Yossef et Moshé ont pris rendez-vous chez Michael, un agent immobilier réputé, dans le but d`acquérir en commun un bien qui leur rapporterait de bons revenus. Après que Michael leur ait fait visiter plusieurs appartements, qu`ils se soient décidés pour l’une des propositions et que les avocats des deux parties se soient rencontrés, Moshé s`est désisté. Yossef aurait voulu acquérir ce bien mais n`avait pas les moyens de le faire seul. Il a donc annoncé au vendeur que la transaction était annulée. Un mois plus tard, Aviv, le frère de Yossef, rencontre un ami du nom de Benny qui justement lui raconte qu`il aimerait bien investir dans l`immobilier mais que les prix dépassent son capital. Aviv le met en rapport avec son frère Yossef. Après que ce dernier ait fait visiter à Benny l`appartement qu’il avait désiré acheter, ils se mettent d’accord pour investir ensemble et tous deux signent le contrat avec le vendeur.

Yossef appelle de suite Michael (l`agent immobilier) et lui annonce qu`avec l`aide d`Hachem, il a finalement réussi à acquérir la moitié du bien. Il désire donc lui payer sa commission, à savoir 2% du prix qu`il a payé pour sa part dans l`appartement. Michael lui demande ce qu’il en est de la deuxième moitié du bien.  Yossef lui donne alors les coordonnées de Benny. Au téléphone, Benny rétorque à Michael qu`étant donné qu`il ne lui a jamais demandé son service et qu`il a obtenu cette affaire par l’intermédiaire de son associé Yossef, il pense ne rien lui devoir.

Qui a raison ?

Réponse: D`après la halakha, il peut y avoir deux raisons pour lesquelles un agent immobilier a droit à une rémunération pour son service sans qu`il y ait eu signature d’un contrat entre le client et l`agent :

– du fait qu`il y a une entente entre le client et l`agent sur deux points : le client est intéressé par ses services, et en échange de ses services, l`agent a l`intention de réclamer une prestation (même si elle n`a pas été fixée ; dans ce cas, elle s`élèvera au prix le plus bas en cours sur le marché). Ses services pourront alors être considérés comme les actions d`un employé (« poèl« ) au service de ce client, même dans le cas où il n`a fait qu’indiquer l’adresse d`un appartement offert à la vente (bien entendu à condition que la transaction ait été conclue par l` intermédiaire de l`agent).

– du fait que l`agent a procuré au client un bénéfice par son action, qu`il en avait l`intention au moment d`agir et qu`il a intervenu avec l’intention de réclamer une prestation (« yored« ), même si l’acheteur n`a pas été en contact avec l`agent. (Toutefois, cela s’applique seulement dans les cas où on présume que l’acheteur aurait accepté de  payer pour ce bénéfice.)

Dans notre cas, nous constatons qu`aucune des deux raisons n’est présente :

– Evidemment, il n`y a eu aucune entente entre l`agent et Benny.

– L`agent n`avait ni l`intention de procurer un bénéfice à Benny ni de lui réclamer un salaire. En effet, au moment de son intervention, il n`avait pas entendu parler de Benny et ce dernier n’était  pas intéressé d’acheter ce bien.

Conclusion: Michael, l’agent, ne peut donc pas réclamer à Benny un paiement. La solution pour l`agent aurait été d`ajouter au contrat entre lui et le client une clause prévoyant que sa commission s`élevait à 2% de la totalité de la transaction, même si son client n`en a acquis qu`une part.

                                                                         Rav Ellia Yaffé

____________________________________________

  1. Choul’han Aroukh 336 
  2. Ketsot Ha’hochen 331, 3.
  3. Kessef Hakodachim 264.
  4. Biour Hagrah ’Hochen Michpat 87, 117.
  5. Netivot Hamichpat 236, 7.
  6. Maharam de Padoue 40, rapporté par le Rema 335, 1.
  7. Hazon ich hochen michpat baba kama 22, 6


David doit se marier dans deux mois. Il demande à l’imprimeur Sammy, un ami de longue date, de lui préparer ses faire-part en précisant qu’il lui réglerait la commande à la fin du travail. Sammy lui promet de lui faire un bon prix. Deux semaines plus tard, Sammy dépose les faire-part au domicile de David. Bien plus tard, Sammy informe David que le prix total est de 800€. Etonné, David explique à Sammy que le prix d’une impression semblable varie entre 500€ et 700€ ; il est donc d’accord de payer 700€ mais pas davantage. Bien entendu, Sammy ne veut en aucun cas reprendre ses faire-part car il ne pourra rien en faire, tandis que David non plus n’est pas intéressé de les rendre à Sammy car il est pressé de les distribuer à l’approche de son mariage. Ils ont donc décidé de poser la question au Beth Ora’a.
Réponse: Le Choul’han Aroukh (189, 1) nous enseigne que dès qu’un acte d’acquisition est effectué, ni le vendeur ni l’acheteur ne peuvent se rétracter et annuler la vente.
Cependant, le Choul’han Aroukh (200, 7) écrit aussi que tant que l’acheteur et le vendeur ne se sont pas mis d’accord sur le prix, aucun acte d’acquisition n’a de valeur, même si l’objet a déjà été remis à l’acheteur, à moins qu’il ne s’agisse d’un bien dont le prix est fixe et connu par tout le monde.
S’il en est ainsi, David peut dire à Sammy : « Soit tu reprends ta marchandise soit je te l’achète au prix qui m’intéresse ». De même, Sammy peut dire à David : « Soit tu paies les faire-part au prix que j’ai demandé soit tu me les rends ».
Cependant, le Séfer « Guet Mékouchar » (Séder Guet Richon, 17) écrit que si un homme a donné un Guet (acte de divorce) à sa femme avant d’avoir fixé le prix de l’écriture avec le scribe, l’acte de divorce n’est pas annulé. Il le justifie en expliquant que bien que le prix n’ait pas été fixé, en prenant le Guet chez le Sofer (scribe), le mari en est devenu propriétaire. La raison en est que tout ce qui a été dit ci-dessus (tant que le prix n’a pas été fixé, l’objet ne change pas de propriété) est valable uniquement pour un objet ayant une valeur universelle. Par contre, étant donné qu’un Guet n’a de valeur que pour le mari et pas pour le Sofer, il est certain que le Sofer l’a donné au mari en pensant que s’ils ne s’accordent pas sur le prix, il acceptera le prix ordinaire sur le marché. C’est pour cela que le mari devra donner au Sofer le prix du marché, mais le Guet demeure sa propriété depuis que le Sofer le lui a remis.
Nous pouvons apprendre du « Guet Mékouchar » qu’il en est de même chaque fois où l’objet vendu ne peut être utile qu’à l’acheteur et pas au vendeur : même si l’acte d’acquisition a été effectué avant que les parties se soient mises d’accord sur le prix, l’acte reste valable.
Ainsi, puisque l’imprimeur Sammy ne pourra faire aucun usage des faire-part, il est certain qu’il les a remis à David avec l’intention que s’ils n’arrivent pas à s’entendre sur le prix, il recevra uniquement le prix courant d’un tel travail sur le marché, c’est-à-dire entre 500 et 700€.
Conclusion : Etant donné que David affirme qu’il est d’accord de payer 700€, le Beth Ora’a a tranché qu’il s’acquittera de sa dette par cette somme.
Rav Itshak Bellahsen

Les deux voisins Yoni et Yossi ont l’habitude de faire du vélo ensemble. Un jour, Zéèv, le père de Yossi, demande à Yoni de lui prêter son vélo. Celui-ci accepte, mais l’avertit que son vélo coute très cher. Zéèv le rassure qu’il s’engage à réparer tout dommage qu’il pourrait occasionner. Quelques heures plus tard, Zéèv appelle Yoni pour lui annoncer que la chaine et les vitesses sont complètement bloquées. Comme Yoni n’arrive pas à tout arranger, Zéèv apporte le vélo à réparer. Le mécanicien lui explique qu’il faut changer une pièce et que ce blocage peut se produire si l’on passe mal les vitesses ou simplement à cause de l’usure. Zéèv paye les 400 shekels de la réparation et rapporte à Yoni son vélo réparé. Il se demande cependant s’il peut s’adresser au père de Yoni pour lui demander de participer aux frais de réparation.

Réponse : le chomer ‘hiname – gardien bénévole – a un niveau de responsabilité minimal en cas de dégât puisqu’il n’est pas rémunéré. Il doit payer les dégâts uniquement en cas de faute de sa part. Le chomer sakhar – gardien rémunéré – a un niveau de responsabilité moyen tandis que le choel – emprunteur – endosse le niveau maximal de responsabilité puisqu’il profite de l’objet ou de l’animal sans rien payer (Baba Metsia’ 93a). Le choel est responsable et tenu de payer le dégât même en cas de force majeure et s’il n’a commis aucune faute. Le seul cas où il sera dispensé de payer est si la bête qu’il a empruntée est morte ou a été blessée par une utilisation normale, étant donné que c’est pour cela qu’il l’a empruntée (Idem 96b). Par conséquent, si la panne du vélo emprunté a été causée par l’usure [ce qui est parallèle à la bête qui meurt ou est blessée au cours d’une utilisation normale], Zéèv n’aurait pas d’obligation de payer la réparation. Mais dans notre cas, Zéèv est en doute de savoir si la panne a eu lieu à cause de l’usure ou d’une mauvaise manœuvre de sa part. Le Rama (‘Hochen Michpat 340 ; 3) considère le choel tenu de payer s’il n’est pas capable de jurer que la bête qu’il a empruntée est morte dans des circonstances qui le dispensent de payer. Mais le Chakh (7) écrit que le Choul’hane Aroukh dispense le choel en cas de doute.

Pourtant, il y a une raison supplémentaire pour obliger Zéèv à payer : il s’est engagé à payer tout dégât qu’il causerait, ce qui inclut les dégâts engendrés par son utilisation. La guemara (Baba Metsia’ 94a) affirme que le chomer hinam peut s’engager à endosser les responsabilités du choel. Et les Tassofot (Idem 58a) rajoutent que dans certains cas cet engagement doit être accompagné d’un acte d’acquisition. Le Ktsot Ha’hochen (1) se demande si l’engagement du choel à payer les dégâts d’une utilisation normale, suffit s’il est fait oralement ou s’il faut le faire par un acte d’acquisition. Mais le Netivot (2) écrit que la question se pose uniquement pour ajouter des obligations propres au chomer/gardien. En effet, toutes les responsabilités des gardiens découlent de leur statut de chomer. Celui qui n’est pas chomer n’est pas tenu de payer s’il a négligé de garder l’objet d’autrui. C’est pour cela qu’il faut un acte pour qu’il endosse les obligations d’un chomer, car il n’est pas chomer. Toutefois, un dégât que n’importe quelle personne est obligée de payer, par exemple si elle détériore l’objet d’autrui en l’utilisant sans permission, il est évident qu’on n’en dispensera pas le choel qui s’y engage. En acceptant de payer tout dégât, Zéèv accepte en fait qu’en cas de dégât par usure, il sera considéré comme ayant utilisé l’objet sans permission et donc tenu de payer.

En conclusion : Puisque Zéèv a déjà payé la réparation du vélo, il ne pourra pas réclamer cette somme au père de Yoni en vertu de la regle de kim li (celui qui détient l’argent pourra se tenir aux avis qui le dispense de payer – dans notre cas le Rama et le Nétivot -). S’il n’avait pas payé, il aurait pu s’en dispenser en s’appuyant sur les opinions du Choul’han Aroukh et du Ktsot Ha’hochen.

Rav Réouven Cohen

À l’école ‘Hayé Olam, les jeux de ballon sont interdits à la récréation. Le surveillant, qui a du mal à faire respecter cette règle, se permet de temps à autre de confisquer définitivement le ballon d’un élève. Rahamim demande à Zalmane de lui prêter son ballon. Quelques minutes plus tard, le jeu est interrompu et le ballon confisqué. Le surveillant ne veut rien entendre : le ballon ne sera pas rendu à son propriétaire. Rahamim est désolé d’annoncer cette nouvelle à Zalmane. Mais ce dernier lui demande de lui rembourser son ballon en vertu de ce qu’ils ont appris : le choél/emprunteur est tenu de payer dans tous les cas. Mais Rahamim rétorque : « Je te l’ai emprunté pour jouer à la récréation, et tu savais très bien que cela risquait d’arriver ».

Réponse : Le choél endosse la responsabilité la plus élevée et devra payer le dégât même en cas de force majeure. Le seul cas où il sera dispensé de payer, c’est quand « méta mé’hamat mélakha » – la bête est morte ou l’objet est détérioré par le travail accompli, puisque c’est bien dans ce but qu’il a emprunté l’animal ou l’objet (Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat 340 ; 1). La question est de savoir ce qui est défini comme « méta mé’hamat mélakha ». Le Choul’han Aroukh (340 ; 3) dispense aussi de payer le dommage si la bête a été volée par des brigands sur la route, puisque l’accident a eu lieu au cours du trajet prévu et qu’il n’aurait pas eu lieu dans la maison du propriétaire. Le Rama n’est pas d’accord puisque le dégât n’a pas été causé par le travail accompli avec l’animal. Le Chakh 6 se positionne du côté du Rama en s’appuyant sur  l’avis du Ramban (Baba Metsia 96b) qui explique que la dispense de « méta mé’hamat mélakha » découle de la faute du propriétaire, qui a prêté un objet inadapté à l’utilisation qui en a été faite. Or, cette raison est valable uniquement si l’objet a été détérioré par l’utilisation, mais pas s’il a été pris ou endommagé par accident, même prévisible. Le Darkei Moché rapporte le Troumat Hadéchen 328 qui dispense de tout remboursement le guerrier vaincu qui s’est fait prendre les armes qu’il avait empruntées. Bien qu’elles n’aient pas été détériorées par leur utilisation, leur propriétaire connaissait très bien le risque de confiscation. Le Chakh 7 s’appuie sur le Ramban pour rejeter la décision du Troumat Hadéchen qui rejoint l’avis du Choul’han Aroukh. Le Nétivot 6 se rallie à l’opinion du Chakh. Notre cas ressemble à celui du Troumat Hadéchen puisque la confiscation du ballon est un accident à prévoir dans le cadre de son utilisation. Il se trouve donc que d’après le Choul’han Aroukh, Rahamim sera dispensé de rembourser le ballon alors que d’après le Chakh et le Netivot, il devra le payer. Il est vrai que pour les poskim ashkénazes, l’avis du Chakh est retenu même à l’encontre du Choul’han Aroukh (voir ‘Havat Yaïr à ce sujet). Mais Rahamim qui est séfarade pourra évidemment s’en tenir à la décision du Choul’han Aroukh même face à Zalmane, qui est ashkénaze.

Conclusion : Rahamim ne doit rien payer à son ami Zalmane.  

Rav Réouven Cohen

Des chats escaladent facilement le mur extérieur de la propriété des Lévy et se faufilent ensuite dans le jardin des Cohen. Les deux voisins essaie toutes sortes de dispositifs pour chasser ces importuns, mais en vain. N’ayant plus le choix, les Lévy font rehausser leur mur extérieur d’un mètre supplémentaire sans consulter les Cohen. Après un mois de calme, les Lévy demandent aux Cohen de participer à cette dépense non négligeable. Les Cohen ripostent qu’ils ne leur ont pas demandé leur avis et que ce mur n’a rien avoir avec eux puisqu’il a été construit du côté du jardin qui n’est pas mitoyen au leur.

Réponse : Le Ran (rapporté par le Rama ‘Hochen Michpat 264 ; 4) écrit que celui qui reçoit de son prochain un service (généralement rémunéré)  ne pourra pas dire : « Comme je ne t’ai pas demandé de me rendre ce service, tu l’as fait bénévolement ». D’autre part, il existe une règle bien connue : cofim ‘al midat sdome – je ne peux pas demander de payement à celui qui a profité de mes biens sans me causer de perte quelconque.

Qu’en est-il dans le cas que nous avons cité ? Les Lévy ont construit le mur pour leurs propres besoins et les Cohen en profitent aussi. Les Cohen doivent-ils participer aux frais ? Le Rama (idem) traite d’un cas semblable : deux individus ont été emprisonnés et l’un d’entre eux a déboursé de l’argent pour leur libération. La règle qui ressort est que si le prisonnier n’a pas dépensé d’argent supplémentaire pour faire libérer son compagnon d’infortune, ce dernier n’a rien à payer (en vertu de la règle : cofim ‘al midat sdome), à moins que le prisonnier n’ait pensé dès le début se faire rembourser la moitié. Le Netivot (188 ; 3) explique qu’il est possible de devenir associé malgré soi. En effet, si deux personnes se retrouvent dans une situation  qui impose des frais, l’une pourra imposer à l’autre des frais raisonnables selon le profit qu’elle a tiré.

Lorsqu’ils ont fait construire ce mur, les Lévy ont sûrement pensé faire participer les Cohen qui allaient tirer profit de cette structure, mais ils ont tout simplement attendu de voir que cette solution était efficace avant de leur demander d’en partager le coût. Cependant, le beth dine devra malgré tout vérifier si la famille Cohen aurait pu empêcher les chats de pénétrer dans sa propriété de façon moins coûteuse, par exemple en installant une cloison entre les deux jardins, auquel cas elle ne paiera que le coût de cette cloison.

En conclusion : La famille Cohen devra participer aux frais déboursés par les Lévy.

Rav Réouven Cohen

David a vendu son appartement de Jérusalem et doit présenter à son acheteur une attestation que les charges de la copropriété ont été payées. Les copropriétaires lui refusent ce document car le locataire de David a quitté l’appartement sans avoir payé les charges pendant deux ans. Aux frais réguliers (nettoyage, électricité) se sont ajoutées la réparation de la toiture et la peinture de la cage d’escalier effectuées durant ces deux années. Pour obtenir ce document, David convoque les représentants de la copropriété  au bet dine, avec pour revendication qu’ils doivent réclamer cette somme à son locataire qui, lui seul, a profité de leurs services. Les représentants de la copropriété rétorquent qu’en tant que propriétaire, il est responsable de ce paiement et que c’est à lui de réclamer cette somme à son locataire.

Réponse:

Le Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat (161;2) écrit : « La personne qui possède dans la copropriété une maison qu’il n’habite pas doit faire avec [les autres propriétaires] la porte et la serrure (de la cour commune) mais pas les autres choses ». Le Bet Yossef (idem 3) écrit que cela exclut le bet chaar (un muret face à la porte d’entrée de la cour pour éviter les regards des passants). Le Netivot 2 explique que les regards des curieux ne dérangent pas le propriétaire, qui n’habite pas sur place, alors que la porte et la serrure lui sont utiles pour protéger sa maison des voleurs. Il en ressort que toutes les installations ou réparations telles que peinture ou toiture, qui préservent ou valorisent le bien, sont à la charge du propriétaire alors que les frais de nettoyage ou d’électricité doivent être payées par le locataire. Mais le Pricha 3 prétend que la distinction faite par le Choul’han Aroukh ne concerne qu’une maison inhabitée ; si elle est occupée par un locataire, le propriétaire est tenu de tout payer. De là, le Chévet Halévi (9; 301) déduit que tous les frais de copropriété sont à la charge du propriétaire, et que c’est à lui de les réclamer à son locataire.

Bien que l’on puisse interpréter le Pricha autrement (voir Emek Michpat, tome Chkhénim), le bet dine n’obligera pas les représentants de la copropriété à fournir le document réclamé par David. Pour l’obtenir, David devra régler les deux ans de charges impayées par son locataire.

                                                                     Rav Reouven Cohen

Cela fait quelques mois déjà que l’arbre de Rony dérange son voisin Avy. Son jardin perd une partie de son ensoleillement et l’étroitesse du passage force Avy à baisser la tête à certains endroits. Au bout d’un certain temps, il se décide à exiger de Rony qu’il taille les branches qui dépassent de son jardin. Rony est contrarié car il prétend que cela va gâcher la symétrie de l’arbre. Il invoque la halakha de ‘hazaka disant que celui qui a laissé son voisin utiliser son domaine ne pourra plus lui retirer ce droit. Il prétend en outre que ce n’est pas à lui de payer les frais s’il faut tailler son arbre. Les deux voisins se tournent vers le beth dine pour régler ce différend.

Réponse : Il existe effectivement certains cas où le silence de mon voisin face à ma jouissance de son domaine est interprété comme un assentiment. Ceci m’octroie (immédiatement, d’après le Rambam) un droit d’utilisation de son domaine par force de ‘hazaka. Par exemple : l’évacuation des eaux usées de ma véranda ou le dépassement de ma poutre dans le jardin du voisin (voir Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat 153-155). Cette halakha s’applique uniquement si mon utilisation du domaine de mon voisin lui cause un dérangement immédiat qu’il constate sans réagir. Dans notre cas, au moment de sa plantation, l’arbre de Rony ne causait nul dérangement ni dommage direct ou indirect, et ce n’est qu’au cours des années que ses branches ont poussé. On ne pourra donc pas dire que le silence d’Avy est considéré comme un assentiment (Yad Rama Baba Batra 60a) et de ce fait, Rony ne sera pas tenu de débourser les frais de jardinier. Dans ce cas-là, nous retenons l’avis de Rabbi Yossi (Baba Batra 18b) disant que c’est à la victime du dommage de s’éloigner ou de l’assumer. En effet, il y a des règles de voisinage à respecter, telle qu’éloigner la plantation de son arbre à deux mètres de la propriété du voisin dans certains cas (en l’absence de barrière de séparation et s’il faut labourer autour de l’arbre). Une fois ces précautions respectées, c’est au voisin de prendre ses dispositions pour ne pas être endommagé dans le futur. C’est pour cette raison que  le Choul’han Aroukh (155 ; 26 et 28) écrit que chacun peut couper les branches de l’arbre de son voisin qui dépassent dans son domaine. Le Rama (idem. 35) ajoute : « Si le dommage n’a pas été causé au moment de la plantation, ce sera à la victime de s’éloigner ». Comme le Rambam et le Choul’han Aroukh ont intentionnellement modifié la formulation de la Michna en retenant l’avis de Rabbi Yossi, les décisionnaires (‘Helkat Yaakov ‘Hochen Michpat 10) en déduisent que c’est à la victime du dommage de payer les frais de taillage de l’arbre. Le dine est différent si lors de sa plantation, l’arbre obstrue la fenêtre du voisin ou empiète dans son domaine (Chevout Yaakov 1 ; 159).

En conclusion : Avy a le droit de couper les branches de Rony qui pénètrent dans son jardin si elles le dérangent, mais les frais seront à sa charge.

 

Rav Reouven Cohen

Comme tout le monde, Dan garde chez lui une boite de tsédaka. L’institution qui la lui a confiée passe tous les six mois recueillir les pièces. Dan se demande s’il a le droit, pendant cette période, d’emprunter l’argent qui s’y est accumulé.

Réponse: le Choul’han Aroukh Yoré Déa 259;20 écrit : « Si quelqu’un promet une pièce à la tsédaka et la met de côté, tant qu’elle n’est parvenue aux mains du gabay (responsable de charité), il pourra l’emprunter ou la prêter à son prochain et la rembourser ensuite par  une autre pièce. Mais si elle est parvenue aux mains du gabay, il ne pourra pas l’emprunter. » La question est de savoir si les institutions de téedaka acquièrent les pièces dès qu’elles sont déposées dans la boite ou s’il faut attendre que les pièces entrent dans le domaine des institutions pour leur être acquises. L’un des moyens pour acquérir un objet est de l’introduire dans son domaine. Mais que se passe-t-il lorsque le domaine de l’acheteur [par exemple son sac] et le domaine du vendeur [par exemple sa boutique] s’entremêlent ? Le Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat 200;3 écrit que les récipients de l’acheteur ne peuvent pas [être considérés comme son domaine pour] acquérir l’objet acheté s’ils se trouvent dans le domaine du vendeur. Le Choul’han Aroukh a opté pour le Rambam et le Rif qui considèrent que telle est la conclusion de la Guémara Baba Batra 85b. Mais le Sma’ cite l’avis du Roch qui pense que la Guémara est restée dans le doute. Le Chakh rappelle que d’après le Ri Migach, lorsque le vendeur a donné à l’acheteur la permission d’introduire son sac dans son domaine, l’acheteur devient propriétaire de l’objet même dans la cour du vendeur. Bien que le Rama (Aboulafia) ne soit pas d’accord avec cet avis, le Chakh opte pour le Ri Migach qui pense qu’il y a acquisition. Dans notre cas où les boites de tsédaka sont déposées chez nous de notre propre gré, bien que l’argent soit encore dans le domaine du donateur d’après le Choul’han Aroukh, il y a lieu a priori de tenir compte des autres opinions et de s’abstenir d’emprunter cet argent. Mais il faut savoir qu’on pourra faire son don en mettant comme condition de pouvoir l’emprunter. Le Rav Eliyachiv considère cette condition comme tacite si l’on a pris l’habitude d’emprunter de l’argent dans la boite de tsédaka.

En conclusion : il est permis d’emprunter de l’argent de la boite de tsédaka. On conseille malgré tout à celui qui n’a pas l’habitude de le faire d’émettre cette condition au moment de son don.

Rav Réouven Cohen

Vineyard in the Adelaide Hills, South Australia

Suite à une annonce publicitaire, M. Israël achète un terrain dans le centre du pays au prix de 3000 shekels le mètre carré.

Deux ans plus tard, il décide de revendre et contacte l’agence qui lui vendu son terrain. Celle-ci lui propose seulement 3000 shekels, peut-être 3200 shekels, le mètre carré. Déçu, il contacte une autre agence en espérant une offre plus généreuse. A sa déconvenue, il apprend que le prix réel est de 2000 shekels seulement, car le prix payé à la vente était excessif. Après vérification, il constate que les prix varient entre 2000 et 3200 shekels le mètre carré.

  1. Israël hésite : que faire dans cette situation ? Vaut-il mieux vendre au prix maximum qu’il peut obtenir, ou bien faire une réclamation à l’agence qui l’a tout simplement trompé ? Or il est formellement interdit par la Tora de tromper son prochain et de lui vendre un bien à un prix supérieur à celui du marché.

Réponse : La Tora nous enseigne (Vayikra 25, 14, Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat 227, 1) qu’il est interdit au vendeur et à l’acheteur de tromper leur prochain dans une vente (onaa en hébreu).

Dans le cas où le vendeur a reçu un excédent par rapport au prix du marché, si celui-ci est égal à un sixième du prix du marché, la vente reste valable, mais il devra rendre le supplément (C.A. ‘H.M. 227, 2). Par contre, si l’excédent dépasse un sixième, l’acheteur est libre d’annuler la vente (C.A. ‘H.M. 227, 4), celle-ci étant considérée comme une vente effectuée par erreur (méka’h ta’out).

Cependant, le Talmud (Baba Metsia 56, voir C.A. ‘H.M. 227, 29) exclut de cette loi les biens immobiliers sans nous en donner la raison ; c’est un décret. Cependant, les commentateurs ont donné une explication à cette loi : il existe diverses circonstances pour lesquelles les hommes vendent leur terrain moins cher ou paient plus cher qu’un sixième. Aussi, la vente est effective tant que le montant de la duperie ne représente pas plus de la moitié du prix réel. Au-delà de la moitié, le Choul’han Aroukh et le Chakh (‘H.M. 227, 17)  optent pour l’avis du Rif qui considère la vente valide, alors que le Rama rapporte l’opinion de Rabbénou Tam disant que la vente est nulle.

Par conséquent, ne pouvant réclamer son argent au vendeur, M. Israël n’a plus qu’à revendre le terrain. La question est à présent de savoir à quel prix. Le Pit’hei Techouva rapporte au nom du Ramban que d’après toutes les opinions, l’interdit de la Tora de tromper concerne même les biens immobiliers ; la seule différence entre les biens mobiliers et immobiliers, c’est le devoir de rendre le supplément lors d’une vente de biens mobiliers. Comme l`interdit de tromper reste en vigueur, M. Israël ne pourra pas revendre le terrain plus cher que son prix réel, afin de ne pas tromper l’acheteur.

Il y aurait peut-être une possibilité de permettre la vente du terrain au plus offrant, puisque ces terrains sont considérés comme des biens dépourvus de prix fixe étant donné que chacun achète et vend comme il le désire. Il n’y aurait donc pas d’interdit d’après le Beth Yossef (‘Hochen Michpat 209), mais le Ba’h et le Chakh l’interdisent. Le Chévet Halévi (tome 5 chapitre 218) reste dans le doute sur cette question.

Dans notre cas où certaines personnes vendent plus cher et d’autres moins cher, le Aroukh Hachoul’han (‘H. M. 227, 7) permet la vente, car il considère que cette interdiction n’intervient qu’à partir du moment où le vendeur décide, à titre personnel, d’augmenter le prix. Par contre, si d’autres personnes le vendent plus cher, le prix réel sera fixé dans la marge du prix minimum et du prix maximum. Cependant, le Pit’hei ‘Hochen (tome 5, chapitre 10 ; 13, 25) rapporte que le Erekh Chaï l’interdit, mais il le permet dans la vente de biens immobiliers puisqu’ils ont été exclus de cette loi lorsqu’il existe des prix divers, cette situation n’étant pas assimilable à une tromperie.  

Conclusion:

  1. Israël aura le droit de revendre son terrain au prix fort pratiqué habituellement.

Rav Yéhouda Lévy