Youval doit rapidement vendre sa maison à Ashdod, qu’il évalue à 5 millions de chequels. Quand Ouri lui propose ses services d’agent immobilier, Youval lui répond : « Je dois obtenir 5 millions de shequels. Tout ce que tu arriveras à toucher de plus sera pour toi ». Au bout d’une semaine, Ouri fait visiter la maison à un client. Celui-ci propose sur place 5 millions à Youval. Ouri demande à Youval d’être ferme sur 5,2 M dans l’espoir de clôturer à 5,1 M, afin de toucher 100,000 shequels de commission. Youval est impatient, appelle le client et conclut directement avec lui à 5 M. Mécontent, Ouri accuse Youval de lui avoir escamoté sa commission et lui demande de payer. Pour sa part, Youval répond : « Je t’avais averti que pour 5 M, je ne te payerai pas et je ne voulais pas manquer ce client ». Ils se rendent au beth dine pour régler ce litige à l’amiable.
Réponse : l’agent immobilier mérite salaire pour deux raisons : s’il a été mandaté, il doit recevoir un salaire au même titre qu’un employé et, s’il n’est pas mandaté, il a droit à un salaire pour le profit généré au vendeur ou à l’acheteur. Il existe une controverse (voir Pit’hei Techouva ‘Hochen Michpat 264 qui rapporte le Peri Tévoua) à savoir s’il doit malgré tout être payé dans le cas où le vendeur dit clairement à l’agent qu’il n’est pas intéressé par ses services. Mais notre cas est différent : Youval a demandé à Ouri de travailler et de prendre son salaire sur l’excédent des 5M. Ouri n’a pas renoncé à son salaire. Il a uniquement accepté de prendre le risque, en évaluant qu’il serait capable de trouver un client qui proposera davantage que 5M et d’obtenir sa commission de cette façon. Mais si Youval ne lui laisse pas la possibilité de toucher son salaire de la façon convenue, Ouri n’est pas d’accord d’y renoncer. On se trouve donc face à un employé auquel on a demandé de travailler sans fixer de salaire (puisque le salaire fixé a été annulé). Dans ce cas, il faudra lui payer le salaire habituel d’un agent immobilier en pourcentage. Mais ceci est juste uniquement si Youval s’est empressé de conclure sans laisser la possibilité à Ouri de monter le prix. Par contre, s’il lui a laissé tout le temps nécessaire et que le client n’a pas accepté de payer davantage, Youval aurait eu raison de clôturer de peur de manquer ce client. En cas de doute, on ne pourra pas obliger Youval à payer en vertu de la règle de « hamotsi méhavéro alav haraya » : celui qui retire de l’argent à l’autre doit fournir la preuve qu’il a raison. Mais si l’agent est persuadé qu’il aurait réussi à faire monter le prix et que le vendeur n’en est pas sûr, ce serait un cas de « eini yodéa im pératikha » (Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat 75 ;9) : l’emprunteur disant ne pas être sûr d’avoir remboursé sera tenu de payer sa dette puisque, jusqu’à preuve du contraire, il était redevable.
En conclusion : si l’agent n’a pas réussi à faire monter le prix malgré tout le temps dont il disposait, Youval ne lui doit rien. Mais si Youval s’est empressé de conclure l’affaire sans laisser à Ouri la possibilité de gérer les pourparlers pour hausser le prix (raison de plus si l’acheteur avait été d’accord d’augmenter son offre), Youval devra payer le pourcentage habituel accordé à un agent immobilier.
Rav Réouven Cohen

Moché a pris une location à Natanya pour Pessah. De Paris, il avait viré une avance à Ilan et il était entendu que l’appartement soit cacher pour Pessah et déjà vérifié, étant donné que Moché devait atterrir en Israël la veille de la fête. Mais quel ne fut pas son étonnement en trouvant à son arrivée à 9h du matin un appartement non nettoyé et présentant même quelques miettes de ‘hamets. Moché appelle de suite Ilan, qui s’excuse d’être très occupé par les préparatifs de Pessah et de n’avoir pas eu le temps de nettoyer l’appartement. Il propose à Moché de déduire 200 chéquels du prix de la location pour le nettoyage et la bedika qu’il doit faire. Moché est déçu et sa femme n’est pas prête à emménager dans un tel appartement la veille de la fête. Après quelques coups de fil, il réussit à trouver un autre appartement encore moins cher qui lui convient. Il avertit Ilan du changement et lui demande de lui rembourser ses arrhes. Pour sa part, Ilan lui demande de payer la totalité de la location puisqu’il ne trouvera plus de locataire à cause de lui et que, de toutes façons, il s’est engagé à louer l’appartement pour toute la durée de la fête.
Réponse : les biens immobiliers s’acquièrent par l’argent (Kidouchine 26). Il en est de même pour la location immobilière : en payant une avance, Moché a acquis la location pour toute la période ce qui l’oblige à payer la totalité de la somme même s’il n’occupe pas les lieux. Telle est la loi sauf s’il y a un défaut ou une condition qui remettrait en question l’accord initial. Le Choul’han Aroukh (Ora’h ‘Haim 437 ; 3) écrit que celui qui loue le 14 Nissan une maison, qui est censée être vérifiée et s’avère non vérifiée, le locataire devra faire la bedika et ce n’est pas considéré comme un vice qui annule la location. La Guemara (Pessa’him 4b) explique que même s’il est coutume de faire payer la bedikat ‘hamets, la location ne sera pas annulée, car chacun est content de faire lui-même la mitsva, même s’il incombe au propriétaire de la faire. Le Maguen Avraham (idem 7) demande pourquoi il faut évoquer cette raison pour la mitsva. Le Choul’hane Aroukh (‘Hochen Michpat 232) n’a-t-il pas établi qu’un vice extérieur oblige réparation mais n’annule pas la transaction ? Le Maguen Avraham répond que même si l’on a fait la condition explicite que la bedika soit effectuée, la location sera maintenue pour la raison de la mitsva. Cet avis a été retenu par Rabbi Akiva Eiguer et le Ma’hané Ephrayim (onaa 6), mais plusieurs poskim l’ont remis en question (Pri ‘Hadach, Mékor ‘Haïm 7). En effet, il est difficile de dire qu’une condition explicite ne suspend pas la location. Mais il semble que dans notre cas, la location est annulée selon tous les avis. En effet, lorsqu’il est entendu que la maison louée soit cacher pour Pessah, il ne s’agit pas uniquement de la mitsva de bedika qui ne dure pas très longtemps, mais du nettoyage à fond de tout l’appartement. De nos jours, ce travail est perçu comme un grand tracas, ce qui fait d’ailleurs le bonheur des organisateurs d’hôtels qui permettent aux ménagères d’éviter cette charge qu’elles considèrent comme lourde. Bien que la halakha déconseille de se dispenser de la bedika, nous savons très bien pourquoi tant de familles quittent leur maison pour la fête de Pessah. De nos jours, il n’y a donc plus pour cette mitsva le principe de la Guemara qu’une personne est contente de faire une mitsva par elle-même. Le Rambam (Mékhira 15 ; 5) écrit que chaque milieu établit ce qui est considéré comme un vice susceptible d’annuler une transaction. C’est ce que déclare l’un des grands décisionnaires contemporains, Rav Naftali Nussbaum chlita. Dans notre cas, puisque personne ne serait d’accord de nettoyer et de faire la bedika d’un appartement loué, Ilan doit effectuer le nettoyage et la bedika à ses frais, sans quoi la location sera annulée.
Conclusion : si Ilan ne propose pas à Moché de nettoyer immédiatement l’appartement, Moché peut quitter cette maison et Ilan devra lui rembourser les arrhes qu’il a avancées.
Rav Réouven Cohen

David cherche un appartement sur Natanya. Il s’adresse à son ami Dédé qui est agent immobilier. Dédé lui fait visiter plusieurs appartements, mais pour l’instant aucun ne lui plait. David rencontre un jour Yossi qui cherche lui aussi un appartement, et lui décrit l’un des appartements qu’il a visité avec Dédé. Yossi se met directement en contact avec le propriétaire et achète l’appartement. Aujourd’hui, il se demande s’il doit payer une commission à Dédé puisque l’information provient de lui.
Réponse : Il faut savoir qu’il est strictement interdit de révéler une information professionnelle, même si l’on n’a pas été averti de ne pas la diffuser (Guémara Yoma 4b, voir à ce sujet ‘Hafets ‘Hayim 2 ;27). David a donc mal agi en informant Yossi de cet appartement à vendre car il aurait dû le diriger vers Dédé. Reste à savoir si Yossi ou David doivent quelque chose à Dédé. Il faut savoir qu’un agent immobilier mérite salaire pour deux raisons : s’il a été contacté et mandaté, il doit recevoir un salaire au même titre qu’un employé et sinon, il a droit à un salaire pour le profit qu’il a causé au vendeur ou à l’acheteur (Gaone de Vilna, ‘Hochen Michpat 185). C’est le principe de yoréd, mais faut-il encore qu’il ait travaillé pour lui. David a demandé à Dédé ses services sans finalement en profiter, tandis que Yossi en a profité sans que Dédé n’ait travaillé pour lui. Dédé ne mérite donc aucun salaire. Mais tout cela est juste seulement si David a visité l’appartement au départ pour lui-même. Par contre, s’il l’a fait depuis le début par malice pour éviter à Yossi les frais d’agence, Yossi devra bien sûr payer Dédé. En effet, sans le savoir, Dédé a travaillé depuis le départ pour Yossi. Il en sera de même si David a transmis l’information concernant cet appartement pour faire profiter Dédé de la commission. En fait, il a effectué en faveur de Dédé un travail d’agent et devient son envoyé sans même l’avoir averti. C’est le principe de zakhine. Dans ce cas-là, Yossi payera les frais d’agence à Dédé.
Conclusion : David n’avait pas le droit de transmettre à Yossi les informations sur cet appartement à vendre. Mais ni lui ni Yossi ne doivent payer à Dédé de frais d’agence.
Rav Réouven Cohen

Pour la hazkara de son père, Daniel a commandé au traiteur Jacquy un buffet salé pour 180 personnes. Il était entendu que le traiteur livre et dresse le buffet dans la salle de la synagogue. Malheureusement ce jour-là, le mardi 3 juillet, la manifestation des Ethiopiens a bloqué les routes pendant plus de trois heures. Daniel a dû se suffire de quelques gâteaux et boissons achetés au supermarché. Jacquy est vraiment désolé de cet incident indépendant de sa volonté, mais il demande malgré tout à Daniel de lui payer quelque chose puisqu’il a travaillé pour préparer son buffet. De son côté, Daniel n’en veut pas à Jacquy, mais il est hors de question pour lui de payer une commande qu’il n’a pas reçue.
Réponse : il existe une controverse au sujet des commande. Est-ce considéré comme uniquement une promesse d’achat ou comme un contrat d’emploi de l’artisan ? D’après le Mahara Sassone (rapporté par le Ktsot Ha’hochen 339 ; 1), puisque l’artisan utilise ses propres denrées, il ne travaille pas pour le client et il n’a eu qu’une promesse d’achat. Il ne doit être dédommagé que si le client lui a causé un tort (Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat 333 ; 8) en refusant de lui acheter l’objet fini. Il est donc évident que s’il ne présente pas l’objet au client, ce dernier ne sera pas coupable de ne pas l’acheter. Mais d’après le Netivot (333 ; 15) et le Hazone Ich, ceci est valable uniquement si la commande a été formulée de cette façon : « Fais-le et je te l’achèterai ». Par contre, si l’on dit à l’artisan : « Fais cet objet pour moi », il devient employé et aura droit de toutes les façons à son salaire, sans qu’on ait à vérifier le tort que le client lui cause en se rétractant. Reste à savoir si le client doit payer son employé lorsqu’une force majeure l’empêche d’en profiter. La Guémara (Baba Metsia 77a) établit qu’en cas de force majeure (onèss) qui rend le travail impossible ou inutile, l’employé sortira perdant. Mais ceci est valable uniquement pour licencier l’employé, mais pas pour le travail déjà effectué qu’il faut de toutes les façons payer, sauf si le onèss est dû à l’employé, comme par exemple si ses outils de travail se sont cassés accidentellement (Nétivot 335 ; 3). Le client devra alors payer seulement s’il tire un profit du travail effectué. Dans notre cas, le traiteur doit préparer les aliments mais aussi les livrer. Une route bloquée, force majeure imprévisible, est-elle considérée comme un onèss de l’employé ? Le Rama (335, selon l’interprétation du Nétivot ) considère la route comme un outil de travail du livreur. L’onnès étant dans son domaine, l’employé ne sera pas payé même pour un travail déjà effectué, si l’employeur n’en tire aucun profit.
Conclusion : d’après tous les avis, Daniel ne sera pas tenu de payer la commande qu’il n’a pas reçue.
Rav Réouven Cohen

Itshak demande à Deborah de taper un texte de quelques pages. Elle est payée au nombre de caractères. Il s’avère qu’elle avait déjà effectué une partie de ce travail pour un autre client. Elle se demande si elle peut être payée pour cette partie du travail qui ne consiste qu’à copier le texte qu’elle a déjà tapé.
Réponse : La Guémara Guitine 74b écrit que si le propriétaire d’un champ propose à son arisse (métayer), d’arroser son champ 4 fois par an au lieu des 3 arrosages habituels, et de recevoir un tiers de la récolte au lieu d’un quart et qu’au jour du dernier arrosage il pleut, l’arisse recevra quand même un tiers bien qu’il ait moins travaillé. Rachi explique qu’il a eu son avantage grâce à son mazal. Le Rif (ramené dans le Beit Yossef Hochen Michpat 334) fait une différence entre l’arisse et le poèl (employé). En effet l’arisse qui est payé au pourcentage ressemble à l’associé alors que l’employé qui est payé à l’heure ou à la journée sera rémunéré uniquement sur son travail. Mais il faut savoir qu’il y a un statu intermédiaire : le kablane qui est payé à la tâche. Peu importe l’effort déployé ou le temps passé il sera payé selon le résultat. Le Raavad pense qu’il a le statut du arisse alors que le Rambane le compare à l’employé puisqu’en fin de compte il est payé pour son travail. Le Beit Yossef semble aussi partager cet avis et dispenser l’employeur de payer le kablane au cas où il n’a pas fourni de travail. Dans notre cas Déborah n’est pas employée (poèl), puisqu’elle n’est pas payée à l’heure mais à la tâche (kablan). Son statut devrait dépendre de cette controverse et l’on devrait dispenser Itshak de la payer en suivant l’opinion du beit Yossef. Mais il semble qu’elle mérite quand même salaire. En effet il faut différencier entre le cas où l’employeur n’a plus besoin du travail puisqu’il a plu et le cas où il détient un travail déjà effectué, dont il peut s’en servir pour un autre client. Le dine sera diffèrent si Deborah avait trouvé ce document Word dans les dossiers de son employeur.
Conclusion: Deborah est en droit de demander son salaire selon le nombre de caractères du fichier qu’elle remet à Itshak.
Rav Réouven Cohen

David a garé sa voiture dans une impasse déclive mais a oublié de tirer le frein à main. Lorsqu’il retourne à sa voiture, il s’aperçoit qu’elle a roulé en arrière et a heurté la voiture de Lior. Celui-ci lui demande payer le dommage causé à son véhicule. Désolé de l’accident, David ne pense pourtant pas devoir payer, car il a arrêté la voiture à un endroit légèrement surélevé de la chaussée qui retenait la voiture. En tous cas, au moment où il a quitté sa voiture, celle-ci semblait être stable. Il est vrai qu’une légère secousse causée par un passant aurait suffi pour la faire dévaler la pente, mais ce serait à ce passant de payer, en vertu de la règle que chacun est responsable de ses actes même s’ils ont causé accidentellement un dégât. Quant au délit de David d’avoir laissé sa voiture sans tirer le frein à main, celui-ci prétend qu’il s’agit de grama, un dommage indirect que le beth dine n’oblige pas à rembourser. David et Lior se donnent rendez-vous au beth dine pour régler ce différend.
Réponse : la Guémara (Baba Kama 6a) écrit que si une personne dépose une pierre ou un couteau sur son toit et qu’un vent ordinaire les emporte, ce sera comparé à un feu qu’elle aurait allumé et qui, poussé par le vent, cause un dommage ; dans ce cas, elle doit payer le dommage. Mais les Tossafot ajoutent que si quelqu’un a déposé une pierre dans le domaine public, et qu’un passant la projette d’un coup de pied et cause un dommage, ce sera le passant qui devra payer ; ce n’est pas considéré comme un « vent ordinaire ». Le Choul’hane Aroukh (‘Hochène Michpat 411) retient cet avis. Le Sma’ (6) explique que bien que les passants ne soient pas censés observer la rue pour éviter d’éventuels obstacles quand ils marchent, cette règle est valable uniquement pour les dispenser de payer des dégâts causés à ces obstacles par une marche ordinaire. Néanmoins, personne n’est censé donner un coup de pied volontaire (généralement agressif) à une pierre au point de causer un dommage. Nous déduisons des propos du Sma’ qu’un léger coup (machinal) sur l’obstacle de la part du passant ne le rend pas responsable et ne décharge en rien celui qui a déposé l’obstacle. Ce dernier sera donc passible du dégât causé par la pierre qu’il a déposée dans la rue au même titre que celui qui allume un feu. Dans notre cas, l’affirmation de David qu’un passant aurait probablement poussé la voiture sur son passage (et aurait dû payer le dommage) ne décharge pas David de sa responsabilité. Il est en faute de ne pas avoir tiré le frein à main et garde son statut de mav’ir (personne ayant allumé un feu) du fait qu’il a déposé dans le domaine public un obstacle facilement déplaçable par des passants.
Conclusion : David doit payer à Lior la réparation de sa carrosserie.
Rav Réouven Cohen

Eliézer a mis en vente sa maison d’Herzlia à 5 millions de shekels. Daniel lui propose 4,5 millions et Eliézer ne donne pas de réponse définitive. Quelques semaines plus tard, quand Daniel le relance, Eliézer lui répond qu’il aurait été prêt à accepter son offre si ce n’est qu’un client potentiel s’intéresse à sa maison à un meilleur prix. Eliézer lui promet de le rappeler quelques jours plus tard pour le tenir au courant. Daniel réussit à joindre Benny, le client potentiel, et lui explique qu’il a déjà fait une offre qu’Eliézer semble être prêt à accepter. Il lui demande donc de ne pas s’immiscer dans cette affaire, mais Benny lui fait comprendre qu’il n’a aucune intention de se retirer. Voyant qu’il n’a pas le choix, Daniel propose à Benny 80,000 shekels s’il renonce à l’affaire. Benny accepte et Daniel lui promet de lui verser la somme le lendemain de la signature du contrat. Eliézer, voyant que Benny s’est retiré, signe la vente de sa maison avec Daniel. Le lendemain, Benny réclame son argent mais Daniel lui dit qu’il n’a aucune raison de payer cette somme car ce n’était pas honnête de la part de Benny de s’immiscer dans une affaire qu’il était en train de conclure et, de toutes les façons, il n’a signé aucun accord avec lui. Ils se retrouvent au beth dine où Benny fait écouter aux Dayanim l’enregistrement de sa conversation avec Daniel . Il prétend que Daniel l’a engagé pour appeler Eliézer et lui dire qu’il n’était plus intéressé par l’achat de sa maison. Ce travail, selon lui, mérite salaire.
Réponse : il est vrai que l’engagement envers un employé, pour un travail quelconque, s’établit déjà sur simple parole et ne nécessite pas de signature de contrat (Rivach 476 rapporté par le Beth Yossef ‘Hochen Michpat 331). Mais dans notre cas, l’engagement ne consiste pas à faire un travail, mais à ne pas le faire. Le Pit’hei Techouva (186 ; 4) rapporte une preuve de la Guémara (Kétoubot 91b) qu’un engagement semblable n’est pas valable. De plus, il faut savoir qu’il est interdit de s’immiscer dans une affaire qui est en train d’être conclue (Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat 237 ; 1). Bien que les parties ne se soient pas encore entendues sur le prix, le Pricha écrit que si l’affaire va de toute évidence être conclue si on les laisse se mettre d’accord, on n’aura pas le droit d’intervenir. Daniel a donc dit à Benny de faire son devoir lorsqu’il lui a demandé de se retirer de l’affaire. C’est comme si quelqu’un disait à son prochain : « Construis-toi une souccah et je te payerai pour ton travail ». Il n’est pas tenu de payer, car cette personne a de toute façon le devoir de se faire une soucca. C’est pour cela que le Rama (91 ; 1) écrit que si un homme demande à son gendre d’étudier avec son fils en lui promettant un salaire pour cette étude avec son petit-fils, cet engagement verbal de payer ne sera pas valable puisque chacun a de toute façon le devoir d’étudier avec son fils. Il faudrait un acte (kiniyane) pour valider sa promesse de salaire. Mais dans notre cas, même un kiniyane ne suffirait pas pour justifier le paiement puisque Daniel n’avait pas d’autre moyen de faire valoir son droit et que la somme qu’il a promise était disproportionnelle au « travail » demandé, c’est-à-dire sa non-intervention (voir à ce sujet le Nétivot 264 ; 8 et 91 ; 2).
Conclusion : Daniel ne sera pas tenu de payer les 80,000 shekels à Benny.
Rav Réouven Cohen

Meyer habite à Jérusalem et fréquente régulièrement la synagogue de la rue parallèle juste derrière son immeuble. Pour y accéder, il lui faut contourner plusieurs bâtiments. Samuel, son ami habitant le bâtiment voisin, lui propose de passer par son immeuble qui a une deuxième sortie sur la rue de la synagogue. Au bout de deux semaines, un voisin de Samuel interpelle Meyer et lui demande d’arrêter de traverser leur bâtiment, car tous les voisins s’y opposent. Meyer rétorque qu’il a la permission de son ami Samuel et que son passage ne dérange vraiment pas puisqu’il n’utilise pas l’ascenseur. Meyer lui rappelle la notion bien connue de « kofim al midat sdome », qu’il ne faut pas priver son prochain de ses biens si ce profit n’occasionne ni dérangement ni perte.
Réponse : il existe une controverse entre Rabénou Tam et le Rambane (rapportée par le Rane, Nédarim 32b) au sujet du passage à travers le domaine d’autrui. Pour Rabénou Tam, cette utilisation est considérable et nécessite une permission alors que d’après le Rambane, un simple passage par la cour de son prochain n’est pas gênant et peut se faire sans permission. Le Choul’hane Aroukh (Yoré Déa 251 ; 1) retient l’avis de Rabénou Tam. On aura donc pas le droit, a priori, de passer par un immeuble sans le consentement de la copropriété. Mais il faut savoir que certains décisionnaires contemporains différencient nos immeubles d’aujourd’hui des cours d’autrefois où les habitants pratiquaient divers usages privés, ce qui rendait le passage d’étrangers plus gênant. Il est fort possible que, même selon Rabénou Tam, il serait permis aujourd’hui de traverser un immeuble sans permission (sans utiliser l’ascenseur, évidemment). Nos propos concernent le cas où les propriétaires n’ont pas fait connaître leur opposition. Par contre, si la copropriété s’y oppose, il faudra respecter sa volonté bien qu’aucune gêne ne soit occasionnée. Il n’y a de midat sdom que chez celui qui demande rémunération pour une utilisation qui ne lui coute rien ; pourtant, au préalable, il peut l’interdire (voir Choul’hane Aroukh ‘Hochène Michpat 363 et Pit’hé Techouva 3). Quant à la permission que Samuel a accordée à Meyer, le Choul’hane Aroukh (‘Hochène Michpat 154) écrit que le copropriétaire ne doit pas accroître le va-et-vient dans la cour commune en l’utilisant pour donner accès à une unité d’habitation supplémentaire. Il en est de même dans notre cas. Chaque membre de la copropriété peut certes inviter chez lui autant de personnes qu’il le souhaite car c’est dans cet esprit que s’est établie la copropriété. Cela fait partie des utilisations normales des surfaces communes. Mais il n’y a aucune raison d’y inclure l’utilisation de ces surfaces par des amis pour leurs besoins personnels.
Conclusion : tant que le passage n’a pas été interdit par les voisins, Meyer peut se permettre de traverser l’immeuble de Samuel si cela lui facilite les choses. Mais si les habitants de l’immeuble manifestent leur opposition, même la permission de Samuel n’autorise pas Meyer à y passer.
Rav Réouven Cohen

Alain et Avy sont de bons amis ; ils fréquentent la même communauté et prient ensemble le Chabat. Avy a besoin d’une somme d’argent importante le temps que la banque lui débloque des fonds. Alain accepte de lui prêter cette somme pour deux mois. Le Chabbat, Avy lui achète la montée à la Torah des Dix Commandements à 500 euros. Alain est gêné de monter à la Torah gratuitement. Aussi, lors de sa aliya, il offre la somme de 200 euros à la synagogue. A la fin de la prière, Alain remercie Avy pour son généreux cadeau, mais lui fait remarquer qu’il y a probablement un problème de ribit, de prêt à intérêt. Pour sa part, Avy affirme que ce n’est pas la première fois qu’il lui offre une aliya. Alain demande à son Rav s’il doit malgré tout rembourser quelque chose à Avy.
Réponse : le prêt à intérêt entre deux juifs est gravement interdit par la Torah. A tel point que nos sages ont élargi cette interdiction à toute forme de profit, et ont même interdit à l’emprunteur de saluer le prêteur, s’il ne le faisait pas auparavant (Choul’hane Aroukh Yoré Déa’ 160 ; 11). Mais il lui est permis de profiter de ce que le prêteur lui accordait avant le prêt, sauf en public, par exemple occuper sa maison (idem 7). Même si le prêt se fait discrètement, les gens risquent de l’apprendre et de penser qu’il le fait par reconnaissance pour le prêt accordé. L’interdit vise aussi bien le prêteur que l’emprunteur. Dans notre cas, Avy a eu tort de faire un cadeau en public à Alain. Mais il faut savoir que, puisque l’intérêt, en l’occurrence l’aliya à la Torah, n’a pas été fixé au moment du prêt, l’interdit n’est que d’ordre rabbinique et l’on ne pourra pas obliger le prêteur à rendre cet intérêt. Mais pour être intègre vis-à-vis de D. (latsét yédei chamayim), il devra restituer la somme ou le profit qu’il a perçu (idem 161 ;1-2). Alain a donc raison de se demander s’il a quelque chose à rembourser. Il reste à présent à déterminer la valeur, pour Alain, de cette aliya. Prenons un cas semblable : le Choul’hane Aroukh (166 ; 1) écrit que même un prêteur qui habiterait n’importe où pour ne pas dépenser d’argent n’aura pas le droit d’habiter gratuitement chez l’emprunteur, serait-ce dans un appartement inutilisé, car c’est un profit interdit (ribit). Mais s’il s’y est installé sans permission, il ne sera pas tenu de payer le prix du loyer, car ce profit n’a pas pour lui une valeur d’argent. Généralement, l’obligation de payer a posteriori pour un tel profit, c’est-à-dire pour ce logement, dépend de si l’appartement est voué à la location et si celui qui s’y installe est prêt à payer pour y habiter. Dans notre cas aussi, pour établir le profit interdit (ribit) qu’Alain doit rembourser, il faudra vérifier combien il a l’habitude de débourser pour monter à la Torah. Alain n’offre jamais plus de 200 euros pour acheter une aliya. Aussi, il sera dispensé de tout remboursement : ayant déjà déboursé cette somme en montant à la Torah, il a payé ce que vaut cette aliya pour lui.
Conclusion : Avy a eu tort d’offrir publiquement à Alain un cadeau, même s’il avait l’habitude de le faire avant le prêt. L’intérêt n’ayant pas été fixé, cela n’oblige pas Alain à rembourser. Alain n’a rien à rendre à Avy, même latsét yédei chamayim, puisqu’il a payé la valeur qu’il accorde à cette aliya.
Rav Réouven Cohen

David s’intéresse à la location d’un magasin. Après s’être entendu sur toutes les clauses, il propose au propriétaire la somme mensuelle de 14,000 shekels alors que ce dernier en demandait 16,000. David estime qu’en fin de compte, ils se mettront d’accord sur 15,000 shekels. Ce magasin étant très bien placé, il constitue une très bonne affaire qu’il tient à ne pas manquer. Eli, qui a eu vent des tractations, s’empresse de lancer une offre de 15,000 shekels que le propriétaire accepte. David demande à Eli de retirer son offre car la halakha ne permet pas d’arracher au dernier moment une affaire qui allait se conclure. Eli rétorque qu’il ne veut pas se retirer car l’affaire était encore en tractations et qu’à 14,000 shekels, il était peu probable que le propriétaire accepte. Par ailleurs, comme ce prix (même 15,000) est très bas, son prix réel étant autour de 18,000 shekels, il s’agit là d’une véritable affaire et, dans ce cas, cette halakha ne s’applique pas.

Réponse : David aurait sûrement conclu l’affaire en offrant 15,000 shekels. Eli n’avait pas le droit de s’immiscer et devra s’abstenir de signer ce contrat. S’il signe ce contrat, il sera appelé racha. Si Eli est achkenaze, il y a lieu d’être moins strict.

Développement : Le Talmud (Kidouchine 59) énonce : « Si un pauvre tourne autour d’un gâteau et que quelqu’un d’autre vient et le prend, ce dernier est appelé racha (méchant) ». Ce concept est appelé : « ani hamehapekh be’harara ». Rachi explique qu’il s’agit d’un gâteau trouvé (metsia) alors que Rabénou Tam affirme qu’il s’agit d’une vente (mekhira). La raison de cette censure sévère est que le deuxième peut très bien se procurer le même objet ailleurs et n’est pas obligé de s’immiscer dans l’affaire. En l’achetant bien que le premier s’y intéresse, il devient racha. Cette raison ne s’applique pas à un objet abandonné que l’on ne peut espérer trouver facilement ailleurs. Le Choul’han Aroukh (237,1) rapporte les deux avis et le Rama cite celui de Rabénou Tam. Le Nétivot (ibid.) démontre que l’avis principal du Choul’han Aroukh est semblable à celui du Rama disant qu’il s’agit d’une vente. Ce n’est pas l’avis du Aroukh Hachoul’han. Selon lui, l’avis du Choul’han Aroukh est conforme à celui de Rachi qui applique cette halakha non seulement à une vente, mais aussi à une trouvaille.

Dans notre cas, il s’agit d’une transaction payante, donc d’une vente, mais à un prix très intéressant. Le Rama (ibid.) écrit qu’une vente à bas prix est comparable à une trouvaille. Mais le Chakh (3) rapporte au nom du Ramban que toutes les transactions, même les plus intéressantes, ne seront jamais considérées comme des trouvailles mais comme des ventes. Il faut ajouter que, selon le Kessef Hakodachim, pour qu’une vente soit considérée comme une bonne affaire, le prix devra être inférieur à 16 % du prix en cours. Le Knesset Haguedola (3) rapporte le Maharik qui va plus loin en demandant que l’objet soit vendu à 50% de rabais pour avoir ce statut de trouvaille. D’autre part, le Choul’han Aroukh dit qu’il n’est interdit de s’immiscer dans une affaire que si la vente va être conclue et que le vendeur et l’acheteur en ont fixé le prix. Le Pricha (rapporté par Pit’hé Téchouva ; c’est ainsi que tranchent le Igrot Moché 1,60 et le Michpat Chalom) ajoute que si l’affaire va de toute évidence se faire si on laisse les deux parties s’arranger, on n’aura pas le droit d’intervenir. Dans notre cas, David aurait sûrement conclu l’affaire en offrant 15,000 shekels.

Si Eli est séfarade, il devra se retirer, surtout que le prix n’est pas 50% plus bas, comme l’exige le Maharik. Bien que l’on n’oblige pas l’acheteur à rendre l’objet s’il est déjà acquis (voir Pit’hé Téchouva 2), puisque le magasin n’est pas encore loué, il incombe au beth dine de demander à Eli de ne pas signer le contrat afin de ne pas être appelé racha (Maharachdam ‘Hochen Michpat 259).

Rav Réouven Cohen

Séfarade : Le Choul’han Aroukh n’a pas donné de dispense pour une vente à bas prix, si bien qu’il y a lieu de penser qu’il opte pour l’avis du Ramban. De plus, le Chakh aussi remet en question l’avis du Rama en citant ce Ramban. Même si l’on veut être indulgent en s’appuyant sur le Rama, il faudra exiger un rabais de 50% tel que le retient le Knesset Haguedola, qui occupe une place importante chez les décisionnaires séfarades.