À l’école ‘Hayé Olam, les jeux de ballon sont interdits à la récréation. Le surveillant, qui a du mal à faire respecter cette règle, se permet de temps à autre de confisquer définitivement le ballon d’un élève. Rahamim demande à Zalmane de lui prêter son ballon. Quelques minutes plus tard, le jeu est interrompu et le ballon confisqué. Le surveillant ne veut rien entendre : le ballon ne sera pas rendu à son propriétaire. Rahamim est désolé d’annoncer cette nouvelle à Zalmane. Mais ce dernier lui demande de lui rembourser son ballon en vertu de ce qu’ils ont appris : le choél/emprunteur est tenu de payer dans tous les cas. Mais Rahamim rétorque : « Je te l’ai emprunté pour jouer à la récréation, et tu savais très bien que cela risquait d’arriver ».

Réponse : Le choél endosse la responsabilité la plus élevée et devra payer le dégât même en cas de force majeure. Le seul cas où il sera dispensé de payer, c’est quand « méta mé’hamat mélakha » – la bête est morte ou l’objet est détérioré par le travail accompli, puisque c’est bien dans ce but qu’il a emprunté l’animal ou l’objet (Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat 340 ; 1). La question est de savoir ce qui est défini comme « méta mé’hamat mélakha ». Le Choul’han Aroukh (340 ; 3) dispense aussi de payer le dommage si la bête a été volée par des brigands sur la route, puisque l’accident a eu lieu au cours du trajet prévu et qu’il n’aurait pas eu lieu dans la maison du propriétaire. Le Rama n’est pas d’accord puisque le dégât n’a pas été causé par le travail accompli avec l’animal. Le Chakh 6 se positionne du côté du Rama en s’appuyant sur  l’avis du Ramban (Baba Metsia 96b) qui explique que la dispense de « méta mé’hamat mélakha » découle de la faute du propriétaire, qui a prêté un objet inadapté à l’utilisation qui en a été faite. Or, cette raison est valable uniquement si l’objet a été détérioré par l’utilisation, mais pas s’il a été pris ou endommagé par accident, même prévisible. Le Darkei Moché rapporte le Troumat Hadéchen 328 qui dispense de tout remboursement le guerrier vaincu qui s’est fait prendre les armes qu’il avait empruntées. Bien qu’elles n’aient pas été détériorées par leur utilisation, leur propriétaire connaissait très bien le risque de confiscation. Le Chakh 7 s’appuie sur le Ramban pour rejeter la décision du Troumat Hadéchen qui rejoint l’avis du Choul’han Aroukh. Le Nétivot 6 se rallie à l’opinion du Chakh. Notre cas ressemble à celui du Troumat Hadéchen puisque la confiscation du ballon est un accident à prévoir dans le cadre de son utilisation. Il se trouve donc que d’après le Choul’han Aroukh, Rahamim sera dispensé de rembourser le ballon alors que d’après le Chakh et le Netivot, il devra le payer. Il est vrai que pour les poskim ashkénazes, l’avis du Chakh est retenu même à l’encontre du Choul’han Aroukh (voir ‘Havat Yaïr à ce sujet). Mais Rahamim qui est séfarade pourra évidemment s’en tenir à la décision du Choul’han Aroukh même face à Zalmane, qui est ashkénaze.

Conclusion : Rahamim ne doit rien payer à son ami Zalmane.  

Rav Réouven Cohen

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