James, qui habite aux États-Unis, se rend en France avec son épouse pour un mariage et emporte avec lui une somme de 9000 dollars. Par ailleurs, trois de ses amis lui demandent de remettre de leur part au hatane la somme de 3000 dollars chacun, soit une somme totale de 9000 dollars. James accepte de leur rendre ce service et partage la  somme totale de 18000 dollars en deux parties: 9000 sur lui et 9000 dans le sac de sa femme, car la loi oblige de déclarer à la douane toute somme supérieure à 10000 dollars par passager. Ils sont interpellés par les douaniers, parmi d’autres passagers, qui désirent vérifier notamment le montant de la somme qu’ils transportent.

Et voilà qu’ils leur confisquent tout la somme, en expliquant que la somme maximum permise est de 10000 dollars par groupe de personnes voyageant ensemble et non par passager, comme James le croyait. Pour pouvoir récupérer son argent, il devra payer une amende à son retour. Choqué, il se renseigne auprès de son entourage et apprend très vite que la loi a effectivement changé. Il monte donc dans l’avion sans argent en poche et se débrouille en France grâce à des prêts accordés par les membres de sa famille.

A son retour, il récupère son argent en payant une amende de 1800 dollars (1/10ème de la somme transportée) exigée par les douaniers. Il contacte ses amis pour leur remettre leur argent et leur raconte ses mésaventures, notamment que l’argent n’a pas pu être remis au hatane. Il leur précise qu’il a réparti le montant de l’amende entre eux tous, ce qui fait 300 dollars par personne ; chacun ne reprendra donc que 2700 dollars.

Toutefois, ses amis protestent et l’accusent d’être le seul responsable de cette perte financière.

James leur répond alors que non seulement il ne payera pas pour eux, mais qu’il ne payera pas non plus sa part de l’amende (il déduira 300 dollars en plus pour chacun), car c’est la somme qu’ils l’ont chargé de transporter qui lui a valu ce problème.

Vu leur désaccord, ils se rendent ensemble au Beth Din.

Réponse: Le Rama (chap. 291, 4) cite au nom du Maarik (chap. 155) le cas suivant: un envoyé devait transporter les livres de son ami, mais ils ont été confisqués par les douaniers. Lorsque l’ami lui a demandé de les reprendre en payant une amende, l’envoyé a refusé en lui rappelant qu’il lui avait affirmé que cela ne se produirait pas dans ce pays et que c’était à cette seule condition qu’il avait accepté cette démarche. Le Rama tranche qu’effectivement, l’envoyé ne doit pas payer l’amende.

On pourrait en déduire que si l’envoyeur ne lui avait pas assuré, à tort, qu’il n’aurait pas d’ennuis, c’est l’envoyé qui aurait dû payer l’amende pour reprendre les livres. Mais il ressort des propos du Maharik, qui est la source de ce psak, que même dans le cas où il ne l’a pas induit en erreur, l’envoyeur devra régler lui-même l’amende pour récupérer ses livres.

D’autre part, le Choulhane Aroukh (188, 6) tranche, dans un cas où l’envoyé a subi un dommage financier à cause de sa mission, que l’envoyeur ne doit pas payer les dommages. Par contre, le Rama (chapitre 176, 48) rapporte une mahloket (divergence d’opinions) dans le cas où il a subi un dommage physique:

Le Sma (188, 11) explique la différence de cas: l’envoyeur est considéré comme ’emprunteur’ du corps de l’envoyé, mais pas de son argent, car il n’a utilisé que son corps pour la mission confiée. C’est la raison pour laquelle, en ce qui concerne le dommage physique, on lui applique le din du ‘shoel’ (’emprunteur’), qui doit payer le dommage, même dans un cas n’étant pas de son ressort (loi de ‘oness’). Par contre, en cas de dommage financier, il n’est ni ‘shoel’, ni ‘mazik’ (causeur de dommage) d’ailleurs, puisque le dommage n’a pas été causé directement par l’envoyeur (loi de « grama« .)

D’après cela, James aurait raison de ne pas payer la part de l’amende de ses envoyeurs, d’après le Rama (291, 4 au nom du Maarik) qui dit que l’envoyeur doit lui-même payer l’amende pour récupérer ses livres.

Les amis de James, quant à eux, ont raison de ne pas vouloir payer sa part à lui de l’amende, car d’après le Choulhan Aroukh (188, 6), on ne leur applique ni le din de ‘shoel’ (car il s’agit d’argent), ni celui de ‘mazik’ (car il s’agit d’un dommage qu’ils ont causé indirectement).

Bien entendu, si l’interdiction de transporter plus de 10000 dollars sans les déclarer était connue de tous, on aurait considéré James comme ‘poshéa’ (coupable de négligence) étant donné qu’il ne leur a pas fait savoir que lui aussi transportait de l’argent et donc qu’eux tous couraient un risque. James devrait donc payer la totalité de l’amende.

Dans le cas où la loi n’est pas connue, même si James ne les a pas prévenus qu’il transportait également une grosse somme, tous devront payer. Le partage de l’amende se fera par pourcentage, chacun selon la somme qu’il a confiée (car il s’agit d’une confiscation d’argent par les douaniers).

En conclusion: James et ses amis devront payer chacun leur part de l’amende, sauf si la loi était connue auquel cas James, qui ne les a pas mis au courant de la somme qu’il transportait, est coupable de négligence.

Rav Aharon Cohen

Qui doit payer l’amende ?