avait, par erreur, pris la paire de Sammy à la place de la sienne. Après avoir attendu une demi-heure que le propriétaire de ces sandales se rende compte de son erreur et lui rapporte les siennes, Sammy a enfilé cette paire pour rentrer chez lui. Mais c’est pendant la Téphila que des remords lui sont venus, pensant qu’il n’avait peut-être pas agi comme il faut. Il a téléphoné au Beth-Din à la sortie de la fête pour savoir ce qu’il devait faire.

Réponse: Même en admettant que Sammy n’a pas pris cette paire dans le but de se l’approprier mais uniquement de l’emprunter, selon la Hala’ha, on n’a pas le droit d’emprunter un objet sans l’accord explicite de son propriétaire. Aussi le Choul’hane ‘Arouh (359,5) considère celui qui emprunte sans permission comme un voleur.
Malgré cela, dans notre, cas, on pourrait dire que Sammy est dans son droit de prendre la paire laissée sur place, car l’oubli de cette paire juste quand la sienne disparait laisse entendre que sa paire se trouve chez la personne qui les a prises. Il ne fait donc qu’un échange de deux objets à valeur égale.
Toutefois, la Guémara (Baba Batra 46, 1) nous enseigne que même dans ce cas, il est interdit d’utiliser l’objet laissé à sa place. Le Choul’hane ‘Arouh (136,2) mentionne lui aussi cette ‘Hala’ha clairement. Sammy devra donc rentrer chez lui sans sandales.
Le Kessef Hakodchim (136,2), après avoir expliqué cette ‘Hala’ha, écrit qu’il y aura lieu de faire une exception à cette règle dans un cas de souffrance, en comparant plusieurs lois applicables dans des cas de force majeure. Selon cette opinion, Sammy aura le droit d’utiliser la paire de Crocs restante uniquement s’il lui est très difficile de rentrer pieds-nus (en prenant en compte la proximité de sa maison ainsi que d’autres paramètres). Cependant, même dans ce cas, Sammy aura seulement le droit de chausser la paire de Crocs jusqu’à sa maison et pas plus loin, car une fois arrivé chez lui, ce n’est plus considéré comme un cas de souffrance.
Dans le ‘Arou’h Hachoul’hane du Rav Yéhiel Epstein (136, 2), on trouve une autre raison pour tranquilliser Sammy : après avoir rapporté la ‘Hala’ha du Choul’hane ‘Arouh, le ‘Arou’h Hachoul’hane écrit que dans les lieux publics fréquentés par de nombreuses personnes et où on a l’habitude d’enlever ses chaussures à l’entrée, s’il s’avère à la sortie que l’un d’entre eux trouve une paire restante à la place de la sienne, il aura le droit également de la prendre car cela ne dérange pas tellement son propriétaire qu’on les utilise dans de telles circonstances. Mais il précise que s’ils se retrouvent un jour, ils devront se rendre mutuellement leurs chaussures. Le ‘Arou’h Hachoul’hane précise qu’il n’y a aucun problème de Guézel (vol) étant donné que telle est l’habitude dans ces milieux.
Reste à savoir si le Minhag (l’habitude) cité par le ‘Arou’h Hachoul’hane est toujours en vigueur aujourd’hui et s’il est appliqué dans toutes sortes de publics et d’endroits. Si oui, Sammy pourra rentrer chez lui en portant les Crocs de celui qui a pris les siennes, et même continuer à les utiliser jusqu’à qu’il retrouve leur propriétaire.

Rav Itshak Belahsen

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Question: Ilane s’est dernièrement installé dans une tour à Netanya où il n’y pas de possibilité de construire une souca. Son vendeur, qui n’était pas pratiquant, l’avait rassuré en lui montrant le vaste espace commun où les voisins construisaient chaque année leur souca. Mais à l’approche des fêtes, Ilane apprend que cet espace est entièrement occupé par cinq voisins qui ont pris l’habitude depuis quelques années d’y construire leur souca. Ilane demande à chacun de bien vouloir réduire la surface de sa souca afin de lui permettre de construire la sienne, mais les voisins ne sont pas prêts à le faire. Ils prétendent que la jouissance de cet espace pendant plusieurs années leur en octroie une propriété, d’après la halakha, par hazaka.

Réponse : il faut savoir qu’il existe deux genres de hazaka :
A celui qui prétend avoir acheté ou reçu un bien immobilier sans avoir de contrat ou de preuve d’achat, trois ans de jouissance constitueront une hazaka qui le dispensera de procurer toute preuve Choulhan Aroukh Hochen Michpat 140;1.
Pour toute forme d’utilisation qui pourrait déranger ou nuire à un voisin ou à un associé, si ce dernier ne se manifeste pas, on considère qu’il a donné son accord. Citons un exemple : le Choulhan Aroukh Hochen Michpat 153 ;16 écrit : « Si Chimone fixe sa poutre sur le mur de son voisin Réouven et que ce dernier ne se manifeste pas, Chimone a acquis le droit de fixer une poutre sur le mur de Réouven ». C’est ce qu’on appelle hezkat tachmichine. L’absence de réaction de Réouven révèle son accord ; il y a de sa part renonciation à son droit d’empêcher son voisin d’utiliser son mur. Selon le Rambam, cette renonciation prend effet immédiatement et devient irréversible. Le Choulhan Aroukh a retenu l’avis du Rambam dans la pratique ; concernant le Rama (généralement adopté par les achkenazes), les avis sont partagés. Certains considèrent qu’il faudra une prétention d’achat et trois années de jouissance (voir Sma’ 153;32, Nétivot 13 et Gra 99). Ce principe existe aussi pour des utilisations non habituelles de parties communes, sachant que l’absence de réaction d’un associé prendra effet uniquement pour une utilisation apparemment définitive. Ainsi le Rambam (Chekhénim 5 ; 5) écrit que si quelqu’un dépose son moulin ou ses bêtes dans la cour commune, son voisin partageant cette cour pourra à tout moment décider de l’en empêcher ; mais s’il a entouré son moulin ou ses bêtes d’une cloison, son associé devra tout de suite réagir, sinon il y aura hazaka et il ne pourra plus l’en empêcher.
Dans notre cas, les voisins ne prétendent pas avoir partagé la possession des parties communes en occupant l’espace pour sa souca. Ils ne pourront donc pas jouir de la première hazaka. Il reste à savoir si l’accord de tous les voisins de la tour qu’ils occupent l’espace commun durant les années précédentes ne devient pas irréversible en vertu de la deuxième hazaka. Le Choulhane Aroukh cité dessus écrit dans la halakha suivante (17) : « Si la poutre servait à une cabane provisoire, il faudra 30 jours d’existence pour qu’il y ait hazaka ; s’il s’agit d’une souca pour la fête, il y aura hazaka au bout de 7 jours. S’il a cimenté la poutre, il y aura de suite hazaka. Chimone devra prouver que Réouven l’a aidé ou l’a vu et n’a pas réagi ». Le principe qui se dégage est le suivant : dès que le voisin s’aperçoit qu’il s’agit d’une utilisation définitive, il doit tout de suite réagir. Dans notre cas, les cloisons de la souca ne montrent rien de définitif, bien au contraire : tout le monde sait qu’après la fête, les soucot seront démontées. Aussi, les voisins pourront à tout moment s’opposer ou demander un partage équitable en surface ou en temps. Il faudra donc trouver à tout prix une formule de partage qui satisfasse tous les voisins qui désirent construire une souca.
Rappelons que le Choulhane Aroukh (Orah Haim 637 ; 3) interdit a priori de construire sa souca dans le domaine de son prochain sans sa permission et même dans le domaine public. Le Maguène Avraham ajoute qu’il y aurait un problème de prononcer la brakha (« léchev bassouca ») puisque même si l’on suppose que les juifs sont surement d’accord, ce n’est pas le cas des non juifs. Le Biour Halakha est plus permissif du fait que les non juifs ne se sont pas manifestés. Mais dans notre cas où Ilane réclame explicitement une place, ses voisins n’auront pas le droit de prononcer la brakha sur la souca avant de l’avoir satisfait car ils n’ont pas sa permission de construire une soucca dans l’espace commun.
En conclusion : Ilane a le droit de demander à être inclus dans le partage équitable de l’espace commun. S’il n’y a pas de place disponible, il faudra construire une souca à tout de rôle, sans quoi les voisins seront en infraction et ne pourront pas prononcer la brakha sur leur souca.

Rav Reouven Cohen

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