Myriam, chef-pâtissière, organise des cycles de douze cours de pâtisserie en mettant comme condition la présence d’au moins huit participantes (afin que ce soit rentable pour elle). Après avoir été informées de cette condition, huit jeunes filles forment un groupe. Au bout de deux rencontres, deux participantes annoncent qu’elles ne peuvent plus assister aux cours à cause d’un empêchement de force majeure et veulent cesser de payer. Myriam ne veut pas prendre leur demande en compte car, d’une part, elle les avait prévenues d’avance qu’il lui fallait au moins huit élèves et d’autre part, parce qu’elle est de toutes façons obligée de poursuivre les cours pour les autres élèves.

Réponse : Puisque Myriam doit continuer à dispenser les cours, les deux participantes devront lui payer la totalité de la somme prévue, même si elles abandonnent en milieu de cycle.

Développement : Le Choul’han Aroukh (333) stipule qu’un employeur ne peut résilier le contrat d’un employé en cours de contrat. Le cas échéant, il devra lui verser un salaire pour toute la période d’emploi définie d’avance. Mais plus loin (334), il écrit que dans un cas de onés (force majeure) imprévisible, l’employeur ne doit rien au salarié en cas de rupture de contrat. Dans notre cas, les deux élèves sont considérées comme des employeurs puisqu’elles emploient les services de Myriam. Mais il faut savoir que cette dispense en cas de onès ne concerne que la résiliation du contrat, et l’employeur ne sera pas tenu de payer l’employé à l’avenir. En revanche, l’employeur sera tenu de payer le travail effectué jusqu’à présent, même s’il n’en tire aucun profit (voir le Nétivot Hamichpat 335, 3). Aussi, il me semble qu’il faut faire une différence entre une rupture de contrat où le salarié ne travaille plus, et celle où il est obligé de continuer son travail, qui ressemblerait à un travail déjà effectué qui doit être payé de toutes façons. Ici aussi, il semble que même si les deux élèves ne tirent aucun profit des cours que Myriam va continuer à donner aux autres participantes, puisqu’elle va devoir continuer à travailler, elles doivent payer les cours intégralement. Il en est ainsi seulement si Myriam doit fournir le même travail après le départ de deux élèves, comme cela semble être le cas ici. Sinon, par exemple si Myriam a moins de frais parce qu’elle utilise moins d’ingrédients, il faudra réduire son salaire.

Profit : sauf si l’empêchement vient du côté de l’employé. Dans ce cas-là, l’employeur payera uniquement le travail dont il profite.

Salaire : selon le barème de poél batél réduit à 50% selon Rachi (rapporté par le Taz Hochen Michpat 333 ;1). Le Beit Yossef 265 rapporte l’avis du Rambam qui fait dépendre ce barème de la difficulté du travail prévu.

Rav Réouven Cohen

Ariel, un jeune élève, part en voyage pour quelques jours. Son ami fumeur, Rafi, en profite pour lui remettre 300 dollars et lui demander de lui acheter à la boutique hors-taxe 6 cartouches de cigarettes Marlboro light. Ariel accepte, mais en arrivant aux rayons de la boutique, il se rend compte qu’il peut, en vendant lui-même ces cigarettes à l’école, financer entièrement son billet d’avion. Il envoie un message à Rafi lui disant qu’il compte finalement acheter les cigarettes pour lui-même. Rafi lui fait part de son mécontentement et lui demande de ne pas utiliser son argent à des fins personnelles. Ariel n’en tient pas compte et lui envoie la photo des 3 cartouches de Marlboro light et 3 cartouches de Marlboro rouges qu’il a acheté pour lui-même, en le rassurant qu’il le remboursera dès son retour. Mais à l’atterrissage, Ariel se fait confisquer les cigarettes à la douane. Rafi est, en fin de compte, soulagé qu’Ariel ne lui ait pas acheté les cigarettes, mais Ariel lui annonce que, selon la halakha, il ne doit rien lui rembourser.
Réponse : le Choul’hane Aroukh (‘Hochen Michpat 183 ; 3) dit que si un envoyé achète pour lui-même la marchandise avec l’argent de celui qui l’a chargé de l’achat, en le considérant comme un prêt, la marchandise appartiendra automatiquement à celui qui l’a chargé de l’acheter. Le Rama ajoute que si l’envoyé annonce devant témoins qu’il se retire de sa mission, d’après le Rav Hamaguid, la transaction sera à son profit, mais un deuxième avis dit que la marchandise revient au propriétaire de l’argent. Le Chakh (4) affirme que le Choul’hane Aroukh est aussi de cet avis, car il parle aussi du cas où l’envoyé a annoncé devant témoins qu’il agit dorénavant pour lui-même, comme semblent le penser le Rambam et le Rif. Cependant, le Nétivot (4) rejette l’interprétation du Chakh et prouve, d’après le Choul’hane Aroukh (Yoré Déa 177 ; 40), que si l’envoyé se retire devant témoins, la marchandise lui appartient, et tel est aussi l’avis du Gaone sur le Choul’hane Aroukh. Le Nétivot explique les deux avis rapportés par le Rama : d’après le premier avis, en enfreignant la volonté de celui qui l’a chargé de l’achat, l’émissaire devient un voleur et réussit de cette façon à faire l’acquisition de l’argent (il sera évidemment tenu de le rembourser) et à acheter ce qu’il désire avec. Selon le deuxième avis, celui qui l’a chargé de l’achat reste propriétaire de cet argent, et la marchandise lui revient en dépit de la volonté de l’émissaire. Il ressort d’après cela que, selon le Choul’hane Aroukh, Ariel a bien acheté toutes les cigarettes pour son compte (les messages faisant fonction de témoins qu’il s’est retiré de son rôle d’émissaire). C’est donc sa propre marchandise qui a été prise à la douane. Il doit à présent rembourser à Rafi les 300 dollars qu’il lui a pris. Mais il faut savoir que, face à cette controverse des décisionnaires, Ariel pourra s’en tenir à l’avis du Rif et du Rambam (d’autant plus que le Chakh affirme que tel est l’avis du Choul’hane Aroukh). Ariel peut prétendre qu’il n’a pas réussi à s’approprier les cartouches de cigarettes. C’est donc la marchandise de Rafi qui a été prise, et il n’a rien à lui payer. Mais il faut savoir que le Chakh (5) et le Sma’ (6) précisent que le dine sera différent si l’envoyé utilise l’argent qui lui est confié, pour acheter une autre marchandise. Tous les avis accordent à l’envoyé la contrepartie de l’argent détourné. Les Marlboro rouge appartiennent donc à Ariel alors qu’il prétendra que les Marlboro light ont été, contre son gré, automatiquement acquises par Rafi.
Conclusion : Ariel devra rembourser à Rafi 300 dollars moins le prix des 3 cartouches de Marlboro light.
Rav Réouven Cohen

Haïm, qui habite Jérusalem, achète comme placement un appartement à Beer-Sheva. Il cherche à le faire repeindre avant d’y installer un locataire. Il contacte un peintre de la ville qui lui demande 8000 shekels pour ce travail. Haïm se souvient que son cousin bricoleur Avy habite Beer-Sheva et lui demande conseil. Quand ce dernier lui affirme que le prix est excessif, Haïm lui demande de lui trouver un peintre moins cher. Avy contacte Chouki, un jeune étudiant qui se propose de peindre l’appartement pour 3500 shekels. Avy annonce à Haïm qu’il a trouvé un peintre très intéressant qui ne prendra que 5500 shekels. Il demande à Chouki de travailler pour Haïm et empoche discrètement 2000 shekels pour avoir établi ce contact. Sa femme lui dit qu’il n’a pas le droit d’agir de cette façon, mais Avy se considère comme un entrepreneur ou comme un courtier.

Réponse : Avy n’étant pas entrepreneur, il devra rendre les 2000 shekels à Haïm. Chouki, qui a été d’accord de travailler pour 3500 shekels, ne touchera que cette somme.

Développement : La michna Baba Métsia (35b) écrit que si un homme loue une vache (un locataire est tenu de rembourser l’objet en cas de vol mais pas en cas d’accident) puis la prête à quelqu’un et qu’elle meurt accidentellement chez cet emprunteur (l’emprunteur, qui profite de l’objet sans payer, endosse toutes les responsabilités et est tenu de payer tout dommage même en cas d’accident), ce dernier devra payer la valeur de la vache. Bien que l’emprunteur soit engagé vis-à-vis de son interlocuteur, c’est-à-dire le locataire, le locataire ne pourra pas se saisir de cette somme (et ne pas rembourser le propriétaire, du fait que lui-même n’est que locataire), faute de quoi il serait accusé de « faire du commerce avec la vache de son prochain ». Cette somme revient donc au propriétaire. Il en ressort un principe général : on ne peut pas toucher de bénéfices sans être impliqué dans une affaire. Les agents et les courtiers méritent salaire pour leur travail, mais ils ne peuvent toucher que la commission qui leur revient pour leur service. Avy peut demander à être rémunéré par Haïm et par Chouki en tant que courtier pour le contact qu’il a établi entre eux. Par contre, il ne doit pas empocher une somme destinée à quelqu’un d’autre (voir Tour Hochen Michpat 332). Quant à l’entrepreneur, c’est lui qu’on engage pour effectuer les travaux ; s’il ne les fait pas lui-même, il peut faire travailler qui bon lui semble. Avy n’est pas entrepreneur : il n’est qu’un envoyé de Haïm pour engager un peintre. Quant à Chouki, il travaille pour Haïm et pas pour Avy. Avy aurait pu lui demander d’être payé pour ce contact mais il n’a en aucun cas le droit de s’approprier une partie de la somme destinée au peintre, même si 5500 shekels est un prix très raisonnable. Pour gagner honnêtement cet argent, Avy aurait pu proposer à Haïm de prendre ce chantier puis engager lui-même Chouki.

Rav Réouven Cohen

Contact : Pour cela, il aurait fallu depuis le départ déterminer son salaire pour établir ce contact. Le cas échéant, il sera payé au minima, mais il aurait fallu depuis le départ travailler avec l’intention de demander un salaire pour le contact ; il serait ainsi devenu de façon tacite employé des parties. Or Avy n’a jamais eu cette intention puisqu’il comptait prendre à l’insu de tous une partie des sommes transférées de ‘Haïm à Chouki. Puisqu’il a depuis le départ renoncé à son salaire de courtier, il ne touchera rien pour ce service.

Chouki : Avy aurait alors endossé toutes les responsabilités d’un entrepreneur.

Après avoir rencontré Sarah en vue de se marier, Yaakov a du mal à se décider bien qu’il apprécie beaucoup ses qualités. Il avoue à l’intermédiaire que la malformation des dents de Sarah le dérange. Sarah, qui tient à Yaakov, s’engage à se faire redresser les dents. Au lendemain des fiançailles, elle va consulter un prothésiste qui lui fait un devis et lui conseille de commencer les soins quatre mois plus tard, après son mariage. Pour rassurer Yaakov, elle remet déjà au dentiste un chèque couvrant toute la somme et fixe les consultations. Ensuite, les soins ont été plusieurs fois repoussés pour diverses raisons. Mais aujourd’hui, Yaakov apprécie tant les qualités de sa femme qu’il a oublié la malformation qui le dérangeait. Sarah se tourne vers le dentiste pour lui demander de lui rendre son chèque. Celui-ci lui rappelle qu’elle n’a pas le droit de rompre son engagement et lui demande même de remplacer son chèque qui est daté de l’année précédente.
Réponse : Un engagement vis-à-vis d’un employé se fait par un acte d’acquisition (kinyane). Le Nétivot (333 ; 1) écrit que le paiement en argent est valable aussi. Une fois son employé engagé, l’employeur ne pourra pas le licencier et sera tenu de lui payer son salaire sur toute la période convenue. Dans notre cas, en payant d’avance, Sarah s’est engagée à employer le prothésiste et ne pourra plus, a priori, se retirer. Mais le Choul’han Aroukh (‘Hochen Michpat 334 ; 1) précise que si, pour une raison imprévisible ou prévisible pour l’employé et l’employeur, ce travail n’est plus nécessaire, l’employé ne sera payé que pour le travail effectué et l’employeur pourra se défaire de son engagement pour le futur. C’est à celui qui veut obtenir un payement de parer à toutes éventualités (Sma’ 1). Le Rama (idem) rapporte le Teroumat Hadéchéne disant, au nom des Tossafot, que l’employeur ne pourra pas réclamer la somme qu’il a déjà avancée. En effet, en avançant cette somme, l’employeur a montré qu’il était prêt à payer même en cas d’incident qui rendrait le travail inutile. Certes, dans notre cas, il est vrai que Sarah a avancé les honoraires du prothésiste, mais nous savons pour quelle raison. Ce n’était pas pour lui assurer son salaire mais plutôt pour rassurer son fiancé. Rappelons aussi la controverse entre les décisionnaires contemporains sur le statut d’un chèque. Le détenteur d’un chèque a-t-il déjà l’argent en main ou est-ce uniquement un ordre à la banque de lui remettre cette somme ? La majorité des décisionnaires pensent qu’il n’est pas mou’hzak , qu’il ne détient pas l’argent. De plus, le chèque remis par Sarah étant périmé, le prothésiste ne pourra pas obliger Sarah à le remplacer.
Conclusion : Sarah pourra annuler les soins prévus et le prothésiste ne sera donc pas payé.
Rav Réouven Cohen


         Ouri n’a pas de travail fixe. Au fil des années, il a acquis une bonne réputation pour les belles   soucot qu’il construit. A la période des fêtes, Il est tant occupé par ce travail qu’il ne trouve pas le temps de construire sa propre souca si bien qu’il se retrouve très souvent sans souca les premiers jours de Soucot. Cette année, son beau-père David n’a pas la possibilité d’héberger sa fille et sa famille. Il propose donc à son gendre de lui payer 600 shekels, son tarif habituel, mais pour construire sa propre souca. Ouri est bien content de construire sa soucca sans avoir de manque à gagner. Après coup, David se demande s’il doit vraiment le payer étant donné qu’après tout, Ouri a travaillé pour lui-même.
Réponse : le Rama (‘Hochen Michpat 81 ; 1) écrit que celui qui dit à son gendre : « Etudie avec ton fils et je te donnerai un salaire » n’est pas tenu de payer puisque son gendre est, de toutes les façons, obligé selon la Torah d’étudier avec son fils ou d’engager pour lui un enseignant. Le grand-père pourra donc dire à son gendre : « Mon offre n’était pas sérieuse ». Le Rama précise que cette halakha n’est valable que si le gendre n’est pas pauvre. S’il est pauvre, la promesse de son beau-père a le statut d’un néder, un vœu de don à la tsédaka, sur lequel on n’a pas le droit de revenir sous prétexte qu’on plaisantait. Le Toumim (6) et le Ketsot Ha’hochen (4) ajoutent que dans ce cas-là, le gendre devient son employé. L’obligation n’est pas uniquement d’ordre religieux, vis-à-vis du ciel, mais elle devient d’ordre monétaire. Le caractère sérieux de cette proposition forme un contrat entre employeur et employé. Pourtant, le Netivot (2) considère que l’on ne peut jamais être employé pour accomplir sa propre mitsva, car c’est comme si l’on proposait à quelqu’un de le payer pour mettre ses téfilines ou se construire une souca. Il existe donc une controverse dans le cas d’une proposition sérieuse de payer une personne pour qu’elle accomplisse sa mitsva : devient-elle employée pour cet acte obligatoire ou pas. Dans notre cas, David reconnaît avoir été sincère lorsqu’il a proposé à son gendre de le payer pour construire sa souca. Si Ouri n’est pas pauvre – et est considéré pauvre celui qui n’a pas de quoi subvenir à ses besoins pour les douze mois à venir – la halakha dépendra de cette controverse, puisqu’il s’agit d’une proposition sérieuse. Par contre, si Ouri est dans le besoin, David devra de toute façon le payer car il a fait un vœu d’offrir une somme d’argent à un pauvre. Mais il n’aura pas les obligations d’un employeur, telles que payer le jour de la livraison du travail, et les héritiers n’y seront pas impliqués en cas de décès.
Conclusion : si Ouri n’est pas pauvre, David pourra suivre l’opinion des décisionnaires qui le dispensent de payer. (Mais on lui conseillera malgré tout de bien considérer sa décision afin de ne pas susciter des tensions dans sa famille.)
Rav Réouven Cohen

Yossef et Moshé ont pris rendez-vous chez Michael, un agent immobilier réputé, dans le but d`acquérir en commun un bien qui leur rapporterait de bons revenus. Après que Michael leur ait fait visiter plusieurs appartements, qu`ils se soient décidés pour l’une des propositions et que les avocats des deux parties se soient rencontrés, Moshé s`est désisté. Yossef aurait voulu acquérir ce bien mais n`avait pas les moyens de le faire seul. Il a donc annoncé au vendeur que la transaction était annulée. Un mois plus tard, Aviv, le frère de Yossef, rencontre un ami du nom de Benny qui justement lui raconte qu`il aimerait bien investir dans l`immobilier mais que les prix dépassent son capital. Aviv le met en rapport avec son frère Yossef. Après que ce dernier ait fait visiter à Benny l`appartement qu’il avait désiré acheter, ils se mettent d’accord pour investir ensemble et tous deux signent le contrat avec le vendeur.

Yossef appelle de suite Michael (l`agent immobilier) et lui annonce qu`avec l`aide d`Hachem, il a finalement réussi à acquérir la moitié du bien. Il désire donc lui payer sa commission, à savoir 2% du prix qu`il a payé pour sa part dans l`appartement. Michael lui demande ce qu’il en est de la deuxième moitié du bien.  Yossef lui donne alors les coordonnées de Benny. Au téléphone, Benny rétorque à Michael qu`étant donné qu`il ne lui a jamais demandé son service et qu`il a obtenu cette affaire par l’intermédiaire de son associé Yossef, il pense ne rien lui devoir.

Qui a raison ?

Réponse: D`après la halakha, il peut y avoir deux raisons pour lesquelles un agent immobilier a droit à une rémunération pour son service sans qu`il y ait eu signature d’un contrat entre le client et l`agent :

– du fait qu`il y a une entente entre le client et l`agent sur deux points : le client est intéressé par ses services, et en échange de ses services, l`agent a l`intention de réclamer une prestation (même si elle n`a pas été fixée ; dans ce cas, elle s`élèvera au prix le plus bas en cours sur le marché). Ses services pourront alors être considérés comme les actions d`un employé (« poèl« ) au service de ce client, même dans le cas où il n`a fait qu’indiquer l’adresse d`un appartement offert à la vente (bien entendu à condition que la transaction ait été conclue par l` intermédiaire de l`agent).

– du fait que l`agent a procuré au client un bénéfice par son action, qu`il en avait l`intention au moment d`agir et qu`il a intervenu avec l’intention de réclamer une prestation (« yored« ), même si l’acheteur n`a pas été en contact avec l`agent. (Toutefois, cela s’applique seulement dans les cas où on présume que l’acheteur aurait accepté de  payer pour ce bénéfice.)

Dans notre cas, nous constatons qu`aucune des deux raisons n’est présente :

– Evidemment, il n`y a eu aucune entente entre l`agent et Benny.

– L`agent n`avait ni l`intention de procurer un bénéfice à Benny ni de lui réclamer un salaire. En effet, au moment de son intervention, il n`avait pas entendu parler de Benny et ce dernier n’était  pas intéressé d’acheter ce bien.

Conclusion: Michael, l’agent, ne peut donc pas réclamer à Benny un paiement. La solution pour l`agent aurait été d`ajouter au contrat entre lui et le client une clause prévoyant que sa commission s`élevait à 2% de la totalité de la transaction, même si son client n`en a acquis qu`une part.

                                                                         Rav Ellia Yaffé

____________________________________________

  1. Choul’han Aroukh 336 
  2. Ketsot Ha’hochen 331, 3.
  3. Kessef Hakodachim 264.
  4. Biour Hagrah ’Hochen Michpat 87, 117.
  5. Netivot Hamichpat 236, 7.
  6. Maharam de Padoue 40, rapporté par le Rema 335, 1.
  7. Hazon ich hochen michpat baba kama 22, 6


David doit se marier dans deux mois. Il demande à l’imprimeur Sammy, un ami de longue date, de lui préparer ses faire-part en précisant qu’il lui réglerait la commande à la fin du travail. Sammy lui promet de lui faire un bon prix. Deux semaines plus tard, Sammy dépose les faire-part au domicile de David. Bien plus tard, Sammy informe David que le prix total est de 800€. Etonné, David explique à Sammy que le prix d’une impression semblable varie entre 500€ et 700€ ; il est donc d’accord de payer 700€ mais pas davantage. Bien entendu, Sammy ne veut en aucun cas reprendre ses faire-part car il ne pourra rien en faire, tandis que David non plus n’est pas intéressé de les rendre à Sammy car il est pressé de les distribuer à l’approche de son mariage. Ils ont donc décidé de poser la question au Beth Ora’a.
Réponse: Le Choul’han Aroukh (189, 1) nous enseigne que dès qu’un acte d’acquisition est effectué, ni le vendeur ni l’acheteur ne peuvent se rétracter et annuler la vente.
Cependant, le Choul’han Aroukh (200, 7) écrit aussi que tant que l’acheteur et le vendeur ne se sont pas mis d’accord sur le prix, aucun acte d’acquisition n’a de valeur, même si l’objet a déjà été remis à l’acheteur, à moins qu’il ne s’agisse d’un bien dont le prix est fixe et connu par tout le monde.
S’il en est ainsi, David peut dire à Sammy : « Soit tu reprends ta marchandise soit je te l’achète au prix qui m’intéresse ». De même, Sammy peut dire à David : « Soit tu paies les faire-part au prix que j’ai demandé soit tu me les rends ».
Cependant, le Séfer « Guet Mékouchar » (Séder Guet Richon, 17) écrit que si un homme a donné un Guet (acte de divorce) à sa femme avant d’avoir fixé le prix de l’écriture avec le scribe, l’acte de divorce n’est pas annulé. Il le justifie en expliquant que bien que le prix n’ait pas été fixé, en prenant le Guet chez le Sofer (scribe), le mari en est devenu propriétaire. La raison en est que tout ce qui a été dit ci-dessus (tant que le prix n’a pas été fixé, l’objet ne change pas de propriété) est valable uniquement pour un objet ayant une valeur universelle. Par contre, étant donné qu’un Guet n’a de valeur que pour le mari et pas pour le Sofer, il est certain que le Sofer l’a donné au mari en pensant que s’ils ne s’accordent pas sur le prix, il acceptera le prix ordinaire sur le marché. C’est pour cela que le mari devra donner au Sofer le prix du marché, mais le Guet demeure sa propriété depuis que le Sofer le lui a remis.
Nous pouvons apprendre du « Guet Mékouchar » qu’il en est de même chaque fois où l’objet vendu ne peut être utile qu’à l’acheteur et pas au vendeur : même si l’acte d’acquisition a été effectué avant que les parties se soient mises d’accord sur le prix, l’acte reste valable.
Ainsi, puisque l’imprimeur Sammy ne pourra faire aucun usage des faire-part, il est certain qu’il les a remis à David avec l’intention que s’ils n’arrivent pas à s’entendre sur le prix, il recevra uniquement le prix courant d’un tel travail sur le marché, c’est-à-dire entre 500 et 700€.
Conclusion : Etant donné que David affirme qu’il est d’accord de payer 700€, le Beth Ora’a a tranché qu’il s’acquittera de sa dette par cette somme.
Rav Itshak Bellahsen

Les deux voisins Yoni et Yossi ont l’habitude de faire du vélo ensemble. Un jour, Zéèv, le père de Yossi, demande à Yoni de lui prêter son vélo. Celui-ci accepte, mais l’avertit que son vélo coute très cher. Zéèv le rassure qu’il s’engage à réparer tout dommage qu’il pourrait occasionner. Quelques heures plus tard, Zéèv appelle Yoni pour lui annoncer que la chaine et les vitesses sont complètement bloquées. Comme Yoni n’arrive pas à tout arranger, Zéèv apporte le vélo à réparer. Le mécanicien lui explique qu’il faut changer une pièce et que ce blocage peut se produire si l’on passe mal les vitesses ou simplement à cause de l’usure. Zéèv paye les 400 shekels de la réparation et rapporte à Yoni son vélo réparé. Il se demande cependant s’il peut s’adresser au père de Yoni pour lui demander de participer aux frais de réparation.

Réponse : le chomer ‘hiname – gardien bénévole – a un niveau de responsabilité minimal en cas de dégât puisqu’il n’est pas rémunéré. Il doit payer les dégâts uniquement en cas de faute de sa part. Le chomer sakhar – gardien rémunéré – a un niveau de responsabilité moyen tandis que le choel – emprunteur – endosse le niveau maximal de responsabilité puisqu’il profite de l’objet ou de l’animal sans rien payer (Baba Metsia’ 93a). Le choel est responsable et tenu de payer le dégât même en cas de force majeure et s’il n’a commis aucune faute. Le seul cas où il sera dispensé de payer est si la bête qu’il a empruntée est morte ou a été blessée par une utilisation normale, étant donné que c’est pour cela qu’il l’a empruntée (Idem 96b). Par conséquent, si la panne du vélo emprunté a été causée par l’usure [ce qui est parallèle à la bête qui meurt ou est blessée au cours d’une utilisation normale], Zéèv n’aurait pas d’obligation de payer la réparation. Mais dans notre cas, Zéèv est en doute de savoir si la panne a eu lieu à cause de l’usure ou d’une mauvaise manœuvre de sa part. Le Rama (‘Hochen Michpat 340 ; 3) considère le choel tenu de payer s’il n’est pas capable de jurer que la bête qu’il a empruntée est morte dans des circonstances qui le dispensent de payer. Mais le Chakh (7) écrit que le Choul’hane Aroukh dispense le choel en cas de doute.

Pourtant, il y a une raison supplémentaire pour obliger Zéèv à payer : il s’est engagé à payer tout dégât qu’il causerait, ce qui inclut les dégâts engendrés par son utilisation. La guemara (Baba Metsia’ 94a) affirme que le chomer hinam peut s’engager à endosser les responsabilités du choel. Et les Tassofot (Idem 58a) rajoutent que dans certains cas cet engagement doit être accompagné d’un acte d’acquisition. Le Ktsot Ha’hochen (1) se demande si l’engagement du choel à payer les dégâts d’une utilisation normale, suffit s’il est fait oralement ou s’il faut le faire par un acte d’acquisition. Mais le Netivot (2) écrit que la question se pose uniquement pour ajouter des obligations propres au chomer/gardien. En effet, toutes les responsabilités des gardiens découlent de leur statut de chomer. Celui qui n’est pas chomer n’est pas tenu de payer s’il a négligé de garder l’objet d’autrui. C’est pour cela qu’il faut un acte pour qu’il endosse les obligations d’un chomer, car il n’est pas chomer. Toutefois, un dégât que n’importe quelle personne est obligée de payer, par exemple si elle détériore l’objet d’autrui en l’utilisant sans permission, il est évident qu’on n’en dispensera pas le choel qui s’y engage. En acceptant de payer tout dégât, Zéèv accepte en fait qu’en cas de dégât par usure, il sera considéré comme ayant utilisé l’objet sans permission et donc tenu de payer.

En conclusion : Puisque Zéèv a déjà payé la réparation du vélo, il ne pourra pas réclamer cette somme au père de Yoni en vertu de la regle de kim li (celui qui détient l’argent pourra se tenir aux avis qui le dispense de payer – dans notre cas le Rama et le Nétivot -). S’il n’avait pas payé, il aurait pu s’en dispenser en s’appuyant sur les opinions du Choul’han Aroukh et du Ktsot Ha’hochen.

Rav Réouven Cohen

À l’école ‘Hayé Olam, les jeux de ballon sont interdits à la récréation. Le surveillant, qui a du mal à faire respecter cette règle, se permet de temps à autre de confisquer définitivement le ballon d’un élève. Rahamim demande à Zalmane de lui prêter son ballon. Quelques minutes plus tard, le jeu est interrompu et le ballon confisqué. Le surveillant ne veut rien entendre : le ballon ne sera pas rendu à son propriétaire. Rahamim est désolé d’annoncer cette nouvelle à Zalmane. Mais ce dernier lui demande de lui rembourser son ballon en vertu de ce qu’ils ont appris : le choél/emprunteur est tenu de payer dans tous les cas. Mais Rahamim rétorque : « Je te l’ai emprunté pour jouer à la récréation, et tu savais très bien que cela risquait d’arriver ».

Réponse : Le choél endosse la responsabilité la plus élevée et devra payer le dégât même en cas de force majeure. Le seul cas où il sera dispensé de payer, c’est quand « méta mé’hamat mélakha » – la bête est morte ou l’objet est détérioré par le travail accompli, puisque c’est bien dans ce but qu’il a emprunté l’animal ou l’objet (Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat 340 ; 1). La question est de savoir ce qui est défini comme « méta mé’hamat mélakha ». Le Choul’han Aroukh (340 ; 3) dispense aussi de payer le dommage si la bête a été volée par des brigands sur la route, puisque l’accident a eu lieu au cours du trajet prévu et qu’il n’aurait pas eu lieu dans la maison du propriétaire. Le Rama n’est pas d’accord puisque le dégât n’a pas été causé par le travail accompli avec l’animal. Le Chakh 6 se positionne du côté du Rama en s’appuyant sur  l’avis du Ramban (Baba Metsia 96b) qui explique que la dispense de « méta mé’hamat mélakha » découle de la faute du propriétaire, qui a prêté un objet inadapté à l’utilisation qui en a été faite. Or, cette raison est valable uniquement si l’objet a été détérioré par l’utilisation, mais pas s’il a été pris ou endommagé par accident, même prévisible. Le Darkei Moché rapporte le Troumat Hadéchen 328 qui dispense de tout remboursement le guerrier vaincu qui s’est fait prendre les armes qu’il avait empruntées. Bien qu’elles n’aient pas été détériorées par leur utilisation, leur propriétaire connaissait très bien le risque de confiscation. Le Chakh 7 s’appuie sur le Ramban pour rejeter la décision du Troumat Hadéchen qui rejoint l’avis du Choul’han Aroukh. Le Nétivot 6 se rallie à l’opinion du Chakh. Notre cas ressemble à celui du Troumat Hadéchen puisque la confiscation du ballon est un accident à prévoir dans le cadre de son utilisation. Il se trouve donc que d’après le Choul’han Aroukh, Rahamim sera dispensé de rembourser le ballon alors que d’après le Chakh et le Netivot, il devra le payer. Il est vrai que pour les poskim ashkénazes, l’avis du Chakh est retenu même à l’encontre du Choul’han Aroukh (voir ‘Havat Yaïr à ce sujet). Mais Rahamim qui est séfarade pourra évidemment s’en tenir à la décision du Choul’han Aroukh même face à Zalmane, qui est ashkénaze.

Conclusion : Rahamim ne doit rien payer à son ami Zalmane.  

Rav Réouven Cohen

Des chats escaladent facilement le mur extérieur de la propriété des Lévy et se faufilent ensuite dans le jardin des Cohen. Les deux voisins essaie toutes sortes de dispositifs pour chasser ces importuns, mais en vain. N’ayant plus le choix, les Lévy font rehausser leur mur extérieur d’un mètre supplémentaire sans consulter les Cohen. Après un mois de calme, les Lévy demandent aux Cohen de participer à cette dépense non négligeable. Les Cohen ripostent qu’ils ne leur ont pas demandé leur avis et que ce mur n’a rien avoir avec eux puisqu’il a été construit du côté du jardin qui n’est pas mitoyen au leur.

Réponse : Le Ran (rapporté par le Rama ‘Hochen Michpat 264 ; 4) écrit que celui qui reçoit de son prochain un service (généralement rémunéré)  ne pourra pas dire : « Comme je ne t’ai pas demandé de me rendre ce service, tu l’as fait bénévolement ». D’autre part, il existe une règle bien connue : cofim ‘al midat sdome – je ne peux pas demander de payement à celui qui a profité de mes biens sans me causer de perte quelconque.

Qu’en est-il dans le cas que nous avons cité ? Les Lévy ont construit le mur pour leurs propres besoins et les Cohen en profitent aussi. Les Cohen doivent-ils participer aux frais ? Le Rama (idem) traite d’un cas semblable : deux individus ont été emprisonnés et l’un d’entre eux a déboursé de l’argent pour leur libération. La règle qui ressort est que si le prisonnier n’a pas dépensé d’argent supplémentaire pour faire libérer son compagnon d’infortune, ce dernier n’a rien à payer (en vertu de la règle : cofim ‘al midat sdome), à moins que le prisonnier n’ait pensé dès le début se faire rembourser la moitié. Le Netivot (188 ; 3) explique qu’il est possible de devenir associé malgré soi. En effet, si deux personnes se retrouvent dans une situation  qui impose des frais, l’une pourra imposer à l’autre des frais raisonnables selon le profit qu’elle a tiré.

Lorsqu’ils ont fait construire ce mur, les Lévy ont sûrement pensé faire participer les Cohen qui allaient tirer profit de cette structure, mais ils ont tout simplement attendu de voir que cette solution était efficace avant de leur demander d’en partager le coût. Cependant, le beth dine devra malgré tout vérifier si la famille Cohen aurait pu empêcher les chats de pénétrer dans sa propriété de façon moins coûteuse, par exemple en installant une cloison entre les deux jardins, auquel cas elle ne paiera que le coût de cette cloison.

En conclusion : La famille Cohen devra participer aux frais déboursés par les Lévy.

Rav Réouven Cohen