159478924Mr Israëli a eu trois garçons. Il n’a jamais voulu établir un testament détaillé mais il a émis le vœu, devant son aîné, qu’il renonce à son droit d’ainesse sur l’héritage pour partager le legs en trois parts égales. David, l’aîné, a donné son accord. Après le décès de son père, David a hérité d’un tiers du contenu des comptes en banque. Les trois fils ont laissé leur mère jouir des biens immobiliers et de leurs revenus afin de vivre honorablement. Trois ans plus tard, leur mère décède et laisse trois appartements. Cette fois, David demande sa part d’aîné. Il reconnait au beth dine qu’il a promis à son père de renoncer à son droit d’ainesse mais ne l’a fait que pour ne pas contrarier son vieux père. De surcroit, il prétend que l’on ne peut renoncer à un droit futur. Les frères rétorquent qu’ils ont la preuve que leur frère ainé a bien accepté de renoncer ; il a accepté un partage égal des comptes en banque.

Réponse: Le Choul’han Aroukh (277 ; 1) écrit: « L’ainé prend une double part de l’héritage du père » mais il rajoute (278 ; 1): « L’ainé ne peut prendre deux parts que sur les biens de son père et non sur ceux de sa mère, même s’il est l’ainé de père et de mère. Lui et son frère devront partager les biens à parts égales ». Puisque Mme Israëli était propriétaire de la moitié des appartements, ses biens ne sont pas assujettis aux règles du droit d’ainesse. La question reste de savoir si un ainé peut renoncer à son droit du vivant de son père. Le Ketsot Ha’hochen (id. 13) pose la question et conclut que son renoncement est valable. Bien que le Rivach (328) considère qu’avant le don de la Torah, les règles étaient différentes, le Ketsot Ha’hochen affirme que c’est pour cette raison que Yaakov a pu s’approprier le droit d’’aînesse de son frère Essav. Mais le Nétivot (9) réfute ses arguments et considère qu’un ainé ne peut pas renoncer à son droit du vivant de son père.
Et puisqu’il y a controverse, David ne perd pas ses droits, tenu compte du fait qu’il conteste son renoncement en disant qu’il l’a fait seulement pour faire plaisir à son père.
Il faut pourtant savoir qu’un ainé qui partage un bien à parts égales renonce entièrement à son droit d’ainesse comme stipule le Choul’han Aroukh (278 ; 8). En acceptant le partage égal des comptes bancaires après la mort de son père, David aurait a priori perdu son droit. Mais il faut savoir que, selon la grande majorité des décisionnaires contemporains (voir Responsas Guinat Véradim Even Haézer klal 4,19, Yaavets b. 31, ’Hayim Chaal 74, Yabia Omer 8, 8, Pit’hé ‘Hochen chap. 2, 36, Chévet Halévi Tome 4, 215), les comptes en banque sont considérés comme un emprunt et non comme un dépôt. Or le droit d’aînesse ne s’applique pas sur les emprunts (Choul’han Aroukh idem 7).
Conclusion: David recevra une double part sur la moitié des biens immobiliers (l’héritage de son père) et, sur l’autre moitié (le legs de sa mère), un tiers comme ses frères.

Rav Réouven Cohen

 Apres plusieurs mois de recherche, Dov a enfin trouvé l’appartement qui lui convient. Apres quelques jours de négociations, il arrive à baisser le prix et à se mettre d’accord avec le propriétaire sur toutes les clauses importantes du contrat. Ils se souhaitent « mazal tov » et contactent leur avocat pour préparer le contrat. Deux jours plus tard le propriétaire reçoit une proposition à un prix plus élevé et il se demande s’il a le droit de se d’annuler son engagement verbal envers Dov, vu que le contrat n’a pas été signé.
Réponse: un bien immobilier s’achète de quatre façon: l’argent, le contrat, la jouissance qui montre sa propriété ou d’une remise d’objet symbolisant l’accord (kidouchine 26). Dans un endroit ou l’usage est d’écrire un contrat, celui-ci devient indispensable. De nos jours, le seul moyen d’acquérir un appartement sera par signature d’un contrat d’achat. L’engagement entre Dov et le propriétaire n’était que verbale, chacun d’entre eux a donc le droit de se rétracter. Cependant la guemara baba metsia (49a) écrit:  » celui qui s’engage commercialement par parole doit respecter ce qu’il a dit, même s’il n’y a eu aucune forme d’acquisition. Et s’il se rétracte les hakhamim ne seront pas satisfait de ses actes ». Le Roch écrit que cette recommandation ne s’applique pas si le prix en cours a changé. Mais le Rambam (mekhira 7;6) ne fait pas de différence ni le Choulhan Aroukh (Hochen Michpat 204;7). Le Rama idem.11, après avoir rapporté l’avis du Roch, opte aussi pour l’avis du Rambam. Plusieurs décisionnaires ont quand même retenu l’avis du Roch et ont permis de se rétracter si le prix en cours a changé. Reste encore à savoir si une offre plus élevée d’un particulier est aussi considérée comme un changement général du prix sur le marché. Du Hatam Sofer (yore dea 246) il semblerait qu’il n’y ait pas de différence. En effet, il permet au père d’un enfant à circoncire, de se rétracter vis à vis du Mohel qu’il avait choisi, s’il a trouvé un autre plus compétant. En conclusion, bien qu’il soit conseillé au propriétaire de respecter son engagement verbal, s’il le désire il pourra s’appuyer sur le Hatam Sofer surtout que le Chakh 8 remet aussi en question la position du Rama. Mais si le propriétaire est Séfarade il semble qu’il ne pourra pas s’appuyer sur les décisionnaires qui vont à l’encontre de l’avis du Choulhan Aroukh. Mais rappelons enfin ce que rapportent les élèves du rav Ben Tsione Aba Chaoul au nom de leur maitre:  » même pour les séfarades cette règle ne s’applique pas lorsque l’interdiction n’est pas explicite dans le choulhan Haroukh ». Dans notre cas l’interdiction de se rétracter lorsque le cours du marché a changé n’est pas explicite dans le Choulhan Aroukh, mais seulement précisé par le Sma’.
Rav Reouven Cohen

annuler-une-commandeQuestion : David demande à son artisan, Chlomo, de lui faire une bibliothèque sur mesure. Chlomo achète le matériel et commence à travailler sur le projet. Après quelques jours David change d’avis et téléphone à Chlomo pour annuler la commande. Il s’assure auparavant que Chlomo n’a pas encore coupé les planches et qu’il peut s’en servir pour une autre commande. Toutefois Chlomo affirme en s’inspirant  d’un autre conflit avec un client réglé par un dayane qu’indépendamment de la perte de matériel, il y a un début de contrat avec commencement de travail et pour cette raison, David ne peut se rétracter.

Réponse : Il est vrai qu’un engagement avec un ouvrier est irréversible s’il a commencé à travailler. Dans le cas de Chlomo il a donc commencé à œuvrer sur le projet et même s’il n’a pas coupé les planches et il n’a été occasionné aucune perte de matériel, David devrait ne pas pouvoir se rétracter. Mais il faut savoir que parfois une commande chez un artisan peut se formuler de manière à ne pas vraiment engager. Quand par exemple on commanderait un gâteau etc. en promettant de l’acheter une fois fini et non en formulant les choses comme un contrat de travail. Un contrat de travail se dirait par exemple : ‘’fais cela et cela et je te rémunèrerais sur ton labeur’’. Alors qu’une promesse se dirait : ‘’ fais-le et je te l’achèterais’’.  Cette différence est commentée par Nétivote 333, 15 pour expliquer le dine énoncé par Roch (source de la halakha Hochen 333, 8). En effet selon Roch, quand on a dit à un artisan de faire quelque chose et qu’au moment où il le fournit on se rétracte, on doit quand même payer parce que sinon la chose va être jetée, comme dans le cas d’une denrée périssable etc. en vertu de dina dégarmi car on a occasionné une perte. Nétivote demande pourquoi seulement dans le cas d’une denrée périssable ? Ne doit-on pas payer un ouvrier pour la seule raison qu’il a travaillé à notre ordre et demande même si le travail a été effectué dans la rue etc. et que l’on n’en a pas jouit ? Il répond qu’ici la formulation est différente. Il n’y a pas eu de contrat de travail mais une promesse d’achat une fois l’objet fini. Cette promesse n’engage pas si ce n’est parce qu’elle a occasionnée une perte de matériel et d’énergie de travail (voire aussi Hazon Ich Baba Kama 23 ; 35).

De nos jours, même si la formulation n’est pas clairement comme une promesse d’achat, nous devons ainsi l’expliquer car c’est l’habitude de considérer les choses ainsi. La preuve à cela en est que même si la chose est accidentellement  endommagée chez l’artisan, on ne demande jamais à celui qui a commandé de payer pour le travail. Cela aurait dû être le cas, si l’on considérait l’artisan comme un ouvrier.

Le conflit  invoqué par Chlomo était différent. Il s’agissait d’un contrat avec un programmateur pour améliorer la qualité d’un site.  Il a donc travaillé sans fournir un nouveau produit. Dans ce cas, en commençant à travailler (‘hochen michpat 333, 2)  ou s’il y a eu début de paiement (Nétivote Id, 1), il y a obligation envers l’ouvrier  car on ne peut en aucun cas parler de promesse d’achat. C’est pour cette raison que Chlomo a dû payer dans ce cas les services du programmateur même après l’avoir arrêté en milieu de travail (selon un barème inférieur (de poèl batel)  puisqu’il n’a quand pas travaillé autant).

Rav Reouven Cohen